22 septembre 2012 à 12h40
Mardi, la Cour de cassation dira si la France était compétente ou non pour juger des responsabilités dans le naufrage de l'Erika en 1999, au large de la Bretagne. Cette décision est - on s'en doute - très attendue par les victimes de cette gigantesque marée noire.
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Le naufrage de ce navire vieux de 25 ans, battant pavillon maltais, affrété par Total (*) et appartenant à un armateur italien, avait souillé 400 km de côtes françaises de la pointe du Finistère à la Charente-Maritime, et mazouté quelque 150.000 oiseaux.
200,6 M€ de dommages et intérêts
Plus de dix ans plus tard, le 30 mars 2010, la cour d'appel de Paris avait confirmé les condamnations pénales pour pollution du pétrolier, de la société de classification Rina, de l'armateur Giuseppe Savarese et du gestionnaire Antonio Pollara. Tous s'étaient pourvus en cassation. Les
parties civiles (Etat, collectivités locales et associations de protection de l'environnement) avaient obtenu 200,6 M€ de dommages et intérêts, dont environ 13 M€ au titre de leur "préjudice
écologique".
"Il faut un texte applicable et c'est là que le bât blesse"
Mais, début avril 2012, Didier Boccon-Gibod, avocat général à la Cour de cassation, avait été à l'origine d'un
coup de théâtre en recommandant une "cassation sans renvoi de l'arrêt attaqué", c'est-à-dire une annulation définitive de la procédure. C'est "la seule issue juridiquement possible", avait-il
assuré le 24 mai. Et d'ajouter : "Je comprends que cet avis heurte les consciences, qu'il fasse scandale", mais "pour que les fautes soient sanctionnées, il faut un texte applicable, et c'est là
que le bât blesse".
Le navire avait sombré en dehors des eaux territoriales françaises, en Zone économique exclusive (ZEE). Même si Malte ne s'est pas manifesté, la loi française de
1983, sur laquelle sont fondées les poursuites, ne pouvait, selon lui, pas s'appliquer, car elle n'était pas conforme aux conventions internationales signées par la France. L'avocat général
avait, par ailleurs, remis en cause l'indemnisation du préjudice écologique.
"Impunité totale" pour les pollueurs ?
Me Patrice Spinosi, avocat de plusieurs collectivités, dont la Bretagne, espère que les arguments juridiques
des parties civiles auront "réussi à convaincre la Cour". Laquelle aura plusieurs possibilités : cassation totale ou partielle, ou validation de l'arrêt de 2010. Si la solution la plus radicale
était retenue, cela serait synonyme d'"impunité totale" pour les pollueurs, selon Me Corinne Lepage, avocate de dix communes du littoral. "Ce serait 30 ans de droit de l'environnement fichus
en l'air".
Et celle qui occupe aussi un poste de députée européenne d'ajouter : "Je lancerais alors un travail au Parlement européen pour qu'on propose à la Commission un
texte. Il faut que tout pays dont la côte est touchée, où que se soit passé l'accident, puisse être le juge des dommages dont il est l'objet".
* Si le groupe pétrolier sortait gagnant de ce combat, il en serait probablement tout autre pour lui en termes d'image. C'est pourquoi, il a plusieurs fois rappelé avoir versé 171 M€ d'indemnisations aux parties civiles après le jugement de première instance, qui sont "définitives" et s'ajoutaient aux "200 M€ versés pour le nettoyage des plages".
- N. A., avec l'AFP
Commentaire: Pollués de tous les pays, remboursez!