Sandra Demarcq – Dès le début, on a l’impression d’être tombé dans une faille spatio-temporaire où tout s’est arrêté : il n’y aurait plus de licenciements, plus de misère, ni presque de chômage. Mais si on s’éloigne des deux ténors, on voit que tout cela est malheureusement plus que jamais d’actualité pour la majorité de la population, des salariés. Les mobilisations, certes dispersées, sont là pour le rappeler. Ce sont ces thèmes que nous portons dans la campagne.
C’est sur l’immigration que Sarko se différencie de son concurrent socialiste. Dangereuse, la glissade sur les terres du FN mérite réponse, non ?
Que Sarkozy reprenne des pages entières du programme du FN ne doit pas surprendre au vu de son bilan en la matière. Sa campagne est encore pire que son quinquennat. Le problème c’est que sur l’immigration Hollande n’est pas, disons … pas très à l’aise. C’est très timidement qu’il s’engage sur le droit de vote des étrangers aux élections locales, une promesse mainte fois faite et jamais tenue. Dans notre campagne, à tout le fatras raciste et xénophobe de la droite et l’extrême droite, nous opposons la solidarité internationaliste des oppriméEs en défendant la régularisation des sans-papiers la liberté de circulation et d’installation…
Les tueries de Toulouse et Montauban ont permis à Sarkozy de se poser en shérif providentiel. Est-ce que cela va changer la campagne ?
Ces drames peuvent changer le cours de la campagne. Surtout si Hollande, comme il a commencé à le faire, entre dans le jeu de Sarkozy. Dans un climat d’union nationale où au nom de la lutte contre le terrorisme on avance sur le terrain sécuritaire, c’est toujours la droite et l’extrême droite qui sont gagnantes. Aussi, il est trop tôt pour dire si nous sommes à un tournant mais plus que jamais il faut que les luttes des salariés marquent cette campagne comme elles ont commencé à le faire les mobilisations de Lejaby ou d’Arcelor Mittal.
Mélenchon fait un tabac au son de l’Internationale et de … la Marseillaise. N’est-il pas devenu, « à l’insu de son plein gré », le point de référence de la France d’en bas ?
Le succès de Mélenchon marque la relance d’un courant réformiste de masse. Il s’appuie sur la remobilisation du PCF mais aussi sur de nouvelles forces politiques comme le PG et sur la sympathie de dizaines de milliers de syndicalistes ou d’électeurs de gauche pour Mélenchon. Cette place du Front de Gauche se fonde sur l’illusion de pouvoir, après une série de défaites sociales, « débloquer par l’élection ce qui ne l’a pas été par la lutte ». L’illusion est confortée par la posture d’homme providentiel que se donne Mélenchon, posture si typique de la 5éme république. Mélenchonse nourrit des faiblesses de Hollande, qui inscrit sa politique dans celle de l’Union européenne et n’apparaît pas comme une véritable alternative à Sarkozy.
Dès lors, la campagne du NPA se justifie-t-elle encore ?
Bien évidemment ! Avec le Front de Gauche, nous avons des différences politiques. La plus importante est celle de l’indépendance vis-à-vis du PS. Les positions du Front de Gauche ne sont pas claires : va-t-il participer à une majorité parlementaire avec le PS ? Est-il tenté, surtout du côté du PCF, par des fauteuils ministériels ? Il est impératif de clarifier cette question.
Avec la presse qui donne plus de poids au ralliement de Myriam Martin au
Front de gauche qu’aux propos du candidat Poutou, le NPA est bien mal en point, non ?
Oui le NPA est en crise. CertainEs camarades ont décidé de suivre une autre « voie ». C’est leur choix, mais beaucoup d’autres sont encore là et ne veulent pas quitter. Nous ferons tout pour qu’ils/elles restent : les divergences tactiques peuvent très bien être vécues dans le même parti. Une fois l’élection passée, une nouvelle période s’ouvrira où les anticapitalistes seront plus que jamais nécessaire, surtout si le PS gagne.
Son projet fondateur se justifie-t-il toujours ?
Oui notre projet de construire un pôle anticapitaliste indépendant est plus que jamais justifié par la situation sociale et politique. Nous avons pris il y a trois ans le pari fou du NPA : ce n’est pas aux premières difficultés qu’il faut jeter l’éponge…
Interview Paolo Gilardi