Claude-Marie Vadrot, journaliste, publie un livre sur l'histoire du nucléaire français.
Vous dressez un réquisitoire contre le nucléaire, de sa naissance en France à l'époque actuelle. Et toujours, vous revenez sur Brennilis. Pourquoi ?
Parce que le petit réacteur de Brennilis a été conçu et mis en marche au début des années 60, quand nucléaire civil et militaire n'étaient pas clairement séparés. Et aussi, en un temps où les populations n'étaient pas clairement informées des risques et où les précautions étaient encore plus discutables que maintenant.
À tel point, gag révélateur, que le Premier ministre d'alors, Georges Pompidou, a inauguré en 1967 un réacteur... qui ne fonctionnait pas : il était déjà en panne ! Les autorités ne l'ont dit ni aux journalistes ni aux habitants de la région. Tout, dans la vie tumultueuse de ce réacteur, annonce le secret qui entoure le nucléaire. Brennilis est le vrai symbole d'une obstination de la secte des ingénieurs des Mines et les polytechniciens.
Démanteler ne signifie pas la fin des risques : vous évoquez même un futur incendie possible dans le réacteur de Brennilis. Fiction ou réalité ?
Exact. Avec le nucléaire, il y a toujours des surprises. Je l'ai constaté à Tchernobyl où j'ai effectué plusieurs reportages et à Fukushima. Pour l'incendie possible dans la cuve au moment de son ouverture, je maintiens qu'il ne s'agit hélas pas d'une fiction.
Entre attendre pour démanteler et le faire de suite, vous ne tranchez pas. Pourquoi ?
Parce que les deux solutions sont mauvaises. Voilà le piège nucléaire : ou bien vous gardez ce réacteur comme souvenir dangereux dans le paysage. Ou bien les Bretons prennent le risque, pour eux, pour les salariés d'EDF et les autres, d'un incident imprévisible vu l'état de l'enceinte du réacteur déjà constellée de rustines. Tout le monde sait qu'un pneu de vélo crevé et réparé à plusieurs reprises peut à nouveau fuir...
Votre description des « travailleurs nomades du nucléaire » fait froid dans le dos. Aucun syndicat ne s'est emparé de la question ?
La CFDT se préoccupe un peu de leur sort, mais ces nomades du nucléaire offrent l'immense avantage d'être sous-payés, peu syndiqués et de dépendre de sociétés de sous-traitance qui ne se préoccupent pas vraiment des salariés : s'ils sont contaminés, on peut les remplacer dès qu'ils ont pris une dose trop forte.
Ou bien les envoyer sur d'autres chantiers nucléaires. Ils ont intérêt, ces « nomades », à la boucler pour ne pas perdre leur travail. Ils sont donc de plus en plus nombreux.
Quel a été le principal obstacle à votre enquête dans les monts d'Arrée ?
Aucune information sur le passé du réacteur n'est jamais fournie et je fais partie des journalistes qui, pour être réputés sceptiques sur l'option tout nucléaire, attendent au moins six mois pour avoir droit à une visite guidée pendant laquelle, comme pour le public, on raconte que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. EDF n'aime pas être contestée et mon rôle de journaliste est de poser des questions qui dérangent !
La centrale indémontable, aux éditions Max Milo. 160 pages, 14,90 €.
En dédicace
le 13 avril à l'espace culturel Leclerc de Quimper ;
le 14 avril à la librairie Dialogue de Morlaix le matin et le 14 avril à la librairie L'autre Rive de Huelgoat à 17 h ;
le 15 avril à la Maison de la presse de Châteaulin à partir de 9 h 30.
Propos recueillis par Philippe ATTARD
http://www.ouest-france.fr/actu/actuLocale_-Brennilis-vrai-symbole-du-nucleaire-_40734-2062246------29019-aud_actu.Htm