+ DOSSIER SPECIAL. Erika : du naufrage au procès
La Cour d'appel reconnaît le préjudice écologique, mais exonère le groupe pétrolier des indemnités.
Les magistrats constatent que le naufrage a pour origine une corrosion avancée de la coque, elle-même « directement en relation avec l'entretien du navire ». À Pollara, il est reproché d'avoir fait réaliser sur l'Erika des travaux « minimisés à l'extrême ». Pour la Cour, il est « directement responsable du naufrage ». Coupable, aussi, Savarese d'avoir fait naviguer un navire poubelle en toute connaissance de cause. La Rina, d'avoir prorogé le certificat de classe. Et, enfin, Total d'avoir violé ses propres règles de contrôle en passant par pertes et profits une inspection qui aurait conduit « nécessairement » au refus du navire.
200 millions d'indemnités
La Cour a écarté quelques-unes des demandes des parties civiles et un peu corsé l'addition pour d'autres. Surtout, elle a maintenu la notion de préjudice écologique. Le pollueur paie pour les dégâts matériels, pour l'image de marque qu'il abîme. Il est aussi redevable de l'atteinte à la biodiversité, à l'environnement considéré comme un « élément essentiel du bien-être ». Trois millions d'euros en plus pour la Bretagne, trois pour les Pays de la Loire, un pour Poitou-Charentes, un pour le Finistère, 500 000 € pour la communauté d'agglomération de Lorient, etc. Au total, plus de 11 millions supplémentaires, portant le total des indemnités au-delà de 200 millions d'euros.
Qui paiera ? En première instance, c'était les quatre condamnés, de façon solidaire, Total étant le plus riche. Cette fois, le président Valantin a surpris son monde. Seuls Savarese, Pollara et la Rina seront poursuivis sur leurs deniers. Pas Total, pourtant reconnu coupable au même titre que les autres. Explication : un télescopage entre la loi française et une convention internationale, connue sous le nom CLC, « sur la responsabilité civile pour les dommages liés à la pollution par les hydrocarbures ».
Rina ira en Cassation
Élaborée en 1969 après le naufrage du Torrey Canyon, elle avait pour but de faire payer les pollueurs ! Modifiée en 1992, elle désigne comme responsable d'une pollution par hydrocarbures « le propriétaire du navire d'où ils se sont échappés ». Pas l'affréteur, en l'occurrence Total. Il aurait fallu qu'il commette une « faute téméraire », en ayant conscience du risque encouru. Or, a tranché la Cour, ce n'était pas le cas quand il a négligé le contrôle du navire.
Reste maintenant à attendre ce que dira la Cour de cassation, car la Rina a déjà annoncé sa décision de se pourvoir. Les autres parties vont lui emboîter le pas. Réponse dans quatre ans, cinq peut-être... Le feuilleton Erika n'est pas terminé.