Vincent Mouchel
Un chantier expérimental
C'est une première nationale. Dans la campagne du centre-Bretagne, à Brennilis, EDF va déconstruire le réacteur de sa centrale nucléaire expérimentale, à l'arrêt depuis 1985. Il y a trois ans, avant qu'il ne s'attaque au bâtiment du réacteur, le chantier de démolition a été stoppé par un recours d'associations antinucléaires et de protection de l'environnement.
Le Conseil d'État a imposé à EDF d'être plus transparent sur son projet. Du 27 octobre au 11 décembre, EDF a soumis un nouveau dossier à enquête publique. La commissaire enquêteur doit rendre ses conclusions courant janvier.
Les ministres de l'Écologie et de l'Économie se prononceront ensuite sur l'autorisation à reprendre la démolition. Auparavant, la Commission locale d'information, composée d'élus, d'associations et d'experts, et les associations ayant refusé d'y siéger, espèrent obtenir des éclaircissements.
Pourquoi démanteler maintenant ?
Élus et associations estiment qu'EDF n'a pas suffisamment justifié son choix. Sur 1 900 pages de dossier, une seule répond à cette interrogation.
Selon la Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité (Criirad), « la seule étude réalisée par EDF, en 1999, conclut que la meilleure solution est d'attendre quarante ans et non pas de procéder sans délai au démantèlement comme le prévoit le projet ». Avec le temps, assurent les opposants, la radioactivité diminuerait dans l'enceinte du réacteur ; les risques seraient donc moindres.
Le sol est-t-il pollué ?
L'expert mandaté par la commission locale d'information pour étudier le dossier, a relevé d'autres faiblesses. « EDF ne caractérise pas le niveau de pollution des sols et des eaux souterraines », explique Gilbert Pigrée.
Ce à quoi Xavier Petitjean, directeur du site de Brennilis, réplique : « Bien entendu, on va communiquer sur l'état du sol ; mais pour disposer d'éléments, on doit démanteler au préalable. »
Michel Marzin, un ancien délégué du personnel de la centrale, en doute : « En 1997, EDF a réalisé des prélèvements. J'ai eu ces données en main. Et aujourd'hui, EDF assure ne pas les avoir ! » Xavier Petitjean maintient ne pas connaître ces analyses qui n'ont pas été faites, précise-t-il, par EDF.
Que faire des déchets ?
Le démantèlement va produire 375 tonnes de déchets de faible et moyenne activité, qui concentreront 99 % de la radioactivité du site. Or, EDF n'a pas encore de solution de stockage. « Un site intermédiaire est prévu dans l'Ain », expliquent les cadres d'EDF. Sauf que des oppositions locales en empêchent la construction.
En attendant, les déchets radioactifs seront entreposés dans les sous-sols de l'enceinte du réacteur. Une solution qui effraie les élus locaux. Comme Gérard Gwel, conseiller municipal du Botmeur, qui fait remarquer : « Au cas où le site de l'Ain ne se ferait pas, le dossier d'EDF ne présente pas de plan B. »