12 novembre 2010 - Le Télégramme
Deux ans après avoir brillamment soutenu sa thèse, le Quimpérois Gilles Simon en publie une version grand public «Plogoff. L'apprentissage de la mobilisation sociale». Un décryptage clairvoyant d'une page d'histoire.
C'est l'aboutissement d'un long travail?
Dix ans. Je suis professeur au CFA de Cuzon. Je voulais m'investir dans un projet de long terme. J'ai choisi le combat contre la centrale nucléaire à Plogoff, car
bizarrement, il n'y avait pas de synthèse sur le sujet. J'ai soutenu la thèse en décembre2008 à l'université de Rennes 1 et j'ai obtenu la plus haute mention: très honorable avec félicitations du
jury.
Quel messageressort de ce combat antinucléaire?
L'action collective peut payer si les conditions sociopolitiques sont réunies. Ces conditions ici étaient aussi bien le tempérament capiste que les enjeux
économiques. Il faut se rappeler que le mouvement s'est inscrit dans la durée, de 1975 à 1981.
Les conséquences ont été durables?
Pour les anciens de Plogoff ce combat est resté un modèle pour leur vie. Pour d'autres comme les manifestants de l'hôpital de Carhaix en 2008, l'exemple a aussi été
explicitement revendiqué. Ce fut une école de la lutte sociale pour beaucoup de gens, dont les écologistes, qui ont ensuite développé un travail de terrain.
Vous insistez aussi sur la place des médias?
Un événement n'est jamais brut mais construit par ses acteurs puis par les médias. Dans les pages nationales des quotidiens, l'information était institutionnelle et
donc plutôt pro nucléaire, alors que dans les locales les deux courants apparaissaient. Pendant l'enquête publique des journalistes ont pris clairement position contre la centrale. En même temps
quand tardivement EDF a amélioré sa communication, elle pouvait aussi être entendue.
Autre sujet analysé: la violence?
Il y a l'idée que l'enquête publique a été très violente. Pourtant il me semble que tout a toujours été contrôlé autant de la part des opposants que des policiers.
Les écologistes politiques se revendiquaient non-violents. Il y a eu tout un travail pour calmer les plus virulents, la conscience qu'il fallait une limite.
Vous décrivez les motivations des Capistes?
Il y a eu clairement un esprit «pas dans mon jardin» au départ. À l'époque, le Cap était encore très peuplé, avec un esprit collectif très fort. C'est un peu le
même que l'on a vu resurgir sur le dossier du Parc Marin. Y avait-il une dimension raciste? En fait, quand on parlait de l'étranger, cela commençait à Quimper. À Plogoff, il y a eu ensuite un
lien entre cette résistance de la population et les préoccupations des écologistes. Ce qui n'a pas été le cas dans d'autres luttes antinucléaires.
Il y a eu une rupture en 1981?
Plogoff c'est aussi l'effet d'une jeunesse très politisée. L'engagement a ensuite changé. Il y a eu la déception de la gauche au pouvoir. Alors que le moment était
propice pour investir dans des projets alternatifs soutenus par nombre d'élus, le gouvernement socialiste n'a rien fait. On n'en serait sans doute pas aujourd'hui à
imaginer une centrale électrique à Guipavas, si les promesses avaient été réalisées.
- Recueilli par Ronan Larvor