Par Christophe Carrière, publié le 25/11/2009 à 09:50 - mis à jour le 25/11/2009 à 10:58 (L'EXPRESS)
Avec son documentaire sur les ravages du sexisme sorti mercredi dernier, le réalisateur belge Patric Jean emballe les militantes de la cause des femmes. Et les machos enragent...
Pour nous convaincre de la sincérité de son discours, Patric Jean n'aurait pas trouvé mieux. Réalisateur de La Domination masculine, remarquable état des lieux d'un machisme pernicieux ancré dans les moeurs qui mène tout droit à la violence sur les femmes, ce Belge vivant entre Bruxelles et Paris annule un premier rendez-vous pour... récupérer son bébé fiévreux à la crèche.
La mère, également documentariste, est en déplacement. Patric Jean, féministe convaincu de 41 ans, est évidemment pour le partage des tâches familiales.
A voir l'implacable constat qu'il dresse dans son film, c'est à croire que la "parenthèse enchantée" des années 1970 n'a jamais existé et que la condition féminine a recouvré son statut d'avant-guerre.
"Il serait idiot de dire que nous n'avons pas avancé depuis cinquante ans, corrige-t-il. Mais la réduction des inégalités entre hommes et femmes progresse tellement
lentement... qu'on atteindra la parité dans deux cent cinquante ans!"
Pour illustrer son propos, Patric Jean a baladé sa caméra des speed-datings parisiens –où les candidates reproduisent les clichés sexistes avec le sourire et le plus grand naturel – à l'école polytechnique de Montréal (Québec), théâtre de l'exécution sommaire de 14 étudiantes en ingénierie le 6 décembre 1989 par un antiféministe de 25 ans.
Le réalisateur s'est immiscé sous un nom d'emprunt parmi des "masculinistes" canadiens, militants vindicatifs de mieux en mieux organisés depuis une dizaine
d'années, dont il a recueilli des témoignages effrayants.
"Ils sont évidemment furieux d'avoir été trompés", raconte-t-il, menacé de mort à demi-mot dans des blogs particulièrement virulents. "L'un dit que, si je viens présenter mon long-métrage au Canada, je risque de passer à côté de ma propre vie et de connaître mon Waterloo."
Convié dans les colloques des suffragettes
Le réalisateur est précisément né près de la cité belge, dans un milieu ouvrier. Son père, mort quand il avait 2 ans, interdit à sa mère de continuer une
prometteuse carrière de chanteuse d'opéra. Elle enseignera le chant et élèvera seule son fils.
D'où cette énergie farouche à défendre les femmes? "J'ai plutôt évolué grâce aux diverses compagnes avec lesquelles j'ai vécu", répond l'intéressé. Le réalisateur,
désormais invité dans tous les colloques des suffragettes françaises, ne se leurre pas sur l'avenir.
"Le masculinisme connaît en France une progression constante." Son documentaire n'est donc pas seulement un constat, mais aussi un signal d'alarme.