Les syndicats, destinataires d'un courriel dans lequel le directeur adjoint du centre de distribution de Trégunc a expliqué son suicide, (lire page8), ont tenu une conférence, hier à Quimper.
Patrick Leymonis (CFE-CGC).
«Il est passé à l'acte, je suis abasourdi. On était souvent ensemble, je n'ai pas vu venir. Depuis deux ans, il avait pris un coup au moral. On avait alerté à
plusieurs reprises. En novembre, il avait adressé un mail à Jean-Claude Bailly (NDLR: le P-DG de La Poste). On était arrivé à un
accord tripartite pour sa réaffectation à Trégunc aux "ressources humaines", il avait bien rebondi. Il y a eu une écoute, c'est sûr, mais peut-être était-ce trop tard. Je l'ai vu à Rennes pour le
suicide de notre autre collègue, rien ne laissait transparaître un tel acte. Il faut une enquête sérieuse. L'amalgame peut être fait avec
France Telecom : mêmes causes, mêmes effets. Nous sommes là devant vous pour alerter tous les collègues : s'ils ont une souffrance, il faut qu'ils s'expriment».
René Bilien (CFDT).
«Il y a un problème de management à La Poste. Ce n'est pas particulier à la Bretagne. On s'interroge sur la façon dont sont recrutés les managers de haut niveau. Il
faut que cela s'arrête et prendre conscience des difficultés de l'encadrement. En deux mois, on est passé de 34 directeurs d'établissements à 17dans la direction Ouest (Finistère-Morbihan). Si
certains se sont accommodés d'un nouveau poste, d'autres ont eu un arrêt de carrière. Il y a des similitudes avec Rennes: des actes réfléchis, faits sur le lieu de travail, rationnels. On ne peut
plus le supporter».
René Abiven (Sud).
«Les restructurations sont passées par trois phases: les personnels d'exécution, les cadres de premier niveau, les cadres supérieurs. Lors de la réorganisation cet
été, les cadres ont dû recandidater sur leur poste. Aujourd'hui, la machine à broyer, ça suffit! Les risques psychosociaux sont bien identifiés. Son dernier mail était pour dire "stop". On
demande à la direction Ouest d'avoir une autre attitude avec les cadres. La lettre recommandée qu'il a reçue la semaine dernière pour un contrôle médical à la demande de l'entreprise l'a beaucoup
marqué, a augmenté son angoisse. Est-ce de l'acharnement? Il avait l'intention de reprendre son nouveau poste fin mars. La Poste dit qu'elle se met à l'écoute en amont : c'est un peu du flan, de
la communication. En matière d'écoute, on est au plus bas que tout».
Alain Le Berre (CGT).
«Il y a quinze jours, j'ai dit à la direction que si un drame devait arriver, il faudrait qu'elle assume. Les responsabilités devront être révélées, les sanctions
devront être prises. Ce cadre a été contestataire sur les méthodes qu'on lui demandait de mettre en oeuvre. Directeur financier, il a voulu venir au "courrier" pour subir moins de pression et
prendre un travail plus technique. La logique du profit est aussi au "courrier". Il a été cassé par La Poste, par les technocrates du niveau national. Il n'est pas question qu'on refasse comme à
France Telecom, qu'on fasse une comptabilité des suicides. Il y a une souffrance globale au travail, qu'on arrête les réorganisations et qu'il y ait un véritable dialogue social».
Yvon Le Page (CHSCT).
«Un comité d'hygiène et de sécurité extraordinaire se tiendra mercredi à Rennes. Il est trop tôt pour dire si on décidera une enquête interne menée soit par le CHSCT soit par un cabinet externe. Nous ne dévoilons pas le contenu du mail car il fait partie de l'enquête. Nous avions aussi demandé la tenue d'un autre CHSCT extraordinaire pour évoquer la situation d'un cadre à Lorient. Cela nous a été refusé par la direction».
- Propos recueillis par Jacky Hamard