Pas une seule affiche, à peine une centaine de personnes à la maison de la Chimie ce jeudi soir à Paris pour causer retraites… Le lancement du «programme partagé» du Front de gauche pour 2012 sous forme de «forum» s’est fait dans une ambiance plutôt tristounette. Pour la «dynamique» ou le «bouillonnement» souhaité par le PCF, le Parti de gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon ou la Gauche unitaire de Christian Picquet, il faudra repasser. «C’est un ballon d’essai, un numéro zéro», explique Eric Coquerel du PG. Selon lui, les prochains forums (le 9 décembre sur la VIe République et sept autres initiatives en régions) devraient connaître davantage d’affluence.
Sur la scène, fond noir et fauteuil en velours marron, Jean-Luc Mélenchon est loin du «bruit et de la fureur» traditionnels de ses meetings. Le co-président du Parti de gauche (PG) fait plutôt dans le look du professeur d’université, costume marron, lunettes sur le nez, grattant en permanence des notes en attendant son tour de parole.
Sur les retraites: «Il ne faut pas accepter d’avoir une vision purement comptable de la réforme des retraites. Si on vit plus longtemps, c’est surtout parce qu’on part à la retraite plus tôt!» s’exclame l’ex-socialiste. «On ne peut aujourd’hui se contenter d’attendre 2012», pour faire des propositions sur les retraites, a poursuivi Christian Picquet. Le Front de gauche s’appuie sur celle défendue à l’Assemblée par le PCF et le PG: retraite à 60 ans à taux plein, refus de toute capitalisation ou retraite par points. Et pour financer tout ça, ils proposent de soumettre à cotisation tous les revenus issus du travail, ceux du capital, de développer l’emploi ou encore de charger davantage la part patronale pour les contrats précaires.
La mobilisation sur les retraites terminée, le Front de gauche n’est-il pas un peu à contretemps en débutant son programme sur ce thème? «Le problème reste entier! Les retraites, c’est une question témoin, emblématique à gauche», défend le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent. Soucieux de revenir sur «la portée» de cette série de forum, le successeur de Marie-George Buffet prévient ses troupes et ses partenaires devant une salle à moitié vide: «Si nous ne prenons pas au sérieux le programme partagé, si nous ne sommes pas capables de mobiliser le pays, nous allons assister au spectacle désolant pour la gauche et relancer la machine à perdre face à Sarkozy.»
Mais pour enclencher une dynamique de victoire, le Front de gauche va devoir s’activer. Dans une lettre envoyée fin novembre à ses partenaires, la Gauche unitaire presse ses partenaires de «passer à la vitesse supérieure». «On est un peu dans la routine. On ne se tourne pas assez vers le mouvement social», explique leur responable Christian Picquet. Car question élargissement, le cartel PCF-PG-GU reste loin du «Front populaire du XXIe siècle» tant souhaité.
Au congrès du Parti de gauche, mi-novembre au Mans, Clémentine Autain de la Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase) avait interpellé les trois formations pour y entrer. Mais jeudi soir, les micro-formations autour du Front de gauche (Fase, Alternatifs, République et socialisme, PCOF…) n’avaient pas leur place sur l’estrade. Pour ce qui est des «acteurs du mouvement social», sur les retraites, Marie-José Del Volgo de l’université d’Aix-Marseille, Christiane Marty d’Attac et Henri Sterdyniak du collectif des économistes atterrés sont intervenus à la maison de la Chimie aux côtés des trois chefs de parti et des députés Martine Billard (PG) et Roland Muzeau (PCF).
Reste aussi à trancher entre les deux candidats susceptibles de porter la casaque Front de gauche en 2012. Jean-Luc Mélenchon est toujours le centre d’intérêt des médias et oscille entre 5 et 7% dans les sondages. André Chassaigne, député PCF du Puy-de-dôme sillonne les départements pour défendre son «offre de candidature» et représenter sa «famille politique». «Ne nous laissons pas paralyser par ça», écarte Picquet. Un nom devrait être proposé par les directions des partis au printemps puis soumis aux votes des militants de chaque formation avant juin, date du prochain congrès du PCF.
Mais la semaine dernière, lors du conseil national du PCF, plusieurs voix de responsables communistes se sont élevés contre un soutien de leur parti à une candidature Mélenchon l’estimant «moins rassembleur» ou trop «anti-PS». Pierre Laurent esquive: «C’est une surreprésentation des rapports de forces au sein du parti.»