9 novembre 2010 - Le Télégramme
Jamais la situation de l'emploi n'a été aussi dégradée en Bretagne. Derrière les chiffres officiels du chômage, une autre réalité : un sous-emploi qui progresse fortement, des chômeurs qui abandonnent toute recherche, des seniors exclus du marché du travail.
Bonne nouvelle en cet automne: dans la région, le chômage semble marquer le pas. Ou plutôt la statistique officielle du chômage: ces
111.400 Bretons qui n'ont aucun emploi et qui continuent d'en chercher un (la fameuse catégorie A de Pôle Emploi). Mais après deux ans de crise, la réalité sociale du chômage et du sous-emploi
est tout autre.
Le poids du sous-emploi.
Si ce chiffre officiel du chômage se stabilise, celui du sous-emploi s'envole: tous ces gens qui voudraient travailler plus, qui enchaînent les formations ou les
petits boulots. On ne les considère pas comme chômeur «officiel» mais ils sont clairement en marge du marché du travail. Si on ajoute aux «vrais» chômeurs toutes ces personnes en précarité, le
chiffre grimpe à plus de 182.000 dans la région (+6,9% en un an). La liste s'allonge encore lorsque l'on recense aussi ceux qui sont dispensés de rechercher un emploi parce qu'ils sont en stage,
en contrats aidés, en maladie... Au total, 215.000 Bretons sont donc des exclus du vrai travail. C'est environ 15% de la population active de la région.
Au chômage toujours plus longtemps.
C'est la double peine: ceux qui ont le plus de mal à revenir sur le marché de l'emploi sont ceux qui en sont exclus depuis le plus longtemps. Le chômage de courte
durée est en baisse dans la région. Mais celui de longue durée explose et atteint un niveau historiquement haut: près de 66.000 personnes sans aucun emploi ou en sous-emploi depuis plus d'un an.
Ce chiffre s'est envolé de près de 30% en un an.
A plus de 50 ans, 18.000 femmes dans l'impasse.
Aujourd'hui dans la région, plus de 18.000 femmes de plus de 50ans sont sans emploi ou en sous-emploi. Trois mille de plus qu'il y a un an. A l'heure de la
retraite, dans quelques années, ce sont elles qui paieront le plus cher, en acceptant une pension dégradée ou en étant contraintes de travailler plus longtemps. Au total, 33.000 seniors sont en
marge du marché du travail.
Ceux qui abandonnent.
Un chômeur qui n'est plus inscrit à Pôle Emploi n'est-il plus un chômeur? Malheureusement non. En septembre, sur les 20.000 Bretons sortis des listes de l'agence
publique, seul une sur quatre a retrouvé un emploi. 40% n'ont tout simplement pas actualisé leur dossier. Près de 2.000 ont arrêté de chercher un travail. Et 1.250 ont fait l'objet d'une
radiation administrative. Autant de personnes qui ne sont plus comptabilisées et qui s'ajoutent aux 215.000 inscrits de Pôle Emploi.
Le grand fossé.
Plus de chômeurs de longue durée, plus de seniors sans emploi, plus de précarité... On le voit: la crise creuse le fossé entre ceux qui sont exclus du travail et
ceux qui bénéficient peu ou prou d'un emploi stable. La plus forte flexibilité du marché du travail, amorcée avec la réforme de l'indemnisation du chômage, n'a en rien freiné cette
fracture.
- Samuel Petit