29 août 2010 - Le Télégramme
- Ouvrir des salles d'injection pour les toxicomanes? Pour Camel Guelloul, c'est une urgence. Ancien toxicomane, il s'est investi dans la prévention auprès des jeunes. Sur une teuf finistérienne, une expérimentation a très bien fonctionné. Reste à vaincre l'hypocrisie.
«Lorsqu'on a eu le droit de distribuer des seringues, on a pu réduire les risques. Cela n'a pas augmenté le nombre de toxicomanes, cela a simplement permis qu'ils
meurent moins. On a réussi à réduire les contaminations par le sida», dit Camel Guelloul. À38 ans, il parle en connaissance de cause, il revient de loin. Après 15 ans de défonce, il a réussi à
décrocher. «Tous mes potes de l'époque sont morts du sida ou d'overdose. Moi j'ai été contaminé par l'hépatite C. Quand je l'ai su, j'ai décidé de décrocher».
A l'originede LoverPause, à Brest
Père de trois enfants, il travaille à la prévention avec son association Apica (Association de prévention et d'information sur les conduites addictives), qu'il a
créée il y a huit ans. Ses interventions en classes de 3e sont couplées, si possible, à des rencontres en soirée avec les parents. Une suite logique de son travail avec l'association Aides qui
avait abouti à l'ouverture de Lover Pause à Brest. Cette structure d'accueil pour les usagers de drogues a obtenu, il y a quatre ans, une reconnaissance officielle avec l'obtention du statut de
Caarrud (Centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction de risques pour usagers de drogues). Un lieu où il est possible de s'informer, de recevoir des kits d'injection stériles, de discuter
sans être jugé.
«Éduquer et informersur les drogues»
«J'ai décidé de créer Apica et de me lancer dans la prévention lorsque j'ai vu arriver à Lover Pause des jeunes de 15-16 ans, souvent en fugue. Parallèlement, je
m'arrangeais pour aller dans les squatts quand je savais qu'ils allaient consommer, pour qu'ils ne fassent pas n'importe quoi». Avant même l'autorisation, Camel Guelloul distribue des seringues
stériles aux toxicos, ce qui lui vaut un jour d'être placé en garde à vue.
«Le seul fait d'être porteur d'une seringue valait présomption de consommation. D'autres me disaient "C'est bien ce que tu fais, mais il ne faut pas en parler ». La
difficulté est aussi de faire comprendre à ceux qui sont loin du monde de la drogue qu'il est indispensable d'expliquer aux jeunes les dangers de se piquer sous la peau ou dans le muscle au lieu
d'une veine. «Il faut éduquer à l'injection et à l'utilisation des produits. Leur seule source d'information, sinon, c'est leur dealer». Camel Guelloul rappelle que les deux dernières overdoses
mortelles sur Brest étaient liées à des mélanges de produits antagonistes. Un drame qui aurait été évité dans une salle d'injection.
«Que les jeunes ne meurent plus»
Et l'initiative est aussi attendue par les usagers. Une expérimentation a été menée lors d'une teuf dans le Finistère, avec médecin et infirmières d'une association
caritative.
«La salle d'injection est une réponse pour que les jeunes ne meurent plus, ne se retrouvent plus en hôpital psychiatrique et soient encore en bonne santé au moment où ils décident et sont capables d'arrêter. Mais une salle doit obligatoirement être encadrée par des professionnels de santé». Et de poser la question: «Est-ce que l'on va au bout de notre politique de réduction des risques où est-ce que l'on s'arrête au milieu parce que des gens estiment que cela n'est pas politiquement correct? J'ai envie de répondre à ceux qui sont contre les salles d'injection: et si c'est votre gamin que l'on retrouve avec une seringue dans le bras, on lui dit quoi?».
Pratique Apica, tel 06.78.23.25.77. guelloulcamel@yahoo.fr