blog du Npa 29, Finistère
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14 mars 2013 à 10h45 -
La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a considéré que la France avait bafoué la liberté d'expression en condamnant à une peine symbolique pour offense à Nicolas Sarkozy un homme qui avait brandi une affichette "casse-toi pov'con" en marge d'un déplacement présidentiel en 2008
Pour la CEDH, la phrase en cause était "littéralement offensante à l'égard du Président de la République", mais elle ne constituait pas pour autant "une attaque personnelle gratuite". Les juges estiment qu'il s'agit plutôt d'une critique "de nature politique" de la part de ce militant de gauche, à laquelle un homme politique s'expose "inévitablement et consciemment".
En reprenant une phrase prononcée par le président lui-même, M. Eon a par ailleurs "choisi le registre satirique", a ajouté la Cour. "Sanctionner pénalement des comportements comme celui de M. Eon est susceptible d'avoir un effet dissuasif sur des interventions satiriques qui peuvent contribuer au débat sur des questions d'intérêt général", a-t-elle poursuivi. Et le recours à une sanction pénale était donc "disproportionné", a-t-elle conclu.
Renvoyer l'investive lancée par le président lui-même
Hervé Eon, un militant de gauche, avait détourné l'invective lancée quelques mois plus tôt par Nicolas Sarkozy lui-même à un visiteur du Salon
de l'agriculture qui refusait de lui serrer la main.
1.000 € d'amende
Dans le cas d'Hervé Eon, le parquet avait requis 1.000 euros d'amende pour délit "d'offense au chef de l'Etat" (passible de 45.000 euros), mais
le tribunal avait préféré opter pour une peine "de principe" de trente euros avec sursis, un choix confirmé en appel. L'avocate d'Hervé Eon, Me Dominique Noguères, y voit elle aussi "une question
de principe". "Même si la condamnation a été très légère, il est ahurissant que ce monsieur ait été arrêté et poursuivi en justice" pour offense au chef de l'Etat, estime l'avocate,
rappelant que "le nom du président de la République n'était même pas cité" sur la pancarte litigieuse.
Un privilège exorbitant
Les juges de Strasbourg avaient déjà poussé la France à abroger en 2004 un délit similaire, celui "d'offense à chef de l'Etat étranger". Dans un
arrêt de 2002 concernant le quotidien Le Monde, ils avaient en effet estimé qu'il revenait "à conférer aux chefs d'Etats étrangers un privilège exorbitant", car leur seul statut leur permettait
de se soustraire à la critique. Un argument repris par les détracteurs du délit d'offense au chef de l'Etat, qui y voient une survivance du crime de
lèse-majesté et ont tenté à plusieurs reprises de l'abroger, au Sénat et à l'Assemblée nationale.
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