blog du Npa 29, Finistère
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Ni « Marées citoyennes », ni « Plateformes contre l’austérité ». « Que la Troïka aille se faire foutre » (en portugais : « Que se lixe a troika », NdT). Directement.
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C’est avec ce nom explicite qu’un collectif citoyen formé par des dizaines de personnes est parvenu à mobiliser à plusieurs reprises des centaines de milliers de Portugais depuis le mois de septembre dernier dans l’intention de renforcer la lutte contre l’austérité. « Il ne suffit plus de dire ce que nous ne voulons pas, il faut désigner les coupables de tant de souffrances, qui sont le FMI, la BCE et la Commission européenne », affirme Joao Camargo, membre de l’organisation.
Les coupes imposées par le gouvernement conservateur de Passos Coelho jettent dans la pauvreté une grande partie de la population portugaise. Les écoles ont dénoncé le fait que près de 10.000 enfants arrivent dans les établissements scolaires avec la faim au ventre. Après les mobilisations massives, « Que se lixe a troika » estime qu’il faut faire un pas en avant et coordonner la lutte dans tous les pays du sud de l’Europe. Dans le but de réaliser un premier rapprochement, trois membres de l’organisation - Joao Camargo, Luisa Ortigoso et Helena Dias – sont arrivés ce week-end à Madrid pour se réunir avec des représentants des « Marées citoyennes ». Rien n’est encore décidé, mais ils préviennent qu’il faut se dépêcher : « Il est urgent que nous donnions une réponse conjointe ». (lamarea.com)
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Quelle est la nature de votre collectif « Que se lixe a troika ? » et comment est-il né ?
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Luisa Ortigoso: Nous sommes un groupe très hétérogène. Certains sont membres de partis, d’autres non ; certains sont membres de syndicats, d’autres pas ; certains travaillent, d’autres pas ; il y a des étudiants, des jeunes et des moins jeunes, comme tu peux le voir ici (rires). On a de tout.
Joao Camargo : Le collectif est né au moment de la cinquième évaluation de la Troïka, en septembre 2012. Nous voulions faire une protestation ayant un objectif politique basé non seulement sur le fait de dire que l’austérité est une mauvaise chose, que le gouvernement est mauvais, mais aussi pour indiquer clairement qui sont ceux qui tirent les ficelles, qui nous obligent à prendre ces mesures. Autrement dit, notre adversaire est la Troïka. Dans le collectif, nous provenons de nombreux mouvements, partis et syndicats, mais nous y participons de manière individuelle. Nous avons commencé avec à peu près 30 personnes, dans le but de préparer une manifestation le 15 septembre dernier.
Cela faisait plusieurs mois que rien ne se passait. Tout était très calme, avec uniquement quelques actions ponctuelles. C’étaient des activités importantes, mais il n’y avait pas un mouvement massif dans la rue, au niveau national. Le 15 septembre fut la première grande mobilisation, la plus grande manifestation dans le pays depuis celle du 1er Mai 1974, juste après la Révolution des Œillets. Ce fut une date très importante puisque le gouvernement a du reculer par rapport à plusieurs mesures annoncées. Cependant, il les a remplacées par d’autres.
L.O. : Ensuite, le 13 octobre, nous avons organisé une manifestation culturelle, avec des spectacles, de la musique, des bals, pendant huit heures sur la Place d’Espagne à Lisbonne. Avec la place remplie de monde pendant des heures, avec les médias retransmettant en direct. Ce fut important. C’était une manière de dire que nous ne voulions pas de ces politiques, que nous ne voulons pas de la Troïka. Maintenant, le collectif est composé de 120 personnes. Nous y sommes tous à titre individuel et il est clair pour tous que nous ne représentons personne. Nous sommes là pour revendiquer et motiver le peuple.
Vous êtes-vous organisés également en « marées » (marches représentants différents secteurs en lutte et qui convergent ensuite en une seule manifestation ou rassemblement, NdT) ?
L.O. : Lors de la dernière manifestation, le 2 mars dernier, nous avons essayé cette forme d’organisation de la manifestation, avec une marche de l’éducation, une autre de la santé, une féministe, une pour les pensionnés (au Portuga, on appelle ces derniers la « marée grise »), etc. Mais il se fait qu’il y avait tellement de monde que ces marées se sont un peu diluées !
Où en est le mouvement après plusieurs mois de mobilisation ?
J.C. : Il est en train de croître. C’est ce qui s’est passé lors de la dernière manifestation, qui a été encore plus massive que celle du 15 septembre. Et pourtant, ils avaient tout tenté pour qu’elle soit plus petite ! Le gouvernement devait présenter un paquet de mesures d’austérité, dont une coupe de 4 milliards d’euros, mais il a retardé l’annonce et il continue encore à le faire aujourd’hui. On a également tenté de convaincre les gens qu’il s’agissait d’une manifestation contrôlée par des partis politiques, parce que le collectif « Que se lixe a troika » a été rejoint par des membres du Bloc de Gauche, du Parti Communiste Portugais et même des gens du Parti Socialiste - mais ces derniers sont très minoritaires au sein de leur formation, qui est en faveur de la Troïka et de l’austérité. Enfin, on a également tenté de convaincre les gens que la manifestation allait être violente.