Nucléaire. Peut-on en sortir ? (Télégramme)
2 avril 2012
Conséquence de la catastrophe de Fukushima: pour la première fois, dans une élection présidentielle, le statu quo de la classe politique majoritaire sur le nucléaire est brisé. Mais peut-on vraiment sortir du nucléaire pour produire de l'électricité?
Indépendance énergétique, coût avantageux du kW/h, faibles émissions de CO2... Comment imaginer casser une filière qui génère aussi 240.000 emplois, avancent les
pro-nucléaires?
Allonger la durée de vie des centrales
Claude Mandil, coauteur du rapport remis en février au ministre de l'lndustrie, estime que «fermer prématurément des centrales nucléaires détruirait de l'emploi et aggraverait le déficit de la
balance commerciale». Son rapport chiffre le coût d'une telle mesure à 100milliards d'euros sur 2010-2030. L'expert considère qu'il faut se garder de prendre des décisions hâtives. «Si, en 1970,
on nous avait demandé d'imaginer ce que serait l'énergie en 2010, on aurait eu tout faux.» Claude Mandil préconise d'allonger la durée de vie des centrales existantes. Mais de 30 ans de moyenne
d'âge, ne sont-elles pas en bout de course?
«Si l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), reconnue dans le monde, nous dit que cette solution est sûre, moyennant quelques
investissements, il n'y a aucune raison d'hésiter!» Et après? «Nous préconisons quelques EPR; la facture se monterait à 75euros le kW/h (Cour des comptes), mais ça resterait inférieur à l'éolien
terrestre. À ce sujet, on oublie d'inclure dans le coût des énergies renouvelables le prix de leur intermittence qui oblige d'avoir recours à des centrales au gaz... Même si je suis pour leur
développement, sachant que la priorité nº1, c'est la maîtrise de l'énergie».
Sortie du nucléaire en 2033?
Maîtriser l'énergie par «une politique volontariste de sobriété et d'efficacité énergétique», couplée à un recours massif aux énergies renouvelables, c'est précisément ce que préconise le
«Scénario Negawatt» pour sortir du nucléaire. «On propose, explique Yves Mérignac, l'un des 15 auteurs de ce document, une fermeture progressive des centrales d'ici à 2033, au rythme de 2.500MW/h
à 4.000MW/h par an, la fermeture rapide des moins sûres étant permise par la surcapacité du parc actuel et les réserves d'exportation.»
Dans ce scénario, un recours transitoire aux centrales à gaz n'est pas à exclure. D'où des émissions supplémentaires de CO2. «On ne
dépassera pas les 70 TW/h par an, ce qui est inférieur aux économies réalisées par la rénovation énergétique et la substitution par du biogaz et du gaz de synthèse, gaz issu de l'électricité
fournie par les énergies renouvelables, résolvant ainsi la question de leur intermittence.»
90% de renouvelables
Et l'emploi? Selon Yves Mérignac, les pertes d'emplois dans le nucléaire seraient compensées par le développement des
énergies renouvelables et la recherche en efficacité énergétique. «On peut réduire les deux tiers des besoins en énergie sans toucher fondamentalement au bien-être des gens: utiliser des
équipements plus économes, manger moins de viande, réserver l'avion aux transports internationaux, habiter dans des logements un peu plus petits mais plus confortables et économes, qui
représentent 40% de la consommation d'énergie...».
Si cet objectif est atteint, 91% des besoins en chaleur et mobilité et 100% en électricité spécifique pourraient être couverts par les énergies renouvelables en 2050, «pour les 10% restants, on recourra aux énergies fossiles pour des besoins spécifiques (déplacements en zone rurale, sidérurgie...). On sera loin des 70% importés aujourd'hui et qui nous coûtent 60 à 70 milliards d'euros par an et qui sont à ajouter à la facture du nucléaire», affirme l'expert. Reste que, face au défi du réchauffement de la planète, il est urgent d'agir, quel que soit le scénario.
Sites internet
www.economie.gouv.fr/energies2050
- Hervé Queillé
Bretagne: 34% de «renouvelable» en 2020
Passer de 10%, aujourd'hui, à 42% d'électricité consommée produite en Bretagne, dont 34% issus d'énergies renouvelables à l'horizon
2020: tel est l'objectif du Pacte énergétique breton signé en décembre2010 par la Région, l'État et d'autres partenaires locaux.
Diviser la demande par deux entre2011 et 2015
Ce pacte repose sur un triptyque: diviser la demande en électricité par deux entre2011 et2015, puis par trois jusqu'en 2025, afin de réaliser à terme 1.200 Gwh/an d'économies; augmenter la part
des énergies renouvelables; sécuriser la fourniture d'électricité, notamment par la création de la centrale au gaz de Landivisiau. Une «patte de trop» selon Guy Hascoët. Le conseiller régional
Europe Ecologie-Les Verts considère que la Bretagne a tout le potentiel d'énergies renouvelables suffisant pour produire de l'électricité sans recourir au nucléaire ni aux ressources fossiles.
«Encore faut-il que l'on mette en place un pacte qui aille plus loin dans la maîtrise de l'énergie. On sait notamment qu'il y a 50.000 chauffages électriques en trop; c'est beaucoup et peu la
fois (15% des logements)».
«Une sortie du nucléaire»
«La deuxième étape est bien d'aller vers un pacte énergie et climatique. Ce pacte doit être entendu comme une forme de sortie du nucléaire», précise Dominique Ramard. Le vice-président du Conseil
régional chargé de l'énergie mise notamment sur la relocalisation de la production d'énergie au plus près de chaque territoire: «Redonner du pouvoir local au niveau de l'énergie est bien l'un des
enjeux de la présidentielle. Dommage qu'il ne soit pas plus évoqué dans la campagne car il est crucial pour notre avenir».
- H.Q.