139 postes supprimés à Lannion, dont la moitié en R & D: hier, le contour du nouveau plan social a ravivé les craintes au sujet de l'avenir du site trégorrois. L'appel à la mobilisation de tout un territoire est lancé.
11h15, hier matin, sur le plateau télécom lannionnais. Devant l'entrée principale du site Alcatel-Lucent, transformée en paisible barricade depuis 6h du matin, la
moitié des 861 salariés se serrent les coudes autour d'un brasero de palettes. Le contour du plan social, site par site, doit tomber d'un instant à l'autre. Café, crêpes, bavardages... Chacun
trompe la tension comme il peut. Au nom de l'intersyndicale, Claude Guennoc (CFDT) se saisit tout à coup du micro. Il vient d'avoir des nouvelles de Vélizy où se tient le comité central
d'établissement. Les Goristes, dans la sono gouailleuse, la mettent aussitôt en veilleuse. Le verdict tombe. Cinglant. «139 postes à Lannion sur un total de 861, soit 16% des effectifs». Les
chiffres résonnent dans les têtes. Treize suppressions aux ressources humaines, onze pour le pôle financier, 50 au service cli-ent... 65 pour la recherche et développement: l'annonce jette un
sérieux froid.
Frappé au coeur
«La R & D est touchée alors qu'en juillet la direction avait assuré qu'elle ne le serait pas. Notre force d'innovation est menacée et cela compromet l'avenir des
salariés en France et en Europe.» Dans les rangs des grévistes, on accuse le coup. «La R & D, c'est notre noyau dur, notre coeur de métier», résume un salarié incrédule face à la stratégie de
la direction.
«Inacceptable»
Au micro, Claude Guennoc exhorte les troupes à se rebeller: «Tous les salariés sont mobilisés contre ce plan inacceptable». Saluant d'anciens collègues, Joël Le
Jeune, président de Lannion-Trégor Agglomération et retraité d'Alcatel, ne mâche pas davantage ses mots. «Si Alcatel faiblit et disparaît, ce sera une catastrophe pour le Trégor. Ce qui se passe
en ce moment est le résultat d'une politique reposant sur des choix industriels inacceptables. Nous ne pouvons accepter la mort lente d'Alcatel», tance l'élu qui, avec la Région, le Conseil
général des Côtes-d'Armor et la députée PS Corinne Erhel, appelle lui aussi à la mobilisation générale. Au premier rang, les salariés de l'aéroport acquiescent. Solidaires du mouvement, ils
craignent que le déclin d'Alcatel-Lucent - deuxième plus gros client industriel de la piste- n'entraîne d'autres dans la chute. Tous concernés? Forgés par une histoire sociale dense, ces 30
dernières années, les syndicats préparent les salariés à monter à Paris le 6décembre. «Un autre jeudi noir» qu'ils entendent marquer d'une pierre blanche.
- Marina Chélin et Arnaud Morvan