8 septembre 2012
C'est un préfet particulièrement réceptif qui a répondu, hier matin, dans un hangar de Gourlizon, à l'appel à l'aide des producteurs de lait. Jean-Jacques Brot a dit partager l'angoisse des agriculteurs, au moment crucial des débats sur la Pac.
Gwenaël Le Berre, le président départemental de l'Association des producteurs de lait indépendants
(Apli), et Christian Hascoët, militant actif de Guengat, se sont partagé les rôles pour dire la détresse de la filière. Au premier, la démonstration, tableaux à l'appui, au second le cri du
coeur, appuyé par une cinquantaine de producteurs dans la ferme de Troneoly à Gourlizon.
«Pantois»
«Les producteurs sont étranglés, explique Gwenaël Le Berre. Le prix du soja, porté par les spéculateurs, a été multiplié par deux depuis l'été 2011. Le coût de la
ration alimentaire pour l'animal a augmenté de 31% depuis l'an passé, cela représente une perte de 26 € pour 1.000 litres de lait, dont nous tirons uniquement 60€
de bénéfice. À cela, il faut ajouter l'augmentation des carburants et autres charges». C'est dans ce contexte tendu que les coopératives ont annoncé fin août une baisse du prix d'achat du
lait. «Certains courriers des coopératives aux éleveurs laissent pantois», dira le préfet du Finistère.
Lait et vin même combat
«Cette situation est la conséquence d'un refus de gérer les volumes du marché laitier, estime Christian Hascoët. Nous demandons une régulation pragmatique des
volumes avec une baisse de la collecte quand la production est trop importante. Or, nous sommes confrontés à une régulation idéologique du marché qui implique l'élimination des plus faibles». Il
égratigne les coopératives devenues de simples collecteurs de lait». «Elles n'ont pas de stratégie commune pour sécuriser le marché», regrette Gwenaël Le
Berre.
La grande distribution peut dicter ses conditions. L'Apli estime que la sortie se fera par une régulation au niveau européen. Gwenaël Le Berre s'appuie sur les
récents propos du ministre de l'Agriculture. «L'absence de tout dispositif de régulation du potentiel de production, et donc de l'offre, serait préjudiciable pour
la France», a-t-il reconnu devant... les viticulteurs qui s'inquiétaient de la suppression des droits de plantation pour 2015. La même année, les quotas laitiers seront aussi
supprimés.
Point de non-retour
«Nous sommes arrivés à un point de non-retour, insiste Christian Hascoët. Deux tiers des producteurs laitiers de plus de 50 ans n'ont pas de successeurs. Il y a
2.800 producteurs dans le Finistère et il y a eu seulement 43 installations en 2011». Or une exploitation laitière génère en moyenne huit emplois. Jean-Jacques Brot a dit partager l'angoisse
grandissante qu'il constate sur le terrain, reprenant la crainte exprimée en début de semaine par la FDSEA de «végétalisation», c'est-à-dire de disparition progressive de l'élevage en Bretagne.
Devant la situation grave dans l'aviculture, il a pointé «lerisque de désertification» de territoires à court terme, tant l'économie finistérienne est liée à la production animale.
Manif à Bruxelles
Alors que la nouvelle Politique agricole commune va être débattue à Bruxelles, les producteurs de lait bretons de l'Apli, aux côtés
des militants des Amap (associations pour le maintien d'une agriculture paysanne), des Consomm'acteurs et autres associations citoyennes manifesteront à Bruxelles
le 19 septembre pour une agriculture «plus équitable, plus verte et plus humaine».
- Ronan Larvor