L’Easter Rising, aussi appelé l’Insurrection de Pâques (Éirí Amach na Cásca) , occupe une place
importante dans le processus de l’indépendance irlandaise, puisqu’il s’agit d’une vraie tentative de révolte.
Le consul de France ne s’y est pas trompé, puisque dès juin 1914, il a envoyé une dépêche diplomatique
à Paris : « Il suffirait d’une étincelle pour provoquer en Irlande une sérieuse guerre civile ».
Le 24 avril 1916, lundi de Pâques, 200 membres de l’Irish Citizen Army et 550 Irish Volunteers,
dont 90 femmes dans les deux groupes, occupent seize points stratégiques de Dublin. Leur nombre
devait être plus important, mais il a été réduit au dernier moment, car le chef d’état major, le lunatique
Eoin MacNeill, dénonce « la folle équipée » et demande à ses hommes de renoncer à participer au
soulèvement. Ces 750 soldats de la République affrontent 2500 britanniques, qui sont rejoint par
de nombreux renforts les jours suivants, dès que l’assaut est lancé. Des barricades sont construites,
les moyens de communication coupés.
Les insurgés s’emparent de plusieurs bâtiments du centre-ville, comme l’Hôtel de Ville, la Poste,
le Palais de justice, les gares. Le drapeau tricolore de l’Irlande est hissé au dessus de la Poste.
La déclaration d’indépendance,signée par Connolly, Pearse, Clarke et quatre autres chefs de file
des insurgés, est affichée dans tout Dublin.
Malheureusement pour les insurgés, le soulèvement n’est pas suivi par les autres villes et les
campagnes, à part quelques exceptions. Les armes attendues d’Allemagne sont saisies par les
britanniques qui pendent en août le dirigeant républicain qui les amenaient par bateau.
Mais le général Maxwell, chef des forces britanniques, décide de bombarder pendant trois jours
Dublin à l’aide d’une canonnière placée sur la rivière Liffey. Pearse donne alors l’ordre de cesser
les combats. La ville est la proie des flammes et 300 Dublinois ont été tués, mille blessés, dont Connolly.
« Afin d’empêcher le massacre de civils désarmés et avec l’espoir de sauver la vie de nos
camarades, à présent encerclés et dépassés par le nombre, les membres du Gouvernement provisoire
sont tombés d’accord pour signer un ordre de reddition sans conditions, et les commandants de toutes
les unités des forces républicaines vont ordonner à leurs soldats de déposer les armes. »
Des milliers d’Irlandais sont faits prisonniers et des exécutions sommaires se multiplient.
Les républicains sont isolés : seuls les révolutionnaires russes approuvent l’insurrection…
Connolly, Pearse et tous les signataires de la proclamation d’indépendance sont fusillés.
La direction républicaine est donc décapitée à la suite de cette semaine de combats, et Connolly
n’a pas laissé derrière lui d’organisation pour continuer la lutte politique.
D’un point de vue militaire, l’insurrection de 1916 est un échec.
En effet, l’insurrection est restée urbaine alors que les Volunteers sont majoritairement organisés
dans les campagnes. De plus, l’absence de foyers d’insurrection rurale a permis une importante
concentration des forces britanniques autour de Dublin. Ensuite, la jonction du prolétariat espérée,
c’est à dire le soutien des ouvriers des syndicats aux idées révolutionnaires, même britanniques,
ne s’est pas réalisée, tout comme les mutineries attendues dans les régiments anglais à dominante
irlandaise. Enfin, les bombardements ont terrorisé la population. L’insurrection irlandaise est rejetée
par tous, excepté par les révolutionnaires russes.
Trotski comme Lénine prendront la défense de l’insurrection contre, comme le dit Lénine, « les puristes
de la révolution », et les « réformistes ». Il considère que « le malheur des Irlandais, c’est qu’ils se sont
insurgés dans un moment inopportun, alors que l’insurrection du prolétariat n’était pas encore mûre. »
Cependant, le soulèvement sollicite l’ensemble de la population, choquée par la pendaison de Sir Roger
Casement. L’Easter Rising rentre ainsi dans la légende grâce aux écrivains et poètes. William Butler Yeats
exprime ainsi l’esprit d’une Irlande ébranlée par les Pâques sanglantes :
« Je l’écris en faisant rimer
Les noms de
Mac Donagh et Mac Bride
Et Connolly et Pearse
Maintenant et dans les jours à venir
Partout où le vert sera arboré
Tout est changé, totalement changé :
Une terrible beauté a vu le jour »
William Butler Yeats: « Easter, 1916 »
Ce qui apparaît comme une défaite (excepté l’élan de sympathie populaire pour les dirigeants
de l’insurrection exécutés par les Anglais) est tout de même ce que Connolly et Pearse ont espéré :
le détonateur d’une gigantesque déflagration sociale et nationale. De plus, le peuple irlandais possède
un atout que Connolly, au cœur de la rébellion, a annoncé : « Vous n’êtes plus les Volunteers ou la Citizen
Army, il n’y a plus qu’une seule armée, l’Irish Republican Army. »