Le verdict est sans appel : en établissant le coût moyen du nucléaire en 2010 à 49,5€ le MWh et celui de l’EPR de 70 à 90€ le MWh, le rapport de la Cour des Comptes met ainsi en évidence l’envolée des coûts de construction des nouveaux réacteurs et enterre définitivement l’EPR. Le nucléaire confirme ainsi qu’il est la seule technologie dont les coûts de construction augmentent avec le temps ! La Cour des Comptes ne s’y risque pas, mais il n’est pas interdit d’en tirer des conclusions sur la compétitivité croissante des énergies renouvelables, dont les coûts de production, eux, ne font que décroître. Des études montrent d’ailleurs que les courbes des coûts de production du nucléaire et du solaire se sont croisées voilà déjà quelques années.
Les investissements de maintenance sont eux aussi condamnés à augmenter, renchérissant de 10 à 15 % le prix de production. D’après les chiffres d’EDF, ce sont 3,7 milliards d’€ qui devront être consacrés annuellement à la maintenance des réacteurs et au renforcement des normes de sûreté, une somme à revoir à la hausse sachant que toutes les conclusions des évaluations de sûreté post-Fukushima sont loin d’avoir été tirées, et que l’ASN, pourtant peu sévère, considère elle-même les chiffres fournis par EDF comme bien optimistes.
Nous savions déjà que le coût de l’électricité devait augmenter. Il est temps d’arrêter d’incriminer les renouvelables : c’est bien le nucléaire qui est responsable de cette hausse ! Les incertitudes et zones de flou pointées par la Cour des Compte en disent long sur l’escalade à venir des coûts.
Les incertitudes et zones de flou pointées par la Cour des Compte en disent long sur l’escalade à venir des coûts.
Difficile d’estimer les coûts du démantèlement sur la base des chiffres fournis par EDF ! La Cour se refuse ainsi à valider les 18,4 milliards d’€ estimés par EDF pour le démantèlement des 58 réacteurs actuellement en fonctionnement, du fait de l’absence de recul, de méthodes de calcul peu fiables et de l’existence de coûts incomparablement plus élevés dans d’autres pays. La réflexion est la même pour les déchets : l’estimation de 28 milliards d’€ prévus pour la gestion à long terme des déchets (hors combustibles usés) est qualifiée de « fragile ». A quoi devons-nous donc nous attendre dans les années qui viennent ?
Surtout, les sommes nécessaires pour faire face à ces dépenses ne sont pas provisionnées : sur les 27,8 milliards nécessaires pour les coûts à venir, seuls 18,2 sont disponibles… et EDF a eu recours à un tour de passe-passe pour approvisionner les fonds, en y transférant des actifs normalement destinés à l’entretien des réseaux ! Ce ne sont pas les exploitants – qui ne sont pas à l’abri des aléas économiques ni d’opérations financières malheureuses - qui financeront la différence, mais bien l’Etat… et donc les contribuables.
Il convient toutefois de rappeler les limites de cet exercice, réalisé à la demande du Président de la République dans un délai bien trop restreint au regard de l’ampleur du sujet. Cette étude est comparable à une photographie. Elle comporte de nombreuses zones de flou… et plusieurs enjeux cruciaux restent hors cadrage.
L’évaluation de la gestion des déchets omet ainsi de prendre en compte tant les résidus miniers (qui représentent des milliers de tonnes de matières polluantes) que l’uranium appauvri, au prétexte que celui-ci serait une matière valorisable.
L’accident est certes évoqué, et la Cour des Comptes sonne l’alerte sur la nécessité d’une ratification urgente de la Convention de Paris, qui permettrait de faire passer à 200 millions d’euros les sommes à charge de l’exploitant en cas d’accident. Mais ce montant reste dérisoire face au coût d’un accident grave de type Fukushima, que la Cour des Comptes s’est refusée à prendre en compte. Enfin, nous constatons que la Cour des Comptes n’a pas touché mot du nucléaire militaire, dont l’existence est pourtant à l’origine de celle du nucléaire civil.
Auditionné en juillet par la Cour des Comptes, le Réseau « Sortir du nucléaire » avait fortement suggéré que soient prises en compte toutes les externalités négatives, tout ce au prix de quoi se fait la production d’électricité nucléaire. La destruction des zones où s’implantent les mines d’uranium et les droits bafoués des peuples autochtones qui y vivent, la pollution des cours d’eau et de l’environnement, les impacts sanitaires pour les travailleurs et les riverains, ont un coût non négligeable pour la société.
Nous sommes à la croisée des chemins et les conclusions du rapport arrivent à point dans les débats présidentiels.
Puisque la Cour des Comptes alerte sur les coûts exponentiels de l’EPR et le poids à venir du démantèlement, deux choix se présentent aux décideurs : soit ils choisissent de prolonger indéfiniment l’exploitation des réacteurs existants, en assumant les risques bien réels, inhérents au vieillissement du parc et en exposant la population à la menace d’un accident dont les coûts pourraient dépasser ceux de la construction du parc nucléaire ; soit ils choisissent d’amorcer au plus vite la transition vers d’autres énergies, infiniment moins polluantes, créatrices de centaines de milliers d’emplois, et dont les coûts, eux, ne cessent de baisser.
Le statu quo n’est plus possible, et dans tous les cas il faudra faire un choix. Plutôt que d’engloutir des milliards d’€ par an dans un insuffisant rafistolage de centrales vieillissantes, investissons-les dans les économies d’énergie et les renouvelables. Déjà, en 2006, une étude montrait que, dans la région du Grand Ouest,on aurait pu assurer tout aussi bien les besoins en électricité si on avait consacré les 3,3 milliards d’€ que coûtait alors l’EPR aux alternatives énergétiques.
Des scénarios de sortie du nucléaire existent, appliquons-les avant qu’il ne soit trop tard !
http://groupes.sortirdunucleaire.org/Couts-du-nucleaire-la-fin-du-mythe,356