-
L'exaspération monte chez les salariés. La direction du groupe se dit déçue par les déclarations syndicales.
Alors que la CFDT place le groupe indien sur le banc des accusés, ce dernier répond. Confrontation des arguments dans un contexte de plus en plus tendu.
« Wockhardt s'est fait arnaquer »
C'est le principal argument avancé par le groupe indien. « En 2007, lorsque Wockhardt rachète Negma pour 205 millions d'euros, les vendeurs (les frères Harari) n'indiquent pas que la molécule qui assure à Negma une part importante de son chiffre d'affaires va être génériquée. Negma a ainsi perdu 70 % de son chiffre d'affaires. Une vraie arnaque ! » Comment Wockhardt pouvait-il ignorer cette information capitale ? « La demande d'autorisation de mise sur le marché d'un médicament est une procédure confidentielle. Les vendeurs avaient assuré à Wockhardt que cette molécule était protégée jusqu'en 2012, ce qui aurait laissé le temps de développer une nouvelle molécule. Sur ce point, une procédure arbitrale a été ouverte dès décembre 2009. »
Pierre Quéau (CFDT) se dit « sidéré » par cet argument. « Même si Wockhardt ne savait pas cela, ce qui est surprenant pour un groupe de cette importance, il a disposé quand même de trois ans (le médicament générique est sorti en juillet 2010) pour lancer la recherche sur une nouvelle molécule. Cette recherche a bel et bien été lancée. Mais l'ART GT, qui doit réduire les effets indésirables de l'ART 50, est fabriqué en Inde. Et seulement conditionné à Quimper. Quant à la procédure, nous avons proposé dès le début de nous porter partie civile contre les vendeurs aux côtés de Wockhardt. Mais nous n'avons obtenu aucune réponse. Pourquoi ? »
« Les critiques sont injustifiées »
Selon la porte-parole de Wockhardt, les critiques émises par la CFDT à l'encontre de Ajay Sahni, le PDG de Wockhardt France, sont injustes. « Tout cela est décevant. Il faut prendre en compte les efforts accomplis pour maintenir l'activité à Quimper. Tout est fait pour trouver une solution. En amont, la recherche d'un repreneur a été confiée à un cabinet spécialisé. Des résultats ont été obtenus auprès de la partie commerciale du groupe (Scomédica) ce qui a permis la reprise de 90 emplois. »
Pierre Quéau estime que les emplois sauvés chez Scomédica le sont grâce aux efforts du gérant de cette société qui a créé une structure indépendante pour sauver l'activité. « Pour le reste, depuis le début, les actions de Ajay Sahni sont en totale contradiction avec ses déclarations volontaristes. Il a décidé, bien avant aujourd'hui, de liquider Girex-Mazal. Comment expliquer qu'une société d'Auxerre, le laboratoire Macors, ait été contactée pour produire à la fin du mois le Veinamitol, un autre produit phare de Girex-Mazal (un quart de l'activité) ? Selon Ajay Sahni, ce serait un acte de bonne gestion, « Au cas où... ». La bonne gestion serait de donner toutes les moyens nécessaires aux usines du groupe. À Quimper. »
« Le grand méchant Indien »
Wockhardt dément aujourd'hui être le deuxième groupe pharmaceutique indien. « Nous sommes seulement le 10e ou le 12e. Pourquoi nous présenter comme le grand méchant Indien ? Cela ne correspond pas à la vérité. C'est seulement un groupe qui souhaite se développer. Notamment en s'installant sur le marché français. Nous n'avons jamais souhaité délocaliser la production en Inde. De même, il n'y a pas eu de mouvements de trésorerie suspects avant le plan de sauvegarde. Ajay Sahni se bat comme un chien pour l'entreprise et il est brocardé. »
Pierre Quéau maintient les accusations de mouvements de capitaux. « J'ai vu les documents. » Le responsable syndical estime que « l'absence de communication de la part du PDG est analysée comme un manque total de considération par les salariés. L'inquiétude a laissé la place à la colère et l'indignation. Nous ne sommes pas loin de l'explosion sociale. » Selon des informations parues dans le Wall Street Journal, le groupe Wockhardt, au niveau mondial, connaîtrait de graves difficultés financières. « Si le château de cartes s'écroule... »
Recueilli parJean-Pierre LE CARROU
-
Les salariés de Girex-Mazal : ils sont 170 dans le doute et l'attente.
À Girex-Mazal, il n'y a aucun repreneur annoncé et Wockhardt, qui chapeaute les deux entreprises, reste muet. Le personnel a entamé une action pour exprimer son inquiétude, hier.
Un silence « méprisant »
À cette heure en effet, aucune proposition de reprise n'est intervenue. Sauf celle d'un cadre de l'entreprise. Reste à savoir si elle sera acceptée par le tribunal de Versailles. Les salariés, par la voix de Pierre Quéau, ont aussi demandé au PDG Adjay Sahni de leur garantir un volume de production garantissant un fonctionnement normal de l'entreprise. « Nous n'avons eu aucune réponse, c'est un mépris total des salariés qui veulent être traités avec dignité, quelle que soit l'issue de ce conflit. »
Autre découverte des salariés de Girex-Mazal : une partie de produits élaborés à Quimper est ensuite finie à Auxerre dans un laboratoire qui sous traite avec Wockhardt. Du coup, les salariés continuent de travailler, tout en bloquant ensuite, sur place, la production. Ils seront présents le 23 mars pour accueillir Adjay Sahni, puis au siège du groupe, le 24, à Versailles. Une manifestation plus large est également programmée le 28 à Quimper.