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6 février 2013 3 06 /02 /février /2013 12:15

Par Nolwenn Weiler (6 février 2013)


L’équivalent d’un département de terres agricoles disparaît tous les sept ans en France. Principalement au profit de nouveaux lotissements, mais aussi de routes, de centres commerciaux ou d’aéroports, comme à Notre-Dame-des-Landes. André Torre, économiste et directeur de recherche à l’Inra, étudie les nombreux conflits qui en découlent. Loin du cliché des guerres de clochers, ces conflits sont synonymes d’une démocratie locale revigorée. Entretien.

Basta ! : Comment êtes-vous venu à travailler sur le thème des conflits en milieu rural ?


André Torre [1] : Au début de ma carrière d’économiste, j’ai travaillé sur les processus de coopération et de confiance. Je me situais alors un peu à l’opposé de ce qui se pratique sur les marchés, où l’on doit toujours faire concurrence à quelqu’un. Être le meilleur contre les autres. Et puis, au fil du temps, ce thème de la coopération s’est imposé comme une obligation, dans le monde du travail, et de l’entreprise, dans l’économie en général. Il faut parler, discuter, mettre les gens ensemble, pour qu’ils soient tous d’accord et qu’ils ne s’opposent sur rien. Tout cela était couvert de beaucoup de miel et devenait très consensuel. Avec cette façon de voir, on évacue totalement les conflits et les possibilités d’opposition. J’ai donc décidé de m’y intéresser. Pour nos recherches, nous avons recours à plusieurs outils : l’activité des tribunaux, les analyses de la presse quotidienne régionale, les enquêtes à dires d’experts et d’acteurs notamment.


A l’heure où l’on vante les mérites de la concertation et de la conciliation, à quoi servent les conflits ?

 

 

Les oppositions à tel aménagement foncier sont très souvent perçues comme des éléments dérangeants. Les opposants sont considérés comme des empêcheurs d’avancer. Comme des égoïstes qui ne veulent pas développer leur territoire. Au fil de nos enquêtes, nous avons, a contrario, souvent constaté une vraie légitimité du conflit, avec des raisons sociales objectives. Les opposants ne sont pas de simples et joyeux hurluberlus qui s’opposent à l’intérêt général, ni des agitateurs, ni des adeptes de la judiciarisation à l’américaine. Le conflit est une manière de faire entendre sa voix. Le conflit est un moment de démocratie locale et participative. Comme la négociation. Ce sont les deux facettes d’une même pièce et d’un même processus démocratique. Les seuls endroits où il n’y a jamais de conflits, ce sont les dictatures. On peut bien sûr s’exprimer de manières très variées : organiser des manifestations, recourir à la justice, faire appel aux médias, user de violence. Tout dépend aussi de la réaction de l’autre partie. L’interpellation est-elle acceptée ? Ou bien rejetée en bloc ? L’organisation de négociations est-elle prévue ?


L’étalement urbain est-il source de tensions ?


On entendait beaucoup dire, avant que nous ne commencions ce travail sur les conflits, que ce qui provoquait des tensions dans le monde rural, c’était les périodes de labours, le chant du coq, les odeurs d’élevage... En fait, très peu. Ces sujets sont anecdotiques. Et sont de l’ordre du ressenti plus que du conflit. La bétonisation des sols au détriment des terres, agricoles pour la plupart, voilà ce qui fait vraiment l’objet de conflits. Ce problème de l’étalement urbain est la première cause de conflits, loin devant les autres. Le modèle plébiscité en France, c’est le pavillon avec un petit jardin. C’est très consommateur d’espaces et de routes. On prend en plus d’excellentes terres agricoles puisque, logiquement, les villes se sont installées à des endroits entourés d’excellentes terres pour pouvoir nourrir les habitants. On consomme actuellement un département tous les 7 ans ! Mais attention, tous les conflits ne sont pas le fait d’opposants à l’artificialisation des terres. Dans la région Ile-de-France, par exemple, il y a deux types de conflits : des gens qui s’opposent à cette artificialisation et des gens qui s’opposent au fait que des terres ne deviennent pas constructibles. Les deux se retrouvent dans des proportions équivalentes.


Les écologistes sont-ils les principaux acteurs de ces conflits ?


Les associations, surtout environnementales, ont une activité très forte. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’argument environnemental est très bien reçu lorsqu’il y a des actions en justice. Pourvu qu’il s’appuie sur des expertises techniques et scientifiques. Les collectivités territoriales, l’État, les municipalités jouent des rôles divers selon les cas. Les municipalités ont une activité intense en matière de permis de construire par exemple. Elles sont parfois attaquées par l’État pour délivrances abusives. Sur le littoral sud notamment. L’État devient alors un opposant qui lutte contre la bétonisation des côtes, due aux particuliers en lotisseurs. Au Nord, on a plutôt à faire à un État bâtisseur, avec des ports, ou des aéroports comme à Notre-Dame-des-Landes. Parfois, il est main dans la main avec les collectivités. Cela dépend des contextes.


Les enquêtes d’utilités publiques permettent-elles, en général, d’apaiser les tensions ?


Un paradigme de la négociation s’est développé depuis les années 80. Avec lui, toute une série d’éléments de négociation ont été introduits, comme les enquêtes et déclaration d’utilités publiques (DUP). Ces outils sont énormément productifs de conflits : plus il y a d’outils, plus il y a d’opportunités d’expression. C’est plutôt bon signe pour la démocratie. Un étudiant qui vient de terminer une thèse sur un conflit lié à un barrage au Pakistan fait part d’une toute autre réalité. Là-bas, les autorités sont arrivées dans un endroit où 90% de la population est analphabète. Ils ont dit, en caricaturant un peu : « Vous allez voir, on va faire un super barrage, vous allez être très heureux, ça va être génial. » Dans ce genre de situation, les conflits arrivent en général après la réalisation du projet, quand les gens prennent conscience de ce qu’il représente pour eux, et ils sont souvent très violents. En Inde, il y a beaucoup de suicides de paysans suite à des grands projets imposés. En France, les populations sont très averties, elles ont un degré élevé d’instruction, des réseaux importants, et une culture de la négociation. Les conflits ont lieu en amont, et en général dès que la DUP apparaît. Là où le marché propose des compensations, le citoyen essaie d’empêcher la survenance du problème. À Notre-Dame-des-Landes, on n’attend pas que les avions passent pour s’opposer, on essaie d’empêcher que cela arrive.


Que pensez-vous du conflit de Notre-Dame-des-Landes ?


C’est une opposition récurrente entre deux groupes importants. D’un côté l’État et les collectivités, de l’autre des alternatifs, des élus, des agriculteurs. Ce sont deux forces bien constituées et bien organisées. On a aussi une médiatisation importante, c’est un élément crucial. La commission du dialogue nommée par le Premier ministre a un problème de légitimité. Elle a été nommée sans grande concertation. Or, ce choix des négociateurs est un point fondamental. « Qui a négocié ? », demandent souvent les parties prenantes, qui ne se sentent pas représentées par les négociateurs. Nommer une commission dans la précipitation n’est pas une garantie de grande démocratie. On ne sait pas non plus quel est son objet. Elle semble être surtout informative. Il ne s’agit pas de rediscuter de la décision mais de mieux l’expliquer. Prendra-t-elle en compte certains éléments réclamés par les opposants ? Entendra-t-elle leurs avis ?


Propos recueillis par Nolwenn Weiler

Notes

[1] Économiste, directeur de recherche à l’Inra, Agroparistech. Auteur de plusieurs ouvrages liés à ses recherches sur les questions de conflits et de proximité. Dernier livre publié : Proximités territoriales, aux éditions Economica. Avec Jean-Eudes Beuret.

*

http://www.bastamag.net/article2865.html

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