blog du Npa 29, Finistère
Depuis quelques jours, une inquiétude enfle dans les milieux patronaux et gouvernementaux :
face à la vague de fermetures d’entreprises et à la dégradation des conditions de vie de la majorité de la population, ne risque-t-on pas d’assister à des actes de violence ? Les journalistes interrogent les dirigeants syndicaux, les pressent de dénoncer toute action à venir. Dans le même mouvement, malgré les propos qui se veulent rassurants sur une prochaine sortie de crise, tout le monde se rend bien compte que les tensions vont augmenter : gel des pensions de retraite, accord interprofessionnel qui sape les bases du code du travail, chômage massif…
L’accent mis sur les risques de violence renverse les perspectives, en mettant de côté les violences patronale et gouvernementale, pour se concentrer sur la violence des licenciéEs, des expulséEs, des dominéEs.
Cela revient, sous prétexte de maintien de l’ordre public, à justifier le déploiement d’un arsenal répressif qui envahit notre quotidien. Ainsi, le cas des opposantEs de Notre-Dame-des-Landes ou de ces quatre militants ouvriers d’Aulnay convoqués pour un entretien préalable à licenciement, aussi interrogés par la sûreté territoriale… Les conflits du travail, les résistances les plus importantes, sont ainsi assimilés de plus en plus à des troubles à l’ordre public.
Mais cet ordre public, cette légalité républicaine que défend Manuel Valls, ne sont que les paravents d’une vaste offensive d’exploitation et de dépossession des classes populaires. Peu à peu, la police remplace la politique : les débats et disputes n’ont plus le droit de cité, puisque plus rien ne doit venir troubler le cycle de valorisation du capital. Parmi les promesses de la campagne électorale ne figurait pas de projet de loi d’amnistie. Une occasion de compenser (un peu) les promesses non tenues ?
Avec moins de 10 % d’adhérentEs, le syndicalisme français est systématiquement dénoncé comme non représentatif de la majorité des salariéEs. Sociologues et commentateurs se penchent régulièrement sur le sujet pour annoncer la fin de ce pan essentiel du mouvement ouvrier. Les raisons invoquées se retrouvent avec des hiérarchisations différentes suivant leurs auteurEs. La crise et le chômage, la restructuration de l’appareil productif, la bureaucratisation et en prime l’individualisme issu de Mai 68 sont toujours au programme. Mais la répression de l’action syndicale et plus généralement de l’action militante, voire de la résistance aux attaques patronales, ne sont pratiquement jamais évoquées. Même les enquêtes d’opinion des salariéEs sur les discriminations à l’entreprise ne mettent pas en évidence au niveau réel le phénomène. Pourtant les enquêtes qui posent précisément la question de la syndicalisation sont claires : près de 40 % des salariéEs affirment que leur refus de se syndiquer est motivé d’abord par la crainte des représailles.
L’arsenal est large depuis les « conseils » lors de l’embauche de ne pas écouter et même de ne pas se lier aux syndicalistes, blocage de carrière, discriminations de tous ordres, chantage, avant de franchir le pas de la répression directe. Le plus significatif est le licenciement des salariéEs dits protégéEs. Près de 15 000 demandes sont faites chaque année avec un taux d’autorisation par l’administration de près de 90 %. Le motif économique aux alentours de 80 % ne saurait masquer son aspect répressif quand on sait que la CGT fournit la moitié du contingent de syndiquéEs, même si les non-syndiquéEs représentent la majorité des sanctionnés.
Si les stratégies patronales sont bien rodées, les réponses syndicales sont affaiblies par le non-dit évoqué plus haut, un certain fatalisme et l’inégalité de traitement. Ce sont les plus militantEs qui sont sanctionnéEs, quelle que soit l’appartenance syndicale, et les ripostes sont de ce fait souvent difficiles à construire. La tendance est à la criminalisation de l’action syndicale : les Conti condamnés pour violence et Xavier Mathieu pour refus de prélèvement ADN, les militantEs de PSA Aulnay pour dégradations et menaces n’en sont malheureusement que les plus visibles. Et Valls inaugure une nouvelle menace : la dénonciation préventive pour les Goodyear. Provocateur ?
80 000 suppressions d’emplois de 2002 à 2012. Et la direction de La Poste ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Mais pour parvenir à transformer la poste en entreprise pleinement rentable, supprimer des emplois ne suffit pas : il faut être prêt à mater les résistances, et c’est ce que la direction de La Poste s’est employée à faire depuis une petite dizaine d’années.
Le tournant de la grève de Bègles : l’intervention du GIPN
En mai 2005, les postiers du centre de tri de Bègles-Bordeaux se mettent en grève contre la fermeture de leur centre. Dans une lutte où 450 emplois sont en jeu, ils séquestrent des cadres… et le GIPN intervient pour briser la grève. 14 postiers sont à la fois lourdement sanctionnés au niveau disciplinaire (un licenciement, des suspensions de fonctions de 2 ans, des mutations d’office…) et poursuivis en justice : les procédures dureront jusqu’en 2010, et se solderont pour 8 d’entre eux par de la prison avec sursis. Ce type d’intervention, assez rares à cette époque, signalait une volonté claire de la direction Bailly : être prêt à employer tous les moyens pour écraser des équipes militantes combatives dans un secteur où la tradition syndicale est relativement forte.
Sans atteindre la violence de la répression des postiers de Bègles, la logique répressive s’est néanmoins généralisée et aggravée. Elle touche désormais à des degrés différents tous les métiers de La Poste (distribution, tri, colis…) et toutes les régions. Les cas de licenciement de représentants syndicaux, comme récemment dans l’Isère ou dans les Yvelines, se multiplient. Dans certains départements comme le 66, la direction interdit aux syndicalistes les visites de centres. Par-delà les différentes situations locales, le trait commun dans la politique des différentes directions est de criminaliser les formes de résistance qui servent à regrouper les postiers, des formes de résistance tolérées pendant des décennies comme les prises de parole auprès des facteurs ou des agents de tri (assimilées à des « AG sauvages perturbant le service » par la direction).
Un cas emblématique : les postiers du 92
Ce qui fait la spécificité du 92, c’est l’existence d’une équipe militante qui a systématiquement cherché à mener des conflits qui regroupent plusieurs bureaux voire plusieurs métiers, des grèves auto-organisées à l’image de la grève départementale de 2009 où les AG étaient quotidiennes et préparées par un comité de grève élu par les grévistes.
La quasi-totalité des représentants départementaux de SUD Poste 92 ont été visés par des procédures disciplinaires. Deux d’entre eux ont écopé de longues mises à pied (un an et deux ans), et Gaël Quirante est aujourd’hui toujours menacé de licenciement. Comme à Bègles, les poursuites disciplinaires sont doublées de procédures pénales : 15 postiers dont Olivier Besancenot sont toujours accusés de séquestration pour une simple grève avec occupation. Un rassemblement pour le délibéré de leur procès en appel a lieu le 28 février à 13 heures devant la cour d’appel de Versailles (5 rue Carnot).
*