blog du Npa 29, Finistère
Ce samedi soir, en début de soirée, Jean-Luc Mélenchon quitte à la hâte le pot offert aux invités, pour rejoindre, le visage fermé, le premier rang de la salle où se tient le congrès du Parti de gauche.
Avant qu’il ne revienne à son siège, l’assistance criait : « Démocratie ! Démocratie ! » Objet de la rébellion : la remise en cause de la procédure d’élection du nouveau bureau national (BN) du PG. La méthode, une liste de soixante noms proposés par une nébuleuse commission de désignation, irrite les délégués. La possibilité laissée de rayer les noms de la proposition dirigeante, afin de voter par la suite pour un des 55 recalés, ne les a guère apaisés.
« Au final, 80% des bulletins ont été panachés, mais la liste reste quasiment la même », explique Eric Coquerel, l’un des proches de Mélenchon. Avec ce système, il était quasiment impossible statistiquement qu’il en soit autrement.
D’autres réactions de la salle ont montré que la base militante du PG ne vivait pas si bien qu’annoncé la caporalisation du débat interne, sur l’air du « On est tous d’accord de toute façon ».
Les statuts obligent en effet à fédérer 20% du conseil national pour pouvoir déposer un texte alternatif, préalable à la création d’un courant… Dans le bus nous emmenant au Parc Expo de Bordeaux, un jeune délégué disait son amertume : « J’ai quitté le NPA et je le retrouve ! ». Il digère mal le fait qu’il suffise « que Mélenchon remette en question l’euro, et tout le parti est engagé d’un coup » (lire ci-dessous notre autre reportage : « Pourquoi Mélenchon choisit l’escalade »).
Le rajout d’une liste de noms « symboles de l’oligarchie » dans le texte d’orientation du congrès (Anne Lauvergeon, Jean-Pierre Jouyet, Laurent Joffrin…) a aussi soulevé de vives réactions. Bien que défendue par la direction du parti, cette dernière a été mise en minorité par le vote des délégués.
Même si François Delapierre avait été ovationné quand il avait longuement détaillé cette liste dans son discours introductif, durant le débat, les critiques ont fusé. Comme celle de ce délégué, exprimée au micro sous les applaudissements : « On ne veut pas une liste noire de gens à abattre la révolution faite ». « Certains n’en voulaient pas, d’autres trouvaient que la liste n’était pas assez exhaustive… Les deux ont voté contre », explique l’élue parisienne Danielle Simonnet.
« On est passé en 5 ans de 4 500 militants à 12 000, avec un fort renouvellement et des niveaux de discussion et de mémoire différents entre militants d’un même parti, explique de son côté Alexis Corbière. Tout se remet en débat un peu tout le temps… » Même topo chez Eric Coquerel : « Cela montre que le PG n’est pas un parti-carcan, verrouillé, comme le disent nos détracteurs ». Lui se félicite de ce qu’il nomme « un parti-assemblée générale », et rappelle que contrairement à des partis comme le PS ou le PCF, « il n’y a pas de congrès départementaux, donc pas de filtre préalable. Les militants sont directement issus de leurs comités, et s’expriment pour la première fois au congrès ».
Stéphane Alliès
Bordeaux, de notre envoyé spécial
Le tribun, sa tribu et son tribut. Jean-Luc Mélenchon a profité du congrès de son Parti de gauche (PG), ce week-end à Bordeaux, pour durcir le ton et franchir un palier.
Fidèle à ses intuitions s’inspirant des événements internationaux pour faire évoluer sa stratégie, le candidat du Front de gauche à la dernière présidentielle a récemment regardé de près les élections italiennes.
Deux jours avant le scrutin transalpin, il nous confiait à la fin d’une conférence de presse, à propos de la coalition de la gauche radicale Rivoluzione civile : « Ils sont passés à côté de la fonction tribunitienne, qui est au cœur de la période pré-révolutionnaire que nous vivons et cela ils ne le comprennent pas. »
Au bout du compte, cette gauche de la gauche italienne n’a pas un élu, voyant son électorat s’en aller chez Beppe Grillo. Mélenchon encore : « Le débat sur le populisme, le style et le ton d’une campagne, c’est essentiel pour ne pas le laisser à d’autres. Résultat, ils sont entre 4 et 6 %, quand Grillo est à 15-20 %. Soit la différence qu’il y avait entre Marine Le Pen et moi un an avant la présidentielle. »
Après s’être mis sous le signe du « bruit » et de la « fureur » lors du dernier congrès de son « parti-creuset » (une autre façon de dire « avant-gardiste ») en 2009, Mélenchon revient et renforce sa stratégie tribunitienne, celle du parler « cru et dru ». « Il est des colères qu’il convient d’épouser à temps », a répété Mélenchon face à la presse ce week-end. Sans s’en cacher, lui et ses proches admettent vouloir chercher le FN sur son terrain. « Nous sommes en colère, et nous sommes la colère, résume l’élue parisienne Danielle Simonnet, proche de Mélenchon. Soit celle-ci s’adosse à la guerre de tous contre tous, dans une logique libérale favorisant le FN, type milices anti-roms. Soit elle renforce la conscience de classe au profit de la vraie gauche qu’on incarne, type radicalisation des mouvements sociaux. Le conflit crée de la conscience. Donc on assume le conflit. »
Mais cette fois-ci, la gauche est au pouvoir. Et le FN n’est plus la cible immédiate.
Comme l’on aime à répéter au PG, « à la fin, ça se terminera entre eux et nous ». « C’est vrai que pour l’instant, ce ne sont pas nos forces qui ont la main, reconnaît Mélenchon. C’est aussi le fruit de la confusion actuelle entre la droite et l’extrême droite… » Mais comme toujours pour lui, tout peut changer du tout au tout en un instant, convaincu que l’autre gauche peut parvenir au pouvoir en Europe, tel le premier grade d’un processus à la sauce latino, dont il partage le vocable et l’outil : la « révolution citoyenne ». « Tout dépend où ça craque en premier, dit Mélenchon. Si c’est en Grèce, on a la main… » Le bras droit François Delapierre se rassure aussi comme il peut : « Au Portugal, en Espagne, en Italie, l’extrême droite n’a pas la main. »
Tout à sa volonté de « passer devant le PS », Mélenchon hausse le ton vis-à-vis de ses anciens camarades socialistes, et dézingue les ministres les uns après les autres, à coups d’expressions parfois travaillées et touchant juste, parfois dépassant la ligne rouge (Moscovici traité de « salopard » par François Delapierre, soutenu ensuite par Mélenchon, dans un numéro qui aurait dû être bien rodé). Le risque, en soufflant sur les braises, c’est qu’on se brûle parfois. Et que l’on voit son message politique perturbé par une polémique inattendue, qui l’a rendu pendant 24 heures coupable d’antisémitisme à l’égard de Pierre Moscovici (Lire nos billets de blog, ici : http://blogs.mediapart.fr/blog/step... et http://blogs.mediapart.fr/blog/step...)
Face à la situation politique actuelle, Mélenchon ne cache pas sa confiance en soi. Sur son blog, il assène : « Tout se passe comme prévu et la suite sera de même. Le pronostic et la ligne stratégique contenue dans le slogan “Qu’ils s’en aillent tous”, tiré de l’étude des leçons de la vague démocratique en Amérique latine, qui a guidé ma campagne présidentielle, sont confirmés dans toutes les langues de l’Europe du sud. » Contrairement à la dernière législative à Hénin-Beaumont, et son élimination au premier tour face au PS et Marine Le Pen, Mélenchon a de nouveau du temps avant sa prochaine échéance électorale, les européennes de juin 2014.
Alors, il peut rejouer au stratège tacticien, afin de se réimposer dans le champ politique. Et aussi donner libre court à son « éco-socialisme » à lui, qui mélange écologie et républicanisme. Il y a presque deux ans, lors d’un entretien à Mediapart, Mélenchon avait eu cette phrase : « La place de l’État-nation dans la lutte internationaliste, ça a encore un sens (…) la résistance s’inscrit aussi dans le fait national. » D’où le questionnement sur l’euro, l’une des nouveautés théoriques qui a rythmé les discussions du week-end de congrès.
* MEDIAPART 25 MARS 2013 | http://www.mediapart.fr/
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http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article28317
Commentaire: Ni dieu?, ni césar?, ni tribun?