Nous reproduisons ici intégralement un long texte produit par Michel Fernex lors de la sortie du reportage « Tchernobyl, une histoire naturelle », diffusé la première fois par Arte en juin 2010 et rediffusé le 21 août 2012.
« Pour que le nucléaire prenne un nouvel essor, il faut effacer Tchernobyl. Déjà en 1958, un groupe d’étude de l’Organisation Mondiale de la santé (OMS Série Rapport Technique 151) prônait l’ignorance pour permettre à l’industrie nucléaire de proliférer sans rencontrer d’opposition dans la population. Pourtant, cette démarche était fondamentalement contraire à la Constitution de l’OMS, qui impose à cette organisation « d’aider à former, parmi les peuples, une opinion publique éclairée » (Documents Fondamentaux OMS Genève).
En 1956, les cinq puissances nucléaires installaient l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) au sommet de la hiérarchie de l’ONU, sous leur surveillance directe. En 1959, l’OMS devait signer l’Accord (WHA 12/40) qui la soumettait dans le domaine du nucléaire à l’AIEA, dont le premier objectif statutaire est « d’accélérer et d’accroître la contribution de l’énergie nucléaire à la paix, la santé et la prospérité dans le monde entier ».
Après l’explosion du réacteur [n°4 de Tchernobyl], les isotopes radioactifs ont été propulsés en hauteur par la chaleur de l’incendie. Les vents les ont dispersés sous forme de poussières ou nanoparticules dans des fumées ou des gaz pouvant s’élever très haut. Certains nuages ont contourné l’hémisphère Nord de notre planète en guère plus d’une semaine, laissant sur les pays des empreintes radioactives. La majorité des retombées ont atteint l’URSS, l’Europe centrale et la Turquie ; 50% restent sur les trois nouvelles républiques voisines du réacteur : le sud-ouest de la Fédération de Russie, l’Ukraine et le Belarus qui est le plus contaminé.
Contrairement au Bélarus et à la Fédération de Russie qui ignorent ou minimisent les dommages sanitaires engendrés par l’explosion du réacteur, l’Ukraine informe périodiquement la presse sur l’état de santé de ses populations. Son ambassade à Paris a fourni le 26 avril 2005 les chiffres suivants : 3,5 millions d’Ukrainiens ont été fortement irradiés ; parmi eux, 1,3 millions d’enfants. 160 999 citoyens ont été évacués ; et on compte dans leurs rangs 84,7% de malades. Le gouvernement indique qu’il y a 89,85% de malades dans les familles qui demeurent dans les zones contaminées. Le suivi médical de ces populations montre que chaque année, la proportion de malades s’accroît [1].
La "radiophobie" est le terme réinventé il y a dix ans, pour tenter supprimer de la mémoire des peuples toute les anomalies ou pathologies qu’entraîne Tchernobyl.