2 avril 2010
Après 22 mois de chômage, de combat sur le terrain et de déboires juridiques, les salariés de Dandy Pontivy ont obtenu gain de cause, hier, devant la cour d'appel.
Le 11 mars 2008, les 235 salariés de l'entreprise de découpe de volaille de Pontivy apprenaient que leur usine allait fermer. La «maison-mère» finistérienne,
Unicopa, venait d'être rachetée par la coopérative ligérienne Terrena, mais Dandy ne faisait pas partie de la vente et devait disparaître avec le dépôt de bilan du groupe. Trois mois plus tard, à
la «petite pause de 10heures», le directeur du site prenait la parole devant les ouvrières pour leur apprendre que c'était fini, et qu'elles pouvaient rentrer chez elles immédiatement.
Sur le terrain et au tribunal
Elles ne sont pas rentrées: pendant huit jours et autant de nuits, elles ont occupé les ateliers où elles avaient, pour la plupart, passé trente ans de leur vie. Dans le même temps, la résistance
s'organisait sur le plan juridique, pour tenter de démontrer l'illégalité de la reprise incomplète d'Unicopa par Terrena. Le premier jugement, une ordonnance de référé du tribunal de Lorient, a
été favorable aux salariés, représentés par l'Union locale CGT de Pontivy. Mais le jugement au fond, rendu ensuite par le tribunal, n'est pas allé dans le même sens et a conclu à la légalité de
la transaction.
«L'apparence d'une société autonome»
C'est ce jugement qui a été annulé, hier, par la chambre prud'homale de la cour d'appel. Elle a considéré que Dandy «n'a que l'apparence juridique d'une société autonome» et n'a donc pas pu faire
l'objet d'un traitement à part lors de la vente à Terrena. En conséquence, «la clause excluant (Dandy) de la cession est réputée non écrite», et les licenciements sont annulés: les salariés de
Dandy-Unicopa sont devenus de facto salariés de Dandy-Terrena, à compter du jour de la vente, et ils le sont toujours. Mais ils ne pourront pas être réintégrés dans leurs ateliers: ces derniers
ont été vendus entre-temps à un couvoir.
Pourvoi de Terrena
La réaction de la direction de la coopérative ligérienne n'a pas tardé : «Bien qu'elle ne contraigne pas Terrena à réintégrer les salariés concernés, cette décision est de nature à fragiliser le
travail important réalisé par l'ensemble des équipes depuis deux ans pour pérenniser les 800 emplois repris à Unicopa en juin 2008. C'est pourquoi, Terrena a choisi de contester cette décision et
de se pourvoir en cassation». Mais rien d'inquiétant pour MeLarzul, l'avocat des Dandy : «L'arrêt de la cour est extrêmement minutieux dans sa rédaction, très précis et détaillé dans l'énoncé des
faits». Bref, il n'y voit aucune faille, aucun risque de revirement en cassation.
Quoi qu'il en soit, Terrena doit envisager l'indemnisation des salariés. La coopérative va également se trouver en situation difficile lors de l'audience du conseil de Prud'hommes de Lorient, qui
se penchera, le 24septembre, sur la demande d'indemnités de licenciement formulée par les salariés.
- Alain Le Bloas
«On a gagné parce qu'on s'est battues»
2 avril 2010
Elles étaient au bord des larmes lorsqu'elles ont entendu la présidente de la chambre prud'homale prononcer les mots qu'elles espéraient tant: Evelyne, Maryvonne, Martine et Marie-Thérèse, les quatre ouvrières-combattantes de Dandy, n'avaient pas osé y croire. Elles y croyaient si peu qu'elles en sont restées muettes de stupeur durant plusieurs minutes avant d'enfin laisser éclater leur joie.
Elles vont toucher de l'argent? «C'est logique que chacun récupère ce qui lui est dû», répond Evelyne. «Mais ce n'est pas ça qui compte, on a touché le chômage et nous ne sommes pas dans le besoin. Ce qui est important, c'est la fierté. Quand on nous a annoncé la fermeture immédiate en nous renvoyant chez nous comme des moins que rien, elle en avait pris un coup, la fierté! Après 37 ans dans l'usine, vous pensez quel choc ça a pu être». Hier, l'humeur était à la fête.
Alors Martine se laisse aller à une pointe d'humour: «Me voilà à nouveau salariée, c'est bien ma chance de retrouver du travail maintenant alors que je suis à la retraite depuis un mois!» Si elle en rit pour ce qui la concerne, elle apprécie avec plus de gravité la situation de ses amies ouvrières qui n'ont pas encore droit à la retraite.
«Sur les 235, presque personne n'a retrouvé du travail», rappelle-t-elle. «Les rares qui en ont trouvé ont dû se contenter de petits boulots précaires, le plus souvent à temps partiel». Maryvonne, de son côté, laisse libre cours à son côté petit soldat. «On a gagné, parce qu'on s'est battues», lance-t-elle. «Ce n'est pas tombé comme ça».