13 décembre 2010 - Le Télégramme
Ils n'iront pas faire leurs courses dimanche après-midi dans les magasins. Et pour cause, les deux délégués CFDT dénoncent ces ouvertures
exceptionnelles qui pénalisent avant tout les salariés du commerce.
Chaque année à la même période, la CFDT remonte au créneau. Ne craignez-vous pas que votre revendication tourne en vieille rengaine?
Jean-Louis Bonnisseau: La section commerce de notre union locale est née de l'opposition des salariés à l'ouverture des
commerces le dimanche à la fin des années 1980. En 1987, nous avions manifesté contre l'ouverture d'un dimanche avant Noël. Le maire de l'époque, Jean-Yves Le Drian, nous avait entendus et mis
fin à cette dérogation.
Gérard Le Guilloux: L'ouverture du dimanche avant Noël est redevenue une réalité avec l'actuel maire, Norbert Métairie,
peut-être sous «l'amicale» pression de l'association des commerçants.
Pourtant la municipalité affirme qu'elle a pris sa décision après avoir consulté les organisations syndicales.
Jean-Louis Bonnisseau: Il ne s'agit pas d'une consultation mais d'un simple courrier d'information. Dans cette lettre en date
du 8 juillet dernier, le maire nous indiquait que les commerçants avaient fait deux demandes d'ouverture: l'une pour le dimanche 8 août durant le Festival interceltique, l'autre le 19 décembre.
Gérard Le Guilloux: Nous demandons chaque année une table ronde sur le thème de l'ouverture des dimanches et des jours fériés. Nous attendons toujours.
À l'arrivée il ne s'agit que d'une demi-journée. Alors est-ce une opposition de principe?
Jean-Louis Bonnisseau: Le maire se défend en affirmant qu'il veut tout simplement dynamiser le centre-ville pendant les fêtes
de fin d'année. Mais en élargissant le créneau horaire d'année en année - en 2008 de 14h à 18h, l'an passé de 13h à 18h30 et dimanche prochain de 13h à 19h - il encourage les grandes surfaces.
L'an passé, seul Géant Monistrol a ouvert; cette fois Carrefour ouvre aussi.
Gérard Le Guilloux: Et on ne compte pas les grandes surfaces dans les zones commerciales. On est loin du centre-ville, la
dynamique reste à la périphérie! D'ailleurs, on rappelle que les commerces n'ont pas besoin de dérogation au repos dominical si les seuls patrons travaillent ce jour-là.
Mais cette ouverture exceptionnelle ne permet-elle pas de booster le commerce?
Jean-Louis Bonnisseau: Elle ne profite pas vraiment aux petits commerçants. Certains d'entre eux n'ouvriront pas dimanche.
D'ailleurs, dimanche, nous effectuerons un état des lieux des commerces ouverts en centre-ville afin de voir si la demande de l'association des commerçants est vraiment justifiée.
Gérard Le Guilloux: Et dans les grandes surfaces, les résultats ne sont pas exceptionnels. Une journée d'ouverture en plus
n'apporte pas automatiquement du chiffre supplémentaire. Beaucoup de clients reportent tout simplement leurs achats d'un jour à l'autre. Pourquoi les directeurs disent qu'ils répondent à une
demande de la clientèle alors qu'ils sont obligés d'émettre des bons d'achat pour les attirer?
Pourquoi êtes-vous opposés aux ouvertures exceptionnelles basées sur le volontariat?
Jean-Louis Bonnisseau: Les salariés ne sont pas consultés. Et le volontariat est souvent forcé. Nous voulons un volontariat
clairement exprimé par écrit et des contreparties clairement établies, avec de réels avantages en termes de prime et de récupération. Et n'oublions pas que ces journées supplémentaires
induisent la mobilisation de salariés d'autres secteurs, comme la sécurité et le nettoyage. Et ces prestataires mobilisés d'office n'ont pas les mêmes compensations.
Gérard Le Guilloux: On observe aussi une inflation depuis une dizaine d'années avec de plus en plus de fériés travaillés. Au
début des années 1990, les grandes surfaces n'ouvraient que pour deux jours fériés. Et aujourd'hui, trois fois plus.
La pratique est-elle la même d'une ville à l'autre?
Jean-Louis Bonnisseau: Pas vraiment. À Lanester, par exemple, les ouvertures du dimanche ne sont pas accordées. On souhaite
une harmonisation au moins à l'échelle de l'agglomération. En Ille-et-Vilaine, des négociations sont en cours pour des règles identiques. On en est loin dans le Morbihan. D'ailleurs ce serait
difficile. Quand Lorient accepte un dimanche exceptionnel en décembre, Vannes et Ploërmel en sont à deux voire trois dimanches.
Pourtant la règle n'est-elle pas la même pour tous?
Jean-Louis Bonnisseau: La loi autorise le maire à signer cinq dérogations d'ouverture du dimanche par an. Par contre, il n'a
pas la main sur l'ouverture des jours fériés. Néanmoins, la législation stipule qu'un salarié doit pouvoir bénéficier de six jours fériés en plus du 1er mai. Mais il faut veiller à ce que
l'ouverture exceptionnelle le reste. Sinon à terme, on pourrait envisager après le commerce des ouvertures pour les transports, les administrations... Et mettre ainsi à mal la vie de famille et
les relations sociales.
-
Propos recueillis par Patrick Hernot
Opportunité ou. .. contrainte
«C'est une opportunité à saisir; d'autant que les enseignes concurrentes, notamment Leclerc et Intermarché, n'ouvrent pas ce jour-là». Frédéric Delahaye,
directeur du supermarché Géant Monistrol, ne s'en cache pas. Il espère attirer de nouveaux clients dimanche prochain et s'assurer un bon chiffre d'affaires. «En ces temps difficiles, on ne
peut pas refuser une journée supplémentaire.» D'autant qu'en une demi-journée, il espère engranger les recettes d'un lundi ordinaire. «Le lundi est après le samedi et le vendredi la journée
la plus importante», confie le directeur de la grande surface. Seuls 40 des 125 salariés seront mobilisés dimanche. Néanmoins, l'appel aux volontaires - pourtant intéressés par des heures
supplémentaires et une journée de récupération - n'a pas suffi. «Il a fallu procéder à des arbitrages», admet le directeur qui se défend de tout passage en force pour les ouvertures
exceptionnelles. «Nous avons respecté le lundi de Pâques férié pour le personnel.»
«Les clients appâtés par les points fidélité»
Mais certains salariés rappellent que ce dimanche s'ajoute aux nombreux fériés travaillés sur l'année (1). C'est sans doute cette répétition qui a usé les
bonnes volontés. «Pour dimanche prochain, il y a à peine cinq volontaires! Tous les autres viennent travailler contraints et forcés», témoigne un employé en colère et désabusé par l'évolution
des consommateurs. «C'est dommage d'envisager la sortie familiale du dimanche dans un supermarché! On banalise ces jours de repos. D'autant que les gens ont largement le temps de remplir leur
chariot!» Selon cet autre salarié du supermarché de Monistrol, qui souhaite également garder l'anonymat, le consumérisme ambiant aurait même altéré les relations avec les clients. «Ils sont
de moins en moins solidaires. Pourtant la majorité d'entre eux sont des employés comme nous. Et nous avons manifesté avec certains d'entre eux pour la défense des retraites», observe-t-il
amer avant d'ajouter: «Ils seront, une fois de plus, appâtés par l'assurance de quintupler leurs points sur leur carte de fidélité. C'est l'assurance d'une bonne fréquentation. Le
1ernovembre, comme il n'y avait pas de point supplémentaire offert, la journée a été quelconque.»
(1): Six sur dix (le 15 août tombant cette année un dimanche): 8 mai, jeudi de l'Ascension, lundi de la Pentecôte, 14juillet, 1er et 11novembre.
http://lorient.letelegramme.com/local/morbihan/lorient/ville/ouverture-dominicale-une-exception-contestee-13-12-2010-1146151.php
Note:
Et si tout cela n'était que de "l'idéologie"? Bon, les médias en sont arrivés à associer "gauche et idéologie" n'est-ce pas? Tandis que la droite serait
elle simple et pragmatique.
Rappelons Denis Kessler du Medef: "Le but c'est de défaire le programme du Conseil National de la Résistance".
Le droit à un week-end de repos, 2 jours consécutifs, après 5 jours de travail, fait partie des avancées "idéologiques ringardes" qu'il faut à tout
prix détruire.
Ne plus venir bosser sur un simple coup sifflet; comme les sardinières "quand il y a du travail" jour et nuit, sans dimanche et jours fériés, comme le bétail,
et être renvoyé après, c'est çà le rêve du patronat. Et la disparition de tout dédommagement , heures sup' et compagnie!
Briser ce maillon faible serait tout bénèf pour ce qui suivra. Car bien sûr, si les travailleurs cèdaient sur ce point, d'autres "avancées pragmatiques"
viendraient!