C’est ce qui s’appelle vouloir reprendre la main. Après avoir vu - et revu - Jean-Luc Mélenchon parcourir les plateaux télés pour la sortie de son livre «Qu’ils s’en aillent tous», les communistes repointent le bout de leur nez: meeting à Paris lundi dernier avec Pierre Laurent, le nouveau secrétaire national, Marie-George Buffet et André Chassaigne, candidat à la candidature Front de gauche pour 2012; invitation mardi de ce même Chassaigne par les communistes de la RATP.
«On a besoin de remobiliser les troupes», explique-t-on au siège du parti, place du Colonel Fabien. Car après les cartons d’audience de leur camarade du Parti de gauche (PG) — 3,7 millions de téléspectateurs à l’émission de Michel Drucker «Vivement Dimanche» et un livre déjà tiré à plus de 50 000 exemplaires —, il y a grand besoin chez les communistes de refaire exister l’étiquette PCF.
La base et les cadres craignent de voir leur parti éclipsé par Jean-Luc Mélenchon et l’attelage du Front de gauche vampirisé par la personnalisation de l’ex-PS. «La force du Front de gauche sera collective ou ne sera pas, a prévenu Pierre Laurent, lundi soir, devant les siens et sous les applaudissements. Pas de femme ou d’homme providentiel chez nous mais des candidats respectueux du contrat partagé que nous construirons avec les citoyens».
Surtout, le «populisme» «assumé» de Jean-Luc Mélenchon agace. Pierre Laurent a envoyé un premier coup de semonce: «Le populisme ne peut pas être la construction du Front de gauche, a-t-il glissé en marge du meeting. Nous sommes en train de tourner ensemble ce bref épisode.»
Le président du Parti de gauche a d’ailleurs eu son homologue communiste il y a quelques jours au téléphone, conscient de l’inquiétude des cadres PCF.
Mais ne voulant pas de «polémique stérile», Pierre Laurent préfère embrayer sur la «construction populaire et citoyenne qui parie sur l’intelligence» pour préparer 2012. La direction du PCF souhaite ainsi relancer – ou plutôt entamer - le «programme partagé» du Front de gauche pour 2012: «Réseaux», «espaces citoyens», «forums» dont le premier devrait se tenir fin novembre, début décembre.
Mais toutes ces initiatives sont annoncées depuis des mois, sans grandes illustrations concrètes, si ce n’est les mobilisations communes dans les cortèges contre la réforme des retraites.
Et si Jean-Luc Mélenchon n’entend pas le message, la carte André Chassaigne pourrait être jouée davantage par la direction du PCF. Il n’est pas candidat «officiel» mais il fait consensus dans les rangs communistes. Ses discours s’adressent déjà à «la France qui veut changer d’ère», celle «des ouvriers» et «des paysans», «à l’ensemble des travailleurs». Et le message rassure les troupes.
Lundi, au meeting parisien gymnase Japy, tous les militants interrogés, parmi quelque 800 personnes, plaidaient pour une candidature de celui qui a réalisé en Auvergne le meilleur score national d’une liste Front de gauche au premier tour des régionales (14,26%). «On veut un candidat unitaire qui ne soit ni populiste, ni égoïste, explique Bruno, 47 ans. Chassaigne a des élans populaires dans le bon sens du terme.»
Mélenchon? «Il porte des valeurs que j’apprécie mais je ne veux pas qu’il fasse passer son intérêt personnel avant celui du Front de gauche», poursuit ce militant de Champigny-sur-Marne. «Ce côté agressif, sans aller sur le fond, ça me dérange», explique Rodolphe, 33 ans, adhérent à Suresnes.
«Chassaigne apporte une vision du PCF qui me plaît, poursuit Nicolas, militant à la Jeunesse communiste en Seine-Saint-Denis. C’est un élu de terrain, proche du peuple, qui a le souci de la démocratie. Mélenchon a de bonnes idées mais ce n’est pas une bonne chose que ce ne soit pas un candidat du PCF qui représente le Front de gauche alors que nous sommes la formation majoritaire. Si les militants PCF veulent que ce soit Chassaigne, ce sera Chassaigne», tranche-t-il.
Choisi au printemps par les formations politiques, le candidat du Front de gauche sera soumis à l’approbation des militants des différents partis. Pour les communistes, le vote est prévu en juin 2011, au prochain congrès.