blog du Npa 29, Finistère
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«Les semailles de la Grande-Bretagne»
«Une aire goudronnée et entourée de barbelés et d’acier est le seul panorama qu’offre la fenêtre de ma cellule. On me dit que c’est la cour d’exercice. Comment voulez-vous que je le sache? Cela fait quatorze mois que je suis au bloc H et je ne suis pas sorti une seule fois prendre un bol d’air frais. Aujourd’hui, je suis en «isolement cellulaire». Cela m’arrive trois jours par quinzaine et on m’enlève mon seul bien, trois couvertures et un matelas, pour me laisser une unique couverture et un pot de chambre.
On me laisse ainsi passer la journée, de 7h30 jusqu’à 20h30. Ce que je fais dépend du temps. S’il fait assez chaud, je peux m’asseoir par terre, fixer les murs blancs et passer quelques heures à rêver. Mais autrement, je dois passer la journée à tourner continuellement en rond dans la cellule pour empêcher le froid de me pénétrer jusqu’aux os. Même après le retour de ma literie à 20h30, il faut plusieurs heures avant que la circulation revienne dans mes pieds et mes jambes.
Il y a très peu d’autres moyens de passer le temps et j’ai donc de nombreuses heures de réflexion et de contemplation : les bons moments et les mauvais, ce qui m’a amené ici, mais, surtout, pourquoi je suis ici. Pendant les moments de faiblesse, j’essaie de me convaincre que l’uniforme de la prison et l’acceptation du règlement ne seraient pas si mal. Mais la volonté de résister brûle trop fort au fond de moi.
Accepter le statut de criminel reviendrait à me dégrader et à admettre que la cause que je soutiens est mauvaise. Quand je pense à tous ceux qui ont sacrifié leur vie même, mes souffrances paraissent insignifiantes. Il y a eu de nombreuses tentatives pour casser ma volonté, mais chacune renforce ma détermination à tenir bon. Je sais que ma place est ici avec mes camarades.
Je pense à la seule coupure dans la monotonie, les quarante minutes que je passe à la Messe le dimanche – «tendez l’autre joue», «aimez votre prochain» – et je me pose des questions, car au fil des mois je sais que je suis devenu de plus en plus amer. Il y a maintenant en moi une haine si intense qu’elle me fait peur.
Je la vois aussi sur le visage de mes camarades à la Messe : je vois la haine dans leurs yeux. Un jour, ces jeunes seront pères et ces attitudes seront transmises inévitablement à leurs enfants.
Voici les graines que la Grande-Bretagne a semées : ses actes finiront par sceller le sort de son règne en Irlande.
C’est effrayant de voir des hommes déjà vieux à dix-huit ou dix-neuf ans. Des jeunes, forts et sains de corps et d’esprit il y a un an, qui ressemblent à des coquilles rétrécies d’êtres humains. Chaque facette de la vie des blocs H a le même but : user notre résistance. Les cellules froides et vides, le manque du moindre confort et le refus de soins médicaux : l’objectif est la répression, mais ils n’y arriveront pas.
Ils auront beau retenir notre corps dans les conditions les plus inhumaines, tant que notre esprit restera libre, notre victoire est assurée! »