La belle manif' que voilà!
De mémoire de Lannionnais, cela fait bien longtemps qu'on n'avait pas enregistré une si forte mobilisation pour le traditionnel défilé du 1er-Mai! 1.700 manifestants, au bas mot. C'est près de sept fois plus que l'an dernier.
10h30, hier, devant La Poste.
Ils sont déjà nombreux, un autocollant du syndicat plaqué sur la poitrine ou un brin de muguet à la main, à noircir le quai d'Aiguillon. Les musiciens d'Ayel-TK donnent le ton de
la manifestation: festive, chaleureuse, colorée. Dans la foule, un certain nombre d'habitués, fidèles au traditionnel rassemblement du 1er-Mai. Mais aussi, beaucoup de nouvelles têtes comme
Armelle, âgée de 44 ans. «Je ne viens pas tous les ans mais là, Sarko a poussé trop loin la provocation avec son histoire de vrai et faux travail. À cinq jours du deuxième tour de l'élection
présidentielle, la manif offre la possibilité de riposter et montrer que les salariés et précaires ne sont pas opposés mais bel et bien soudés.»
«Allez voter!»
Même volonté, du côté des syndicats, de faire triompher les valeurs de rassemblement et de solidarité internationale du monde du travail. «D'ordinaire, l'intervention de l'intersyndicale n'est
lue que par une personne», lance au micro Jean-Pierre Lecoq. «Mais aujourd'hui, face aux agressions graves qui visent le monde syndical, nous avons décidé d'une lecture à cinq voix qui signifie
que plus que jamais, nous serrons les rangs. » Les noms de Hollande et Sarkozy ne seront jamais prononcés, au cours de l'allocation cosignée par la CFDT, la CGT, la FSU, Solidaires et
l'UNSA.
Mais nul besoin de lire entre les lignes pour décoder les attaques formulées à l'encontre du président candidat: taux de chômage
record, salaires en berne, mesures antisociales pour assainir les dépenses publiques sans toucher aux niches fiscales... Trois pages pleines de discours, pour dire, «dans une France comptant plus
de 4 millions de demandeurs d'emploi et 8 millions de salariés pauvres, l'exigence de justice sociale, de respect des droits fondamentaux, d'un travail décent et des mêmes droits pour tous». Et
les porte-parole des organisations syndicales d'exhorter: «Pour faire évoluer la société de manière plus juste et solidaire, allez voter! Luttez au quotidien! Ne lâchez rien!».
Un entre-deux ponts
Le quai, devant La Poste, continue de se remplir, comme miraculeusement éclairé par le premier rayon de soleil aperçu depuis quinze jours. Ce n'est que lorsque le cortège s'ébranle en direction
du quai de Viarmes, qu'on prend soudain l'ampleur de la mobilisation. Cinq cents, mille, mille cinq cents... Par paquets de dix, le comptage des manifestants atteint vite des chiffres
vertigineux. Mille sept cents, c'est deux fois plus qu'en 2010 (un bon cru), et sept fois plus que l'an dernier qui, il est vrai, s'était révélé plutôt tristounet.
Seul 2002, à la veille d'un certain duel entre Chirac-Le Pen au deuxième tour de l'élection présidentielle, avait fait plus fort avec 5.000 manifestants, un 1er-Mai à Lannion. «Tout est dit aujourd'hui: le ras-le-bol des salariés de payer une crise dont ils ne sont pas responsables, le rejet des thèses de l'extrême-droite et des tentatives de diviser la société, également l'espoir de faire naître d'autres choix», commente un observateur, ravi du long ruban de manifestants qui s'étire, du pont de Viarmes jusqu'au pont de Sainte-Anne. Tandis que Jeanne et Nicole, poing serré en avant, martèlent, la voix éraillée à force de chanter: «On ne lâche rien!».