Ici, sur 5,5 hectares, elle élève vingt brebis, deux vaches, deux cochons. Fait pousser quelques légumes et produit du fromage et du yaourt qu'elle vend sur le marché. Ce serait le bonheur... si ses frères et soeurs ne s'étaient mis en tête de vendre les bâtiments, manifestement pour un projet immobilier. Ils ont intenté diverses actions en justice. Et voilà Yveline menacée d'expulsion.
La bergère s'est installée dans la ferme familiale en 1996 pour s'occuper de ses vieux parents. Elle a monté sa petite exploitation avec, assure-t-elle, l'accord de ses frères et soeurs. Une activité à taille humaine lui laissant la possibilité de s'occuper, trois mois par an l'été, d'un troupeau dans les Alpes.
Pourtant, pour le tribunal, ce n'est pas assez. Un premier jugement l'année dernière a condamné la MSA qui l'avait affiliée : « La justice a nié mon activité agricole pour la raison qu'elle serait négligeable. Pour eux, mes brebis, mon fromage, c'est farfelu. » Dernièrement, le tribunal des baux ruraux a aussi ordonné son expulsion... en pleine année de cultures ! « Le tribunal m'enlève la possibilité d'avoir un bail sur des terres que j'exploite depuis des années. Si un huissier vient demain, j'ai huit jours pour partir... ce qui ne se fait jamais en agriculture. » D'autant qu'Yveline a fait appel.
Incompréhensible pour de nombreuses associations militantes : Minga, la Wouamap, le groupement des agriculteurs bio Gab 29, la Confédération paysanne, le Civam, Terre de liens... Leur pétition de soutien a déjà recueilli 1 600 signatures sur Internet. Dimanche, jour de la journée internationale pour les luttes paysannes, elles organisent aussi une journée de mobilisation chez Yveline.
« Il ne s'agit pas de prendre parti sur l'enjeu du procès qui l'oppose à sa famille, mais sur l'enjeu du maintien de ce type d'agriculture dans le Finistère », explique Emmanuel Antoine, président de Mingwa. Pour ces associations, l'histoire d'Yveline illustre parfaitement les difficultés que rencontrent aujourd'hui les paysans. Les zones d'activités et les lotissements dévorent la campagne. « Il y a une pression foncière dingue. Chaque jour, en France, 230 ha disparaissent. En Bretagne, chaque année, 500 jeunes n'arrivent pas à trouver des terres. »
Il est urgent de repenser le modèle agricole. « Des exploitations comme celle d'Yveline ne sont pas un modèle folklorique du passé, mais un enjeu d'avenir, martèle Emmanuel Antoine. Non seulement, elles font vivre les campagnes, créent de l'emploi, mais elles approvisionnent le marché local. »
Yann-Armel HUET
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