Dans la continuité de déclarations des ses dirigeants depuis des mois, "l'offre" que vient d'adresser le Conseil national du PCF pour les régionales au-delà des apparences, est bien socialo-compatible.
Si la résolution votée indique que les listes «front de gauche élargies» ouvrent «un autre choix à gauche que celui porté par le PS ou Europe-Ecologie», elle contredit cela de plusieurs manières.
D'abord en précisant que les listes seront autonomes «partout oùles conditions peuvent en être créées», des conditions que les communistes examineront «région par région».
Ainsi, l'offre nationale, faite d'abord aux militants communistes, risque de déboucher sur une politique à géométrie variable.
Pour savoir dans combien de régions le PCF contractera des accords unitaires de premier tour avec le PS, il faudra attendre la fin du vote des militants intervenant après la mi-novembre. Dans les coulisses du PCF, on annonce un minimum de quatre à cinq régions, certains allant jusqu'à pronostiquer 10 à 12, soit plus de la moitié.
Mais si l'ambiguïté de «l'élargissement» du front de gauche demeure, cela renvoie à une orientation de fond, condensée dans l'appréciation du bilan des 18
«majorités de gauche sortantes» auxquelles le bilan du PCF participe, certes qualifié de «contrasté», mais qui aurait «permis dans un grand nombre de régions de réelles
avancées pour le quotidien de milliers de femmes et d'hommes».
Rengaine somme toute assez classique qui consiste à peindre en rouge les politiques d'union de la gauche dans les régions ou au gouvernement et à n'entrevoir d'issue politique que dans la cogestion aux côtés des dirigeants socialistes.
Une politique maintes fois expérimentée, avec le succès que l'on sait pour le «quotidien» de millions de travailleurs et de jeunes. Si la tentation de l'alliance PS/Modem est pointée du doigt, il n'est dit nulle part dans le texte que les dirigeants socialistes évoluent tellement vers la droite que leur programme est tout à fait compatible avec celui de Bayrou.
Logiquement, les objectifs fixés sont ainsi de «réunir les conditions de majorités régionales de gauche». Entendez, comme le dit Marie George Buffet en boucle sur les ondes à ceux qui n'auraient pas bien compris, avec le PS. En revendiquant que les listes unitaires adoptent «de façon claire» cette exigence, le PCF en fait un préalable à tout accord unitaire.
Le but de la manœuvre est de rompre les discussions avec le NPA en cherchant à lui faire porter le chapeau. Le PCF a participé en trainant des pieds à la première
réunion unitaire proposée par le NPA et n'a donné aucune publicité à la déclaration commune qui en est sorti.
Il n'a pas voulu signer le compte rendu de la dernière réunion pourtant acté par tous les autres participants. A l'entame de son CPN, un des ses principaux dirigeant, Pierre Laurent, a indiqué que la prochaine réunion unitaire serait la dernière...
Le NPA n'acceptera pas de rentrer dans le rang. Mais il ne veut acter la prise de position du PCF comme la fin du processus unitaire. Le NPA fait une autre proposition adressée à l'ensemble des composantes.
Il reste à voir quelle sera la réaction des sept autres mouvements engagés. Pour le moment Jean-Luc Mélenchon «approuve la formule du texte communiste».
Cela contredit ses déclarations précédentes et celles de son parti, les diverses déclarations unitaires, où l'on disait ne pas vouloir faire de la question de la
participation aux exécutifs de région avec les socialistes un préalable et de l'indépendance vis à vis du PS une base de départ.
Il serait tout de même paradoxal que ce parti, dont beaucoup de dirigeants et de militants sont issus du PS, se voie finalement ramené dans son giron un an après...
Unité de la gauche radicale ou unité avec le PS, il faut choisir.
Frédéric Borras
"Les communistes français de 1956 à nos jour"s par Bernard Pudal
Bernard Pudal figure désormais parmi les principaux spécialistes de l’histoire et de la sociologie du PCF.
Dans son dernier ouvrage, il se penche sur l’après-1956. Il prend le temps de se distancer à la fois des nostalgiques, qui souhaitent réhabiliter la part présumée non stalinienne de l’histoire du PCF, et des anti-communistes qui souhaitent entériner l’échec du projet communiste lui-même.
Il indique également à quel point la crise du PCF se nourrit de lourds paramètres exogènes, du point de vue des rapports de forces sociaux et politiques.
Il s’attache à décrire, dans le cadre de l’aggiornamento consécutif à la mort de Staline, la tentative de refonder les bases intellectuelles du parti tout en maintenant les intellectuels communistes sous contrôle, ce qui implique à la fois une prise de distance progressive de nombre d’entre eux avec le PCF et une reprise en main brutale par l’appareil dirigeant des outils d’élaboration théorique.
Il aborde également la nouvelle stratégie d’union de la gauche, conçue sur le modèle du Front populaire, qui attire au PCF, notamment dans l’après-68, des
militants venus des classes moyennes séduites par ce projet.
La combinaison de cette mutation sociologique profonde avec la rupture du programme commun en 1977 amène ensuite le PCF à une « politique de survie bureaucratique », sans repères stratégiques mais avec une politique interne visant à éliminer toute opposition.
Dès lors, le désarroi militant s’étend dans les années 1980, encore aggravé dans l’après 1989-1991 puis par les échecs électoraux des années 2000. L’auteur ne
semble pas considérer que les tentatives mises en place par Robert Hue puis Marie-George Buffet pour redéfinir le PCF puissent l’enrayer.
Il faut lire Pudal pour mieux comprendre la crise du PCF, mais aussi pour mettre en perspective les difficultés inhérentes à la construction d’un parti souhaitant offrir aux dominés un outil qui soit véritablement le leur.
Jenny Simons
Editions du Croquant, 215 pages, 18 euros