17 février 2012, 11 h 21
Huit Prix Nobel de la Paix ont écrit aux chefs d'États européens et aux ministres de l'Environnement les exhortant à refuser l'importation de carburants provenant de sources très polluantes comme les sables bitumineux.
Avec l'épuisement des réserves de pétrole, l'exploitation de l'or noir devient financièrement intéressante même dans des conditions considérées jusqu'alors difficiles. Il en est ainsi des sables bitumineux ou pétrolifères qui sont un mélange de sable, d'eau, d'argile et de bitume brut et que l'on trouve notamment au Canada.
Les sables bitumineux sont exploités dans des mines à ciel ouvert ou dans des gisements souterrains. Ils peuvent être extraits à l'aide de pelles mécaniques et de camions géants. Mais souvent il faut forer, chauffer le bitume en injectant de la vapeur et des solvants en profondeur, puis mélanger le sable extrait avec de l'eau chaude pour le rendre moins visqueux . Enfin, il faut le faire décanter pour en extraire le pétrole. Ce processus complexe est aussi très polluant.
Actuellement, les plus vastes réserves de sables bitumineux exploitables se trouvent en Alberta (au Canada), au Venezuela, en Russie et à Madagascar.
Juliette Renaud, chargée de campagne sur les industries extractives aux Amis de la Terre France, commente : "Les sables bitumineux sont la source de pétrole la plus sale. Ils provoquent des dégâts irréversibles sur l'environnement et la faune sauvage, et surtout affectent fortement les conditions de vie des communautés locales dans le monde entier. Après les forêts boréales au Canada, les pétroliers veulent maintenant s'attaquer à des zones toujours plus fragiles, comme le projet de Total à Madagascar".
Dans leur lettre, huit Prix Nobel de la Paix(1) interpellent le Président Sarkozy : "Nous vous écrivons aujourd'hui pour demander de faire le bon choix pour notre environnement, en soutenant les efforts de la Commission européenne pour maintenir les sables bitumineux très polluants hors d'Europe".
En effet, les représentants des États membres de l'UE vont voter le 23 février prochain sur les modalités de mise en œuvre de la directive sur la qualité des carburants. Cette réglementation pourrait être un frein important à l'importation des carburants très polluants(2) en Europe et surtout constituer un précédent pour d'autres législations dans le reste du monde.
Cette directive a été votée en 2008 mais n'a toujours pas été mise en œuvre. Le Canada, un producteur majeur de sables bitumineux, ainsi que les grandes compagnies pétrolières, ont exercé un lobby agressif contre cette loi. La France compte parmi les pays qui seraient en train de céder à ces pressions et s'apprêterait à voter contre la proposition de la Commission européenne le 23 février.
Dans leur lettre, les Prix Nobel soulignent que "le développement des sables bitumineux est à l'origine de la plus forte croissance des émissions de gaz à effet de serre au Canada, et menace la santé de la planète. Comme les sables bitumineux ont contribué à l'augmentation des émissions, le Canada a récemment quitté le protocole de Kyoto. L'Europe ne doit pas suivre les traces du Canada."
De plus, ils précisent que le Dr. James Hansen (Institut Goddard des Etudes Spatiales, NASA) a déclaré que l'exploitation illimitée des sables bitumineux provoquerait un "game over" pour le climat.
En conclusion de la lettre, les Prix Nobel rappellent que le Président Obama, à qui ils avaient aussi écrit pour exprimer leurs préoccupations, a su faire le bon choix en rejetant le projet d'oléoduc Keystone XL, qui devait transporter les sables bitumineux depuis l'Alberta (Canada) vers les États-Unis.
Darek Urbaniak, des Amis de la Terre Europe, conclut : "Si l'Union européenne ne met pas en place des politiques adéquates, elle sera aussi responsable des dommages causés par les sables bitumineux. La proposition de la Commission européenne s'appuie sur des preuves scientifiques et les États membres devraient la soutenir. La question est de savoir s'ils sont prêts à dire "non" au lobby pétrolier et aux sables bitumineux."
- Mairead Maguire, Prix Nobel de la Paix (1976) - Irlande ; Betty Williams, Prix Nobel de la Paix (1976) - Irlande ; Adolfo Pérez Esquivel, Prix Nobel de la Paix (1980) - Argentine ; Archbishop Desmond Tutu, Prix Nobel de la Paix (1984) - Afrique du Sud ; Rigoberta Menchú Tum, Prix Nobel de la Paix (1992) - Guatemala ; President José Ramos Horta, Prix Nobel de la Paix (1996) - Timor Oriental ; Jody Williams, Prix Nobel de la Paix (1997) - Etats-Unis ; Shirin Ebadi, Prix Nobel de la Paix (2003) - Iran
- Le pétrole produit à partir de sources très polluantes, tels que les sables bitumineux, les huiles de schiste ou le charbon liquéfie, provoque des émissions de gaz à effet de serre bien plus importantes que le pétrole conventionnel. Ainsi les carburants issus des sables bitumineux produisent 23% de plus d'émissions de gaz à effet de serre que le pétrole conventionnel (107 grammes d'équivalent CO2 par megajoule d'énergie produite contre 87g pour le pétrole conventionnel).
Christophe Magdelaine / notre-planete.info ; date originale : 17 février 2012, 11 h 21 - Tous droits réservés
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