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blog du Npa 29, Finistère

Bavures policières mortelles : trente ans de quasi impunité (Bastamag)

Par Ludo Simbille (2 avril 2013)


Dix-huit décès impliquant des policiers ont été recensés en 2012.

 

Deux fois plus qu’il y a dix ans. Et presque toujours un même scénario : peu d’égards pour les familles des victimes, des procédures judiciaires qui s’éternisent, une absence de transparence sur les circonstances de la mort et le rôle des policiers… Est-ce dû au profil type des trépassés ? Au poids de la corporation policière et à sa difficulté à reconnaître une éventuelle faute ? Alors que trois non-lieux viennent d’être confirmés pour des opérations de police ayant entraîné la mort, Basta ! a enquêté sur les raisons de cette quasi impunité.

 

« Je suis très fier de la justice française. » L’enthousiasme de Jean-Pierre Mignard, avocat des familles de Zyed Benna et Bouna Traoré, fait le tour des médias ce 31 octobre 2012. La cour de cassation de Paris vient d’annuler le non-lieu en faveur des policiers impliqués dans la mort de ces deux adolescents de Clichy-sous-Bois, un soir d’octobre 2005. Après sept ans de procédure ponctuée de non-lieux et de reports, la tenue d’un procès va pouvoir avoir lieu. S’en exalter, c’est dire l’égard de la justice française envers les victimes présumées de violences policières mortelles. Comme si « les gens à Clichy devaient comprendre que c’est classe de la part de la justice, et après fermer leur gueule. On dira merci à la fin, quand il y aura le procès et qu’ils seront condamnés. Alors que c’est complètement normal », tance Noredine Iznasni, co-fondateur du Mouvement immigration banlieue (MIB). Mais derrière cette « décision historique », c’est un amoncellement de classements sans suite, de procédures à rallonge, d’acquittements, de peines avec sursis.

 

Ne serait-ce que sur les six derniers mois, quatre plaintes mettant en cause des forces policières ont été déboutées : non-lieu en février dernier pour la mort d’Ali Ziri, ce retraité décédé à la suite d’une suffocation après son interpellation à Argenteuil. Non-lieu en décembre pour Mohamed Boukourou, victime d’un arrêt respiratoire dans un fourgon de police après avoir pris des coups. Non-lieu encore, en octobre 2012, pour Mahamadou Marega, décédé après avoir été la cible d’un tir de Taser à Colombes. Enfin, non-lieu en septembre dernier avec Abou Bakari Tandia, tombé dans le coma pendant sa garde à vue, fin 2004, à Courbevoie. Trois de ces ordonnances de non-lieu viennent d’être confirmées par la cour d’appel de Versailles. Ces drames allongent la liste interminable des violences policières fatales reléguées dans les oubliettes des prétoires. De quoi atténuer la ferveur de l’avocat Jean-Pierre Mignard.

 

10 à 15 morts par an suite à des opérations de police


Dix à quinze décès par an. C’est la moyenne nécrologique de la répression policière qu’avance l’historien Maurice Rajsfus et son Observatoire des libertés publiques : Que fait la police ? . Elle s’étire sur plus de cinquante ans. Six à huit décès entre 1977 et 1997. Une dizaine de 1997 à 2001. Au début du 21ème siècle, la macabre moyenne atteint les douze cercueils par an. Désormais, on compterait un mort tous les vingt jours selon la comptabilité du Collectif « Vies volées ». Ce qui élève l’année 2012 au rang des plus meurtrières, avec 18 décès. En quatre décennies, entre 500 et 1 000 personnes auraient ainsi succombé, directement ou indirectement, des suites d’une opération de police. Le profil type du trépassé ? Un jeune homme des quartiers populaires, d’origine maghrébine ou d’Afrique Noire.

Deux constats sont sans appel : d’une part, la police tue, même si c’est involontairement. D’autre part les responsables sont rarement inquiétés. Sur un échantillon de 180 personnes décédées au cours d’une opération de police, environ un tiers des affaires sont classées sans suite, une trentaine débouchent sur un non-lieu [1], et une dizaine sur des relaxes. Soit plus de la moitié des affaires. Près de soixante-dix entraînent des peines avec sursis pour les auteurs des violences. On relève moins de dix condamnations à de la prison ferme [2]. « C’est presque un lieu commun de parler d’impunité », lance Rafik Chekkat, ancien avocat et animateur du site État d’exception. Pourtant, « les policiers sont des justiciables de droit commun », rappelle la juge d’instruction et vice-présidente du Syndicat de la magistrature, Sophie Combes. En théorie… Comment se traduit cette immunité ? Quel chemin suivent les procédures ?

 

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