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23 avril 2010 5 23 /04 /avril /2010 10:04
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21 avril 2010

Chat sur LeMonde.fr avec Christian Terras, directeur de rédaction de la revue « Golias ».



Gilbert T. : Pourquoi l’Eglise a-t-elle voulu étouffer ces scandales plutôt que de chercher à éloigner, et donc renvoyer, les responsables de ces actes ?


Christian Terras : Parce que l’Eglise a cherché d’abord à protéger son image et l’image d’une institution infaillible. Et donc une Eglise qui n’a pas de comptes à rendre à la société par rapport à ses prêtres déviants. Puisque l’Eglise possède aussi sa propre justice interne. Une dérive qui fonde l’Eglise à s’autoriser à être au-dessus de la loi des hommes et de la justice civile.


Guest : L’Eglise me semble être une institution difficilement réformable. Une évolution profonde prendra du temps. Mais des gens souffrent en ce moment du comportement de certains prêtres. Alors que faire concrètement dès aujourd’hui pour protéger nos enfants ?


Christian Terras : Le constat est évident : il y a une coupure entre la tête de l’Eglise et sa base. La difficulté à réformer l’Eglise est liée à sa sacralisation et au pouvoir clérical incarné par le type de ministère ecclésial qui a cours dans cette institution. Comme être catholique n’est pas être nécessairement être d’accord sur tous les points avec la hiérarchie, il convient aux communautés chrétiennes de repenser autrement le ministère ordonné et, déjà sur le terrain, de travailler à un autre visage de l’Eglise en prenant des initiatives qui permettraient à moyen terme d’opérer la réforme nécessaire de cette institution.


Joel : Est-ce que cela veut dire concrètement que les prêtres doivent avoir une autre formation en plus de la théologie ?


Christian Terras : Il est évident que la formation actuelle des prêtres ne prend pas en compte suffisamment la question de leur équilibre psycho-affectif. Mais il s’agit, au-delà de cette question, de repenser autrement le ministère ordonné avec la levée de cette loi inhumaine du célibat, qui pourrait constituer déjà un premier pas pour opérer la refonte du système ecclésial.


Michel : Pour Jean-Blaise Fellay, le problème de la pédophilie est davantage lié à une culture puritaine propre aux pays anglo-saxons qu’à la morale rigoriste de l’Eglise catholique. « J’observe que ces cas d’abus sexuels concernent pour l’essentiel les Etats-Unis, l’Irlande et des pays du nord de l’Europe où prédomine un certain puritanisme », dit-il.


Christian Terras : Je pense que ce n’est pas suffisant comme explication du phénomène des scandales pédophiles dans l’Eglise, dans le sens où l’opinion publique catholique dans les pays anglo-saxons et germanophones est beaucoup plus organisée que dans les pays de culture latine, et donc intériorise beaucoup moins la sacralisation du système catholique et ecclésiastique. La pédophilie des prêtres concerne d’autres Eglises que l’aire anglo-saxonne, mais ces problèmes ne sortent pas du périmètre de l’Eglise catholique en raison de cette culture d’intériorisation d’un modèle qui a encore barre sur les consciences.


André : Le pape porte-t-il une responsabilité ou n’est-ce pas plutôt ses conseillers qui l’empêchent de prendre les bonnes décisions ?


Christian Terras : Non. Avant d’être pape, Joseph Ratzinger était responsable de la congrégation pour la doctrine de la foi, donc chargé des sanctions disciplinaires à l’encontre des prêtres pédophiles. Or, trop souvent, il n’a pas agi et ce, malgré l’insistance souvent de nombre d’évêques en proie à ces difficultés dans leur diocèse.


Lorsqu’il prendra conscience du séisme que représente ce problème pour l’Eglise au début de l’année 2000, il n’opérera qu’une centralisation des dossiers, se gardant de préconiser une collaboration de l’institution catholique avec les juridictions civiles des pays concernés qui demandaient alors l’aide du Vatican pour instruire les dossiers de prêtres pédophiles.

Joseph Ratzinger devenu Benoît XVI n’a pas eu besoin du parasitage de conseillers pour ne pas prendre les décisions qui s’imposaient.


André : Est-ce que l’institution n’a pas confisqué la religion ?


Christian Terras : L’institution catholique, notamment dans cette affaire de gestion des prêtres pédophiles, a trahi les valeurs de l’Evangile en considérant que la défense de ses intérêts institutionnels était plus importante que la protection des victimes et leur droit à demander réparation. Mais il s’agit là d’un des cas où l’institution catholique a instrumentalisé la foi chrétienne au nom de la raison d’Eglise, qui fonctionne alors comme la raison d’Etat.


juliette : Le fait d’avoir reçu des victimes annonce-t-il un changement de politique ou est-ce une operation de communication ?


Christian Terras : Le pape est profondément affecté par la question des prêtres pédophiles. Sa stratégie de défense depuis quatre mois, complètement hallucinante et suicidaire, l’a amené effectivement à faire un geste symbolique en recevant quelques victimes de prêtres pédophiles de Malte.


Le pape se serait grandi d’entrée de jeu, à savoir dès le mois de janvier, à recevoir solennellement au Vatican les organisations d’enfants et de parents victimes, réception au cours de laquelle il aurait pu passer un pacte ecclésial d’engagement en trois points :


1) tolérance zéro pour les prêtres pédophiles dans l’Eglise ;

2) collaboration de l’Eglise avec les justices des pays concernés ;

3) sanction immédiate en destituant de sa charge ecclésiastique le prêtre pédophile une fois l’enquête établie sur la vérification de sa pédophilie.

Son geste à Malte est à mettre à son crédit, mais malheureusement, il intervient beaucoup trop tard au regard du discrédit dans lequel le pape et l’Eglise catholique se sont fourvoyés à cause d’une stratégie défensive inopérante, voire arrogante.


André : Le pape doit-il, et peut-il démissionner ?

Gribouille : Une scission de l’Eglise catholique est-elle envisageable ?


Christian Terras : Le pape ne démissionnera pas, car ce n’est pas la conviction du ministère pontifical qui est la sienne. Il entend aller jusqu’au bout de sa mission quels que soient les problèmes qu’il rencontre. Il l’a d’ailleurs signifié lors du dimanche des Rameaux, en déclarant que l’Eglise n’avait que faire des jacasseries de l’opinion publique. Il montrait par là sa détermination à poursuivre sa mission quelles qu’en soient les embûches. Le problème est que, par une telle approche de l’opinion publique, méprisante, alors qu’il s’agit d’une opinion publique catholique essentiellement, le pape est en train de provoquer un schisme rampant entre lui et le peuple de Dieu.


Les catholiques partent sur la pointe des pieds aujourd’hui, ils ne feront pas le chantage au schisme comme les intégristes catholiques l’ont fait en 1988 ; il n’empêche qu’ils ne se reconnaissent plus dans cette Eglise de Benoît XVI et qu’ils désertent aujourd’hui nombre de paroisses et de mouvements catholiques, ainsi qu’on peut l’observer tout particulièrement en Allemagne, en Autriche, aux Etats-Unis et en Irlande.


florence : Si Joseph Ratzinger est pape, c’est qu’il a été élu, que l’Eglise catholique l’a choisi. Est-ce qu’il n’y a pas plus globalement un problème de « renouvellement du personnel » à la tête de l’institution ? Beaucoup de personnes au sein de l’Eglise sont plus progressistes, ou tout simplement plus en phase avec leur époque, mais il semble qu’elles ne participent pas à la voix officielle... Est-ce que le moment n’est pas venu d’une réforme de la structure de l’Eglise catholique ?


Christian Terras : Le pape a été élu en 2005 par des cardinaux qui avaient peur de l’avenir à la suite de la mort d’un pape charismatique qui cachait nombre de problèmes auxquels l’Eglise devait se confronter. Sa communication l’emportait sur le fond.


Joseph Ratzinger a été élu par un conclave qui avait peur aussi de l’évolution du monde, et ils ont considéré que Joseph Ratzinger était le candidat le plus rassurant pour mener à bien cette transition et cette succession au pape polonais. Il est bien évident que le programme de restauration conservatrice à partir duquel a été élu Benoît XVI ne correspond en rien à l’aspiration de nombreux fidèles à la base de l’Eglise qui aujourd’hui ne se reconnaissent pas dans cette vision identitaire et stigmatisante du monde moderne.

Il est clair que l’Eglise catholique ne sortira de cette stratégie restauratrice qu’à la faveur d’une refonte complète de son système, de son fonctionnement et de son architecture doctrinale et théologique. Il ne s’agit pas d’une simple réforme à opérer, comme le concile Vatican II l’a fait dans les années 1960, il s’agit bien d’une remise à plat complète d’un système et d’un fonctionnement qui font la preuve de leur faillite tous les jours.


Joel : La réforme idéale de l’Eglise, cela ressemblerait à quoi ?


Christian Terras : Un des premiers points quant à la réforme de l’Eglise est de sortir d’un système de monarchie absolue de droit divin dans lequel l’Eglise fonctionne depuis des siècles.


La culture démocratique doit prochainement transpirer dans toutes les structures de l’institution catholique, que ce soit au niveau du sommet, des institutions intermédiaires ou de la base. Il n’est pas normal, en effet, que le peuple de Dieu, qui représente plus d’un milliard de fidèles, n’ait jamais voix au chapitre dans les décisions qui sont prises dans cette institution, et qu’il ne soit entendu que sur des bases consultatives, et non opérationnelles et décisives.


Deuxième point : décléricaliser le système catholique en proposant une autre conception de l’appel au ministère, plus communautaire et au sein d’un engagement plus humain. Bref, repenser autrement le ministère ordonné lui-même, en levant notamment la loi du célibat ecclésiastique, permettrait une refonte en profondeur de l’Eglise catholique, même si cette mesure ne suffirait pas en elle-même.

Troisième point : il faudrait pour l’Eglise, aussi, dans le contexte de notre XXIe siècle, repenser radicalement sa proposition de foi dans le cadre d’une architecture théologique et éthique qui tournerait le dos à son architecture actuelle dogma-disciplinaire.


Kévin : Une réforme de l’Eglise ne risquerait-elle pas de diviser davantage les fidèles, et de ternir davantage son image ?

Nicolas : Si on réforme trop l’Eglise ne va-t-on pas faire peur aux fidèles et les abandonner aux évangélistes et autres mouvements ?


Christian Terras : Je crois que c’est le contraire : ne pas réformer l’Eglise catholique aujourd’hui, c’est consommer une coupure de plus en plus forte entre le pape et les responsables de l’Eglise et leur base. Retarder cette réforme fait que l’Eglise catholique risque d’entrer dans une logique de sectarisation en devenant le refuge de catholiques intégristes, minoritaires certes, mais très agissants en termes de groupe de pression. Et la question qui se pose alors aujourd’hui est de savoir jusqu’où les choses pourront ensuite être rattrapées si l’on continue dans cette politique de restauration identitaire conservatrice.


La condamnation de la théologie de la libération en Amérique latine par ce même pape alors qu’il était à la congrégation pour la doctrine de la foi dans les années 1980 a provoqué un désastre à la base de l’Eglise, puisque des millions de catholiques sont partis vers les Eglises évangélistes, voire des sectes chrétiennes synchrétistes.


Cet exemple pour montrer qu’envisager une réforme en profondeur de l’Eglise, loin de diviser les fidèles, serait au contraire une chance pour l’Eglise de retrouver sa crédibilité et de retisser des liens aujourd’hui distendus avec le peuple de Dieu qui ne se reconnaît plus dans ce type d’Eglise.


juliette : D’accord, mais qui peut mener une telle réforme ?


Christian Terras : Pour qu’une réforme de ce type ait lieu dans l’Eglise catholique, il faut une opinion publique à l’intérieur de l’Eglise qui fasse davantage entendre sa voix quant au chemin à prendre pour réaliser une telle perspective.


Mais dans le système catholique, cette opinion publique active, dynamique, créatrice devra rencontrer à moyen terme un successeur à Benoît XVI qui sera à l’écoute de telles perspectives. Sinon, l’Eglise catholique manquera un tournant fondamental à la fois dans son existence, qui sera mise à mal, et dans la transmission du message évangélique, qui sera alors instrumentalisée par un système qui n’aura de chrétien que le nom.



* LEMONDE.FR | 21.04.10 |

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