9 novembre 2010 - Le Télégramme
Les nouvelles en provenance du tribunal de grande instance de Brest ne sont pas bonnes pour la fédération ADMR29, placée sous procédure de sauvegarde. Ni, par ricochet, pour les associations locales du réseau qui lui sont débitrices à hauteur de 7M€.
Le procureur de la République a refusé, hier, la demande de la fédération ADMR de prolonger, pour six mois, la procédure de sauvegarde
sous laquelle elle est placée depuis le 6 décembre 2009. Il a suivi les conclusions accablantes de Me Robert, administrateur judiciaire, et du mandataire qui gèrent les créances fédérales. «Le
tribunal rendra sa décision le 7décembre. Mais il a été très sévère avec les gens qui pilotent aujourd'hui la fédération: un petit groupe de bénévoles sous l'influence de l'union nationale», ont
jugé les élus du personnel. L'union nationale n'a pourtant légalement aucun pouvoir sur la fédération du Finistère, association juridiquement autonome.
Vers un redressement judiciaire
Son placement en redressement judiciaire semble désormais inéluctable. «La liquidation judiciaire est techniquement impossible», a informé Me Peters, avocat du
comité d'établissement. Le dénouement, proche, pourrait être dramatique. Le placement en redressement judiciaire de la fédération induirait la mise en cessation de paiement de plusieurs
associations locales (47 sont saines financièrement). Certaines d'entre elles sont aujourd'hui débitrices de la fédération pour une somme totale de 7M€.
Le chiffre a doublé en moins d'un an. «Problématique», a indiqué MeTygréat, avocat du comité d'établissement et de la CFDT santé sociaux. Dans une audience annexe,
suivie par une trentaine de salariés, il a plaidé pour une demande d'annulation de la procédure de licenciement collective et pour l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi lancé le 15juin
dernier. «Une coquille vide dont le coût estimé par la fédération est de 815.000 € (elle ne dispose que de 200.000 €). Où sont-ils? Pas dans le budget de formation. La direction dit que si on
annule le PSE, les conséquences seront dramatiques. Mais, depuis le 15j uin, elle a fait des avances aux associations locales à hauteur de 250.000 €».
"Il n'y aura pas de fin heureuse"
Me Rousselin, avocat lyonnais de la fédération, s'il a reconnu des erreurs de la gouvernance, a évoqué une obstruction du CE dans la procédure. Le secrétaire
du comité d'établissement - élu protégé- a ainsi été rajouté en cours de route sur une liste qui n'est plus de 51 licenciements secs mais de 52. «Me Rousselin a fait un sacré boulot», a ironisé
le représentant de la CFDT. «Il a réussi à donner un sens à l'irréel». La décision du tribunal est mise en délibéré au 22 novembre. Les lettres de licenciement ne partiront pas avant. «ll ne faut
pas se faire d'illusion, il n'y aura pas de fin heureuse», a conclu MeTygréat.
«On s'est moqué du CE pendant une année. La procédure a été menée de façon unilatérale par la présidence fédérale». Depuis le début de l'année, le réseau ADMR a enregistré une perte d'activité de 7% à 8%. Hier, à son tour, le conseil d'administration de l'association locale de l'Elorn a démissionné en bloc. «Tout le monde en a marre», ont estimé des présidents. Au tribunal, à Brest, la gouvernance fédérale s'est, elle, refusée à tout commentaire.
- Karine Joncqueur
Hier, au tribunal de Brest, son plan de sauvegarde de l'emploi a été contesté par le comité d'entreprise et la CFDT. Ils lui reprochent de ne pas respecter les procédures légales.
C'est quoi un plan de sauvegarde de l'emploi ?
Première audience vers 14 h 45, hier, en référé, au tribunal de grande instance de Brest. Pour manque d'information, les élus du comité d'entreprise et la CFDT-Santé sociaux demandent l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) de la fédération d'aide à domicile ADMR. Pour résorber ses dettes, elle a décidé 86 suppressions de postes, dont 52 licenciements et 34 reclassements en interne.
Le plan de sauvegarde de l'emploi est un dispositif légal concernant les licenciements collectifs. Objectifs : présenter des mesures pour éviter le recours au licenciement ainsi qu'un plan de reclassement. Le projet doit être communiqué au comité d'entreprise dans le cadre d'une procédure spécifique. Sinon il est annulé. L'inspection du travail, informée, peut faire un constat de carence (ce qui n'a pas été fait dans ce cas, NDLR). Les salariés peuvent contester leur licenciement devant les Prud'hommes.
Les arguments du comité d'entreprise ?
« Nous contestons le fond et la forme, explique maître Ronan Tigreat, avocat. Aucun chiffre économique et financier validé n'a été communiqué ! Ensuite, le budget pour la formation est à minima. Il y a très peu de mesures de reclassement pour les salariés licenciés. » Après l'audience, Me Tigréat a indiqué : « Si on avait eu ces chiffres plus tôt, on n'aurait pas enclenché la procédure. Nous sommes conscients que la situation est grave et que des licenciements seront nécessaires. Mais la procédure doit être respectée. »
Ceux de la fédération ?
Maître Rousselin a rétorqué que « les élus du comité ont eu des informations fiables » et que « le plan est conforme au dispositif légal ». Le passif était de 980 000 € en 2008, de 1,7 million d'euros en 2009. Le montant des dettes gelées il y a un an est de 5,4 millions d'euros. Si les comptes de cette année n'ont pas été certifiés, c'est parce qu'ils ne sont pas bons ! « Au premier semestre, la baisse d'activités est de 7,5 % » La fédération salarie 124 personnes. Vingt ont fait une demande de départ volontaire.
Les trois prochaines échéances judiciaires ?
Le 22 novembre, l'ordonnance sera rendue concernant le plan de sauvegarde de l'emploi. Le 2 décembre, le tribunal rendra sa décision à propos de l'Unité économique et sociale. Une demande de la CFDT pour transformer le système actuel où les 92 associations sont indépendantes juridiquement en une seule entité.
Enfin, le 7 décembre, le tribunal dira s'il accepte de prolonger pour une deuxième fois la « procédure de sauvegarde ». « Nous avons effectué cette demande », a confirmé hier, Yves Derrien, président de la fédération, lors d'une deuxième audience. Cette procédure a été initiée en décembre 2009 à la demande de la fédération. Elle permet de geler les dettes. Mais selon des élus du comité d'entreprise (seuls à s'exprimer), cette demande aurait reçu un faible écho : « La fédération n'a pas su tirer partie d'un an de sauvegarde. »
Laurence GUILMO