blog du Npa 29, Finistère
Que nous sommes loin des grandes diatribes quasiment anticapitalistes portées pendant la présidentielle, et déjà mises en sourdine pendant les législatives, par les représentants du Front de gauche !
Il aura suffi de ce grand moment, dans la logique foncièrement électoraliste et ultralégaliste de cette coalition, du vote de confiance à l’Assemblée nationale pour retrouver les vieux fonctionnements des appareils de la gauche dite de transformation sociale qu’incarne plus que nul autre le PC et que, de fait ressuscite le regroupement autour de Jean-Luc Mélenchon ; le hasard des titres à la une d’un quotidien comme Le Monde parle de lui-même : Vote de confiance : « l’abstention constructive » du Front de gauche et Lebranchu : "c’est un grand moment de rigueur" pour les fonctionnaires
On se reportera aux articles en question et on pourra les croiser avec autant d’autres articles qu’on voudra, la triste réalité est bien là : prenant appui sur ce parangon de la pensée
unique libérale-capitaliste qu’est la Cour des Comptes, la "gauche molle" confirme qu’elle nous la jouera "dur" puisqu’elle s’inscrit dans la logique d’ensemble d’une Europe capitaliste que
depuis des lustres elle a contribué à construire en consensus total avec la droite. Cette gauche du "changement maintenant" est sans surprise une gauche de la continuité sur les
fondamentaux de "la sortie capitaliste de la crise capitaliste" au détriment des populations.
Tout le problème de cette gauche-là est d’arriver à donner le change par des mesures symboliques, certaines importantes (égalité des droits en faveur des LGTBI par exemple), ayant surtout pour fonction de monter en épingle ce qui malgré tout, comparé aux grands enjeux sociaux, n’est qu’épiphénomène. En somme "je vous donne 60 000 postes dans l’Education Nationale", qui d’ailleurs ne compensent pas les dégâts du sarkozysme dans ce secteur, et vous "digérez" la rigueur salariale et finalement aussi sur le terrain de l’emploi pour l’ensemble de la Fonction Publique.
Pour ce qui est du privé, le syndrome de Vilvorde est en passe de s’imposer.
Aucune des grandes contre-réformes sarkozyennes n’est abrogée dont la plus emblématique peut-être, celle des retraites contre laquelle s’était insurgé, en 2010, le mouvement social si cher au Front de gauche ! Il est vrai que le ver était dans le fruit de l’Humain d’abord, ce programme radical portant la campagne mélenchonienne qui faisait l’impasse sur un retour aux 37,5 annuités, ce corollaire nécessaire, pour autant qu’on est vraiment dans la rupture avec la droite, à un retour aux 60 ans !
Alors l’heure de vérité des débats parlementaires, loin du bruit et de la fureur de la rue et des places mobilisées en campagne électorale, est arrivée qui met en évidence les travers politiciens
occultés précisément par la magie des rassemblements "révolutionnaires" à la Bastille : le Front de gauche ne peut pas faire mieux que s’abstenir sur la confiance à un gouvernement
dont on vient de voir qu’il est et sera inéluctablement austéritaire et sur lequel la dérisoire représentation parlementaire frontdegauchesque ne peut espérer avoir la moindre
influence !
Disons-le tout net, en particulier à l’adresse de ces anticapitalistes qui sont (encore et malgré tout) sous le charme du verbe mélenchonien :
ce que le débat parlementaire dont nous parlons fait apparaître c’est que la revendication de participation à la majorité de gauche avec le PS a des implications directes particulièrement négatives sur le coeur des enjeux sociaux que le Front de gauche dit être sa préoccupation fondamentale : quand Chassaigne, au nom de tous les élus de celui-ci, y compris donc l’élu du PG, déclare que "ce choix [de l’abstention] n’est pas "un vote de défiance", il faut mesurer l’ampleur de la démission politique induite, l’importance de l’alignement de fait, par défaut d’opposition, sur la politique générale du PS !
Démission et alignement qui expliquent bien la gêne et les formules empruntées et contorsionnées du président du groupe Gauche, démocrate et républicaine (GDR) : "C’est une abstention que nous voulons constructive et nous ne pensons pas faire fausse route", "Nous sommes conscients de la difficulté de porter ce discours mais nous avons le sens des responsabilités, s’est justifié M. Chassaigne. Notre objectif n’est pas de sortir d’une majorité de gauche mais de faire des propositions précises qui soient au cœur de la gauche." "C’est la réussite de la gauche qui est en jeu", a-t-il poursuivi.
Sens des responsabilités, difficulté à porter la position d’abstention, volonté d’être au coeur d’une gauche qui pourtant applique l’austérité
capitaliste...
Tout confirme que le Front de gauche dans son échafaudage politique est sous influence, quoi qu’il dise, du social-libéralisme. Ce regroupement politique ne convoque le mouvement social que pour chercher à en tirer les moyens de négocier sa place "au coeur de la gauche" loin des appels au peuple pour qu’il prenne le pouvoir ! Le pouvoir dans le schéma stratégique qui est au centre de l’orientation du Front de gauche c’est celui que détiennent désormais des élus qui n’ont plus aucun compte à rendre aux "assemblées citoyennes", elles aussi invoquées le temps d’une élection, pour essayer, en vain, de "mettre sur la bonne voie" des socialistes qui ne connaîtront qu’une limite à leurs prétentions austéritaire : la mobilisation dans la rue !
Autant dire que les anticapitalistes qui pensent pouvoir infléchir un Front de gauche prétendant lui-même infléchir le Parti Socialiste, sont engagés dans
une impasse qui appellera bien des désillusions.
A l’instar des Obono, Chaibi et quelques autres passés du NPA au Front de gauche, il y a longtemps que leur assourdissant silence acritique envers le mélenchonisme signe la faillite du prétendu "pôle anticapitaliste de l’intérieur" !
L’indépendance vis-à-vis de ces chaînes de dépendances politiques dans lesquelles le PCF et le PG tentent d’entraîner les salariés et l’ensemble des victimes de la loi du capital
n’est certes pas un chemin de roses, le NPA en sait quelque chose : mais il faut savoir payer le prix d’un anticapitalisme momentanément sur la défensive hors des raccourcis menant aux
défaites annoncées, la première d’entre elle étant l’incapacité des élus du Front de gauche à assumer que la seule réponse à une politique d’austérité n’est pas l’abstention mais le vote
contre, un vote contre dont le signe de distinction vis-à-vis du vote contre de la droite devrait être un appel à la mobilisation sociale.
Or là aussi force est de constater que le Front de gauche est aux abonnés absents pour le grand bénéfice du Parti Socialiste et du capitalisme qu’il se propose de sauver ! Les militants du Front de gauche vont-ils accepter longtemps de voir leur volonté d’en découdre galvaudée par la politique politicienne de leurs dirigeants polarisée par les espaces clos de l’Assemblée nationale ?
Antoine
PS : l’analyse comparée de Philippe Marlière sur Syrisa et le Front de gauche
souvent pertinente fait cependant l’impasse sur la dépendance institutionnelle du Front de gauche vis-à-vis du PS. Dépendance qui oblitère la capacité de cette coalition à contribuer à une
mobilisation sociale qui soit à la mesure de la radicalité qu’elle affiche ! C’est, pour le dire brièvement, l’électoralisme structurel du Front de gauche (la "révolution par les urnes") et
son incidence démobilisatrice sur le terrain social que Philippe Marlière laisse de côté.
http://www.chaltauliberalisme.blogspot.fr/2012/07/austerite-gouvernementale-le-front-de.html