Des enquêtes démontrent que des étudiantes se prostituent pour financer leurs études. Le coût de la vie et la précarité grandissante mettent des jeunes femmes dans la galère.
« Étudiante 21 ans se propose de vous accompagner... » Sur certains sites, les annonces fleurissent. Et pas seulement au printemps. Toute l'année, des jeunes femmes, inscrites à l'université, vendent leurs charmes pour subvenir à leurs besoins. « Elles disent qu'elles sont escort girls mais on se doute qu'elles vont plus loin », estime Charlotte, en master de droit à Agen.
Combien sont-elles ? Les chiffres précis n'existent pas. Plusieurs universités ont essayé de mesurer l'ampleur du phénomène. Poitiers, Montpellier, Paris et Rennes ont lancé des enquêtes qui ont clairement révélé l'existence de la prostitution à l'université.
Le service interuniversitaire de Rennes a envoyé des milliers de questionnaires à des étudiantes, en 2011. Ils portaient sur la précarité dans laquelle elles pouvaient vivre. Environ 1 500 réponses sont revenues. 130 jeunes femmes se disaient prêtes à vendre leur corps pour payer leur loyer et leurs factures. Une trentaine sont passées à l'acte.
« Difficultés pour les approcher »
À Montpellier, en 2009-2010, une enquête a aussi mis en évidence que des étudiantes avaient recours à des relations tarifées : « Sur 651 personnes interrogées, treize avaient accepté de l'argent en contrepartie d'un acte sexuel. » Ce chiffre rapporté à la population étudiante totale, soit 2,3 millions de personnes, ferait « apparaître une prostitution de l'ordre de plusieurs dizaines de milliers de jeunes femmes », selon un rapport parlementaire de 2011, présenté par l'ex-députée socialiste des Côtes-d'Armor, Danielle Bousquet.
Ces données n'ont pas été approfondies. Les services sociaux ont des difficultés à approcher les étudiantes concernées et celles-ci n'en parlent pas. « C'est dommage, déplore une infirmière. Qu'elles sachent au moins que nous sommes là si elles veulent sortir de ce bourbier. »
Depuis des années, l'Unef et d'autres syndicats tirent la sonnette d'alarme.
Environ 10 % de la population étudiante, soit 230 000 personnes, vit dans la plus grande précarité. La crise s'est accélérée, les petits jobs deviennent rares et les budgets pour le logement et l'alimentation explosent. Fin 2012, l'Unef rappelait que « les bourses et les aides cumulées plafonnent à 493 € par mois, insuffisant pour vivre décemment ».
La prostitution a d'abord été facilitée par les annonces sur Internet. En 2005 déjà, une enquête menée par Loïk Villerbu, directeur de l'Institut de criminologie de Rennes, expliquait qu'elles peuvent, sur le Net, « se créer un personnage imaginaire, au risque de se mettre en danger si elles tombent sur des hommes violents et déterminés ».
Le Bureau d'aide psychologique universitaire de Rennes avance une autre explication. « Peut-être que les pratiques sexuelles à risques se sont banalisées avec les fêtes alcoolisées, s'interroge le docteur Danièle Olive. Pour celles qui ne le voient pas, le glissement vers la prostitution est alors possible. »
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