Au début du siècle, la Bretagne comptait le plus fort taux d'analphabètes en France. Aujourd'hui, l'académie de Rennes et celle de Nantes (sans vouloir rallumer la querelle « Nantes est-elle bretonne ? ») récolte les meilleurs résultats scolaires de France.
En matière de taux de réussite au bac, mais surtout de taux d'accès d'une génération au diplôme. Cela signifie que ces académies savent garder dans le système scolaire un maximum d'élèves, et à un excellent niveau.
Le taux de réussite au baccalauréat 2009 était de 86,2% sur l'ensemble du territoire français. En 2009, trois académies figurent dans le peloton de tête, avec un taux de réussite de plus de 90% : Nantes, Rennes et Grenoble. En queue, on trouve Créteil (77,7%) et Amiens (82,6%).
La différence bretonne, c'est que l'excellence scolaire ne conduit pas à abandonner les autres sur le bord de la route. Rennes conduit 71% d'une classe d'âge jusqu'au baccalauréat, quand la moyenne nationale est de 65,6%. Et en Picardie seulement de 59,7%.
Une société organisée autour des écoles
Depuis le début du siècle, l'école a été le moyen pour les Bretons d'acquérir les bases du français et d'accéder à une élévation sociale. Les mères et grands-mères ont cherché à « faire entrer dans le capital familial la formation », raconte Bernard Pouliquen, auteur d'un ouvrage bretonnant ( note: bretonnant signifie "qui parle breton" ) , « Construire l'excellence scolaire - l'exemple de la Bretagne ».
« Elle est la reine de la maison, pleinement consciente de sa souveraineté. […] La Bretagne vivait à la maison en la personne de ma grand-mère, et pourtant c'était elle qui m'entretenait de la France. »
C'est dans ses termes que Mona Ozouf, dans son ouvrage « Composition française - Retour sur une enfance bretonne », revient sur la difficile conquête de son identité.
A propos de l'école, elle raconte :
« La France enseignée à l'école était celle que la maison désignait comme notre ennemie héréditaire […], et pourtant elle était aussi le pays qui avait fait […] une marche vers la justice et la démocratie. »
Public-privé, l'embarras du choix
Ce processus historique conduit à organiser la société autour de l'école. En Bretagne, le taux de scolarisation des 16-19 ans, plus fort qu'ailleurs, est lié à l'existence de deux réseaux : celui du public et du privé. Alain Miossec, recteur de l'académie de Rennes, explique :
« Il y a une sorte de zapping. On compte environ 20% d'élèves qui, parfois dans l'année, changent de réseau. Si ce n'est pas bon dans une école, on va aller voir dans une autre, peu importe qu'elle soit catholique. Il y a eu une vrai convergence, et cela tire vers le haut et non vers le bas. »
Autre explication, la formation des enseignants. Avec des appréciations subjectives : Géraldine, professeur des écoles depuis deux ans à Rennes, affirme avoir été « très bien préparée » :
« Les maîtres formateurs ne comptent pas leur temps, on sent qu'il y a un niveau à tenir. »
Et des éléments objectifs : les enseignants bretons sont aussi globalement plus expérimentés, avec quatre à cinq ans d'enseignement de plus que la moyenne nationale, selon Bernard Pouliquen.
Les autres bons élèves
A l'image de la Bretagne, la région Rhône-Alpes présente plutôt de bons résultats scolaires. Les deux régions ont en commun une population plus favorisée que dans le reste de la France et une immigration moindre. Ce qui ne serait pas sans expliquer cette réussite. Mais l'académie de Grenoble affiche un taux de scolarisation des 16-19 ans inférieur à celui de Rennes. Cela est dû au départ de nombreux élèves vers l'enseignement agricole.
L'Alsace, quatrième en termes de réussite au baccalauréat en 2009 (89,6%), présente quant à elle un faible taux d'accès au bac (64,5% en 2009). Soit un point de moins que la moyenne nationale (65,6%). Une part importante des Alsaciens sont traditionnellement réorientés en apprentissage avant le baccalauréat ou redoublent leur seconde, ce qui minore les bons résultats lors de l'épreuve.
Et pourtant, les cerveaux bretons fuient
A l'examiner de plus près, le système éducatif breton présente tout de même quelques points faibles. Notamment au niveau de l'enseignement supérieur, où la fin des études plafonne à bac +2. Ce phénomène, qui se manifeste aussi en Alsace, s'explique par une image des enseignements professionnels plus positive qu'ailleurs. Alain Miossec :
« En BTS et en IUT, ce sont les mêmes types de formation qu'au lycée, avec de petits effectifs et un fort encadrement, et des débouchés. Ce comportement est fortement marqué par une recherche de sécurité face à l'emploi. Nous allons manquer de personnes très diplômées, et c'est ce sur quoi nous réfléchissons. »
Le contre-pied pour les diplômés du supérieur breton : les emplois régionaux sont plus précaires et moins rémunérés qu'ailleurs. Selon un rapport du Cereo de 2003, ils sont nombreux à migrer après la fin de leur cursus pour trouver un emploi, alors que la région Rhône-Alpes semble épargnée par le phénomène.
Rentrer « ar bro » (au pays) (Note: « d'ar vro » )
Mais Alain Miossec, breton d'origine, reste optimiste : « Les Bretons n'ont qu'une envie, c'est de revenir ! » Ce que confirme le taux de retour des 30-35 ans, supérieur à celui des retraités, selon Bernard Pouliquen. Rançon du succès : les jeunes couples, bretons ou non, sont donc nombreux à plébisciter cette région lorsqu'ils sont en âge de mettre leurs enfants à l'école.
(Voir la vidéo de lycéens de Kerichen, à Brest, passant leur examen en breton en 1971)
http://www.ina.fr/video/RXF01025111/or-yez-o-kreski-ar-brezoneg-er-bak-le-breton-au-bac.fr.html link
Photo : une affiche d'époque présente dans les écoles bretonnes au début du siècle.
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Note du blog:
Je voudrais signaler quelques inexactitudes! Pour la langue bretonne : "au pays" c'est " d'ar vro". Pas grave.
Pour le terme "bretonnant", c 'est vrai qu'on l'emploie à toute les sauces, "politiques" entre autres: l'UDB, parti bretonnant. En fait comme "flaminguant" qui parle flamand, il en est venu "grâce" à Jacques Brel, à désigner les gens qui font du prosélitisme politique ou culturel. Un bretonnant, c'est une personne qui parle le breton de naissance, un vieux. Les jeunes qui ont appris s'appellent entr'eux "brittophones" pour se démarquer de ce terme qu'ils trouvent méprisant et qui devait l'être dans l'esprit de ceux qui l'ont répandu . En breton on dit "brezoneger " ,"brezonegerez" au féminin, "brezonegerien" au pluriel.
Plus gênant, l'affiche: il paraîtrait que c'est pour les "négationnistes" républicains, l'un des mythes que le nationalisme breton veut imposer: la destruction programmée de la langue bretonne par la république alors que jusqu'aux années 55 60 jamais l'interdit scolaire n'a empêché de parler à la maison, comme les immigrés actuels . Il n'y en aurait que des copies de ces affiches, pas de trace de l'éditeur original. Autre mythe qui oppose les deux nationalismes: la répression des "martyrs" de la langue (vrais nazis pour les autres) après guerre, alors que personne ne fut poursuivi pour ses idées, mais bien pour ses actes (et peu de peines de mort).
Enfin, il y a un contre sens sur Mona Ozouf. Il faut savoir que le père de Mona Ozouf, Yann Sohier, était un militant breton philo communiste (la politique du
PCF envers bretons et alsaciens a été bien oubliée avec l'adoption du nationalisme, du patriotisme et de Jeanne d'Arc en 1936!) , qui fréquentait tous les nationalistes bretons qui allaient par
la suite être séduit par le fascisme. Ce qui vaut à ce pauvre Sohier des dénonciations ubuesques actuellement, lui qui est mort en 1935! Bref, elle entendait une autre version de "l'Histoire de
France " à la maison, mais elle faisait exception en Bretagne!