mercredi 29 juin 2011
Proposition de loi supprimant la binationalité, chasse aux migrants, refus du mariage homosexuel, fermetures de classes, alignement de
la justice des mineurs sur celle des adultes : chaque semaine des annonces gouvernementales mêlent les idées les plus réactionnaires à la démagogie la plus effrontée.
Encore dix mois avant la prochaine présidentielle ! Dix mois, le temps va être long, surtout quand on voit l’agitation désordonnée qui s’est emparée du gouvernement et de sa majorité
parlementaire. Un exemple parmi d’autres : Goasguen, député du 16e arrondissement, réclame que la France se préoccupe du sort du soldat Shalit, sous prétexte qu’il est franco-israélien, et dépose
dans le même mouvement une proposition de loi qui doit mettre fin à la binationalité (surtout pour les personnes originaires du sud de la Méditerranée). Dans la même semaine, Sarkozy annonce un
moratoire sur les fermetures de classes en primaire en 2012, mais sans remplacer les départs en retraite ni revenir sur les 1 500 suppressions décidées pour la rentrée 2011 ! Ben voyons !
Xénophobie et démagogie : voilà les deux mamelles de la politique gouvernementale pour les dix longs mois à venir. Les usines ferment, le chômage augmente comme la violence quotidienne, en
particulier envers les jeunes et les immigrés. L’insécurité sociale progresse ? C’est la faute aux sans-papiers, aux resquilleurs de la Sécu et au laxisme hérité de Mai 68. La violence scolaire ?
Pas de problème, le gouvernement met en place un nouveau dispositif de sanctions. Pendant ce temps, la mairesse UMP de Saint-Gratien (Val-d’Oise), en toute illégalité, refuse cantine et centres
de loisirs aux enfants de réfugiés.
À grand renfort de médias, on nous annonce 20 milliards d’euros de fraudes sociales, mais on passe sous silence que l’essentiel – plus de 16 milliards – est dû aux patronat, notamment au travers
du travail au noir, contre 3 milliards pour les prestataires d’allocations. Peu importe : ce sont les bénéficiaires du RSA et les accidentés du travail qui doivent être traqués et qui vont
trinquer !
Le message est clair : plutôt que de vous indigner, de songer à vous rebeller, dénoncez votre voisin, le plus pauvre, le plus démuni, l’étranger ! Petit à petit, toutes les digues sont en train
de lâcher et une odeur pestilentielle envahit l’atmosphère politique. Les premiers dégâts collatéraux ont été signalés : André Gerin, député PCF, a lui aussi sombré dans la xénophobie, pour le
plus grand bonheur de la droite. Manuel Valls, maire PS d’Évry, rivalise de propos sécuritaires et racistes avec les porte-flingues gouvernementaux.
En l’espace de quelques années, la droite a réussi un véritable tour de force : transformer les opprimés et les déshérités en ennemis des classes populaires. La femme de ménage épuisée peste
contre le RMIste du palier, l’ouvrier au chômage se met à haïr le travailleur étranger et le Rom pourchassé, et les militants syndicaux sont présentés comme des privilégiés. Pendant ce temps, on
oublie la suppression de l’ISF et l’augmentation faramineuse des revenus des patrons et actionnaires du CAC 40. Et le gouvernement en rajoute, jouant sur les peurs et les incertitudes. Car ils
sont prêts à tout pour conserver leurs postes et rester aux commandes d’un pouvoir qui défend les intérêts de leurs maîtres, les patrons et les banquiers ! Quitte à réveiller tous les vieux
démons…
Il ne s’agit pas uniquement d’une stratégie électoraliste. La visée est plus profonde. Au cours des dernières années, par trois fois, de grands rassemblements de l’écrasante majorité des classes
laborieuses se sont constitués : en 2005 à l’occasion du rejet du Traité constitutionnel européen, en 2006 à l’occasion du Contrat première embauche, et en 2010 dans le cadre du mouvement contre
la réforme des retraites. Si les deux premiers furent des succès au moins partiels et momentanés, le troisième s’est soldé par un échec.
Car la bourgeoisie a bien défini la feuille de route du sarkozysme, à partir de 2007 : miner le processus de reconstruction d’une identité et d’une conscience de classe à même d’organiser et de
rassembler les oppriméEs dans la lutte. Ce mandat a été clairement résumé dans la dénonciation du programme du Conseil national de la Résistance par l’idéologue du Medef, Denis Kessler, avec
comme objectif le démantèlement des derniers acquis sociaux. Protégé par une Constitution ultra-présidentialiste et un système parlementaire particulièrement inégalitaire, et assuré de trouver
une alternance sans risque avec un gouvernement à majorité socialiste, le pouvoir ne craint qu’une chose : la montée comme dans les pays arabes, en Grèce ou en Espagne d’une indignation qui
ferait sa jonction avec le mouvement ouvrier. À nous de la construire !
Robert Klément