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blog du Npa 29, Finistère

Jean-Luc Mélenchon, combien de divisions ? (Le Monde)

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29 septembre 2012
  

Ce n’est un secret pour personne, Jean-Luc Mélenchon est passé maître dans le maniement des mots : de la petite phrase assassine dans les médias – on se souvient du fameux « capitaine de pédalo » destiné à François Hollande – aux discours qui marquent les esprits – comme celui de Marseille, le 14 avril, où il affirmait « qu’il n’y a pas d’avenir pour la France sans les Arabes et les Berbères du Maghreb ».


« Il se prend un peu pour Jaurès, mais c’est pas mal », sourit Marc Blondel. L’ancien secrétaire général de Force ouvrière le connaît bien, lui qui a croisé M. Mélenchon au Parti socialiste et qui entretient des relations avec les lambertistes, dont l’ancien sénateur de l’Essonne est issu.


Car au-delà de l’homme médiatique se cache un personnage difficile à cerner. « Il fonctionne beaucoup tout seul, d’une manière instinctive, et ne se trompe pas beaucoup », juge M. Blondel. « Jean-Luc, ce n’est pas un mec de réseaux : il ne sait pas les entretenir, estime pour sa part le président du groupe écologiste du Sénat, Jean-Vincent Placé. C’est un chef de bande : il définit une ligne, et on y adhère ou pas. » Une critique récurrente qui finit par lasser au Parti de gauche. « Mélenchon a un fonctionnement collectif et pas celui d’un chef de bande », répond Eric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche (PG).

 

« IMPRÉGNÉS DE SA LOGIQUE »


« Soit on est avec lui, soit contre lui », renchérit pourtant le député socialiste Jérôme Guedj, ancien « très proche » de M. Mélenchon, avec qui ce dernier a rompu tout lien lorsqu’il a quitté le PS en 2008. « Il a un côté ’lamberto’ qui le rend très organisé et un côté philosophe qui fait de lui un intellectuel, ajoute M. Guedj. Et il y a cette part méditerranéenne qui fait qu’il prend les gens par la tête mais aussi par les tripes. »


Aux côtés de l’ancien candidat à la présidentielle gravite une petite équipe très fidèle dont la plupart l’ont suivi après sa sortie du PS. On y trouve son bras droit et ancien directeur de campagne, François Delapierre, son conseiller spécial, Eric Coquerel, ou encore Alexis Corbière, spécialiste du Front national.


Dans leurs bouches, les formules sont les mêmes que celles du député européen, et aucun ne se risquerait à le critiquer, même en « off ». « Ils sont très attentifs à leur propre parole et à ne pas sortir du cadre de la pensée de Mélenchon, estime un ancien proche. Il n’y a personne pour lui dire quand ça ne va pas : ils sont tellement imprégnés de la même logique qu’ils ont plutôt tendance à aggraver les choses. »


« UN CÔTÉ MÉGALO »


Son plus solide atout reste le Parti de gauche, dont il est coprésident, et qui revendique 12 000 adhérents et près de 600 élus. Une formation qui repose encore en bonne partie sur les épaules de M. Mélenchon. « Tout tourne autour de lui, soupire cet ancien proche. Il a un côté mégalo et se voit comme le nouveau Che Guevara. »


« Il est un peu comme Bayrou, il a un ego tellement fort qu’il s’organise autour de lui-même, tacle l’ancienne ministre Verte de l’environnement Dominique Voynet, qui l’avait croisé dans le gouvernement Jospin lorsque M. Mélenchon était à l’enseignement professionnel (2000-2002). Sinon, il faut renvoyer l’ascenseur et ça, c’est plus difficile. » L’idée est donc de renforcer le Parti de gauche pour faire contrepoids au PCF au sein du Front de gauche, né d’une alliance entre les deux partis en 2008. Problème : aucun des « petits partis » du mouvement n’a pour l’instant accepté de venir grossir les rangs de la formation de M. Mélenchon.


La Gauche anticapitaliste, venue il y a quelques mois du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), a ainsi refusé la « fusion rapide » avec le Parti de gauche. « C’est inenvisageable, explique Ingrid Hayes, membre de la direction du mouvement. L’absence actuelle de démocratie interne fait qu’il n’y a pas de pluralisme en son sein. » « Si aucun camarade ne décide de déposer un texte, on ne va pas en déposer un faux pour dire qu’il y a du débat au Parti de gauche », répond Martine Billard, coprésidente du PG.


« RÉPUBLICANISME ÉTRIQUÉ »


Autre reproche adressé au parti : son rapport à la laïcité et à la République. « Une laïcité mal comprise et excluante », selon certains, « un républicanisme étriqué », pour d’autres. La question du foulard en est un bon exemple : la simple vue d’une femme voilée peut faire réagir M. Mélenchon. « Comme c’est non négociable, ça laisse de côté une partie de la gauche radicale », juge une cadre du Front de gauche.


S’il n’est pas un homme de réseaux, M. Mélenchon, qui n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien, apprécie les tête-à-tête. Il se nourrit aussi de SMS que ses proches lui font parvenir « pour avoir une plus grande perception de la réalité », selon M. Coquerel. « Il lui arrive régulièrement de m’appeler pour me demander mon avis, indique René Revol, fondateur du PG avec M. Mélenchon. Comme je suis maire , il veut prendre le pouls de la situation. »


DIFFICILE DE « COPINER »


En dépit de cela, certains des liens qu’il a tissés ne lui seraient pas aujourd’hui d’une grande utilité. Au PS, malgré ses trente années de militantisme, un député affirme qu’il devient aujourd’hui difficile de « copiner avec lui », et regrette « la violence de ses attaques ». Idem dans la franc-maçonnerie. S’il reste très discret sur le sujet, il avait reconnu cet engagement dans Mélenchon le plébéien de Lilian Alemagna et Stéphane Alliès (Robert Laffont, 370 pages, 20,30 euros). « La franc-maçonnerie s’est embourgeoisée, estime M. Blondel, qui l’a croisé il y a quelques mois dans une réunion maçonnique. Jean-Luc n’est pas renié mais ses idées font peur. »


Les auteurs du livre rappelaient tout de même que son appartenance à la franc-maçonnerie avait joué dans le choix de la grande circonscription du Sud-Ouest pour sa candidature aux européennes de 2009. « La région a une forte tradition radicale de gauche et laïque, confirme Marie-Pierre Vieu, membre de l’exécutif du PCF. Sa candidature apparaissait comme une vraie plus-value ici pour faire basculer une partie de l’électorat socialisante. »


SÉDUIRE LES SYNDICALISTES


« Sa force, c’est son score , même s’il a été mal vendu, juge le socialiste Julien Dray, qui avait construit avec lui la Gauche socialiste. C’est ça qui lui donne son autorité. » Cette force, M. Mélenchon cherche à la remettre en mouvement avec la manifestation du dimanche 30 septembre où le Front de gauche fait le pari, aux côtés d’une soixantaine d’organisations, de mettre « plusieurs milliers de personnes » à Paris pour dire non au traité européen.


Le Front de gauche s’enorgueillit de la présence de fédérations syndicales, même sans mot d’ordre national. Pendant la campagne, M. Mélenchon n’a pas ménagé ses efforts pour séduire les syndicalistes. Depuis la rentrée, pas une semaine ne passe sans une visite dans une entreprise en difficulté. Avec une exigence : une loi pour l’amnistie des syndicalistes condamnés sous le mandat de Nicolas Sarkozy et une contre les licenciements boursiers.


Une stratégie qui commence à porter ses fruits. « L’entreprise, ce n’est pas l’élément fort de Jean-Luc, estime une cadre du PCF. Ce n’est pas celui qui connaît, par exemple, le mieux la CGT, mais il est en train de tisser des liens. » Pendant la campagne, il n’était pas rare de voir des militants CGT arborer leur chasuble syndicale aux réunions publiques de M. Mélenchon, et ce dernier a reçu une ovation lors d’un meeting de la centrale en janvier.


« LA RÉVOLUTION, C’EST TOUT DE SUITE »


« Il a un certain succès à la CGT, et en même temps, il y a une réticence, nuance Claude Debons, ancien proche de M. Mélenchon et syndicaliste CGT à la retraite. Les syndicats sont pragmatiques : même si ce gouvernement de gauche est mou, c’est un interlocuteur. Leur logique est de le tirer le plus loin possible sur les questions sociales, pas de le faire chuter. »


C’est donc désormais sur la rue que compte M. Mélenchon pour se faire entendre, non pas comme opposant, jure-t-il, mais en « ayant droit de la victoire » de François Hollande. L’ancien socialiste se pose déjà en recours en cas d’échec de la politique de celui-ci. Une différence d’appréciation avec le PCF, qui estime qu’il faut infléchir la ligne du gouvernement le plus tôt possible. « Si Hollande déçoit profondément, le balancier ne partira pas vers Mélenchon mais vers la droite, voire l’extrême droite », juge M. Debons. « S’il avait dix ans de plus, je me permettrais de lui dire : “comment tu vas faire ?“, souligne Marc Blondel. Là, je ne peux pas car il fait. »


Mais le temps presse. Et M. Mélenchon le sait. « Les amis, j’ai 61 ans et la révolution, c’est tout de suite », glissait-il il y a quelques jours.


Raphaëlle Besse Desmoulières


* LE MONDE | 29.09.2012 à 10h00


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