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Par (6 décembre 2012)
Les expériences de gratuité se multiplient dans les services publics locaux.
Transports en commun totalement gratuits à Aubagne ou Châteauroux, premiers litres d’eau gratuits dans des communes de l’Essonne ou des Bouches-du Rhône... A qui profite cette gratuité ? Comment est-elle financée ? Implique-t-elle une baisse de la qualité du service ? Incarne-t-elle une alternative face au dogme de la « consommation marchande » ? Réponses par les faits.
Monter dans un bus sans composter un ticket, et sans risquer de passer pour fraudeur, tel est le quotidien des Aubagnais. Depuis trois ans, cette localité de 104 000 habitants, en périphérie de Marseille, a fait le choix de la gratuité totale dans les transports en commun. Cette gratuité était auparavant réservée aux demandeurs d’emplois, aux allocataires du RMI et aux personnes âgées et handicapées. S’inspirant de l’esprit du « droit au transport pour tous » énoncé par la loi d’orientation des transports intérieurs votés par la gauche en 1982, le maire communiste d’Aubagne, Daniel Fontaine, et son équipe proposent cette mesure à leurs administrés lors des élections municipales de 2008.
Réélue, la municipalité entame alors un bras de fer avec la société des Autobus Aubagnais, propriété du groupe Veolia, qui exploite le réseau depuis 2007 dans le cadre d’une délégation de service public. Pour que Veolia accepte de mettre en œuvre la gratuité, les élus demandent à l’entreprise de revoir les objectifs de fréquentation à la hausse. Et les objectifs sont largement dépassés : durant les six premiers mois de gratuité, la fréquentation fait un bon de 70%. Entre 2008 et fin 2011, le nombre d’usagers progresse de 146% ! Bien au-dessus des objectifs initiaux, fixés dans le cadre de la délégation de service public avec des transports payants (+2% par an). Une enquête réalisée en mars 2010 par l’agglomération aubagnaise [1] montre que la gratuité, en plus de créer de la mobilité, attire de nouveaux usagers, parmi lesquels les jeunes de moins de 18 ans et les personnes « non captives » disposant d’un véhicule motorisé (deux-roues ou voiture).
A qui profite la gratuité ?
Dans l’agglomération de Châteauroux (76 000 habitants), les transports collectifs sont gratuits depuis une décennie. A la différence d’Aubagne, ce sont des considérations d’ordre économique qui ont conduit le maire UMP Jean-François Mayet à faire de la gratuité un thème de campagne pour les élections municipales. Son intention ? Dynamiser l’économie locale – notamment les commerces du centre-ville – sans remettre en cause l’usage de la voiture.
Dix ans après l’instauration de la gratuité, la fréquentation sur le réseau géré par Keolis, filiale de la SNCF, a progressé de 208% ! Selon une étude menée par la Communauté d’agglomération castelroussine [2], la gratuité profite surtout aux bénéficiaires de la Couverture maladie universelle (CMU) et de l’Aide médicale d’État [3]. Plus de la moitié des usagers dispose de revenus mensuels inférieurs à 1 100 euros. Près d’un nouveau voyageur sur dix n’utilisait pas auparavant les transports en commun en raison du prix des tickets.
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