
La neige, tombée en abondance ces derniers jours en France, a créé une belle pagaille sur les routes.
Qui n'a pas entendu « Mais que fait la DDE ? » ou « La DDE n'a pas fait son boulot » ? Et pour cause ! Les DDE (Directions départementales de l'équipement)
n'existent plus ! L'État se désengage et l'entretien des routes est réparti entre les diverses collectivités locales.
Ainsi, dans le cadre des lois de décentralisation, la grande majorité des routes, y compris les ex-nationales, sont aujourd'hui gérées et entretenues par les
départements. Leur entretien était auparavant assuré, jusqu'aux derniers transferts en 2007, par l'État, via les DDE qui, elles, ont disparu dans la réorganisation des administrations.
L'État, lui, n'a gardé la gestion que de quelques grandes routes nationales dites « structurantes » et des voies rapides, en créant en 2007 les Directions
interdépartementales des routes (les DIR).
Les communes, de leur côté, sont autonomes depuis longtemps sur ce plan et utilisent leurs propres services municipaux. Mais les communes trop petites, surtout en
montagne, profitaient bien souvent de l'aide des services de la DDE pour l'entretien hivernal, à moindre coût, voire gratuitement. Mais après le transfert de compétences, les Conseils généraux
abandonnent cette aide et les municipalités doivent désormais avoir recours à des services privés, très onéreux pour elles.
Enfin, comme pour tous les services publics, l'État réduit les effectifs et les moyens de fonctionnement. Pour 2011, le gouvernement annonce une réduction de 27 %
des crédits d'entretien des routes nationales. D'après la CGT, rien que les crédits de fonctionnement pour la viabilité hivernale passeront de 169 millions d'euros en 2010 à
153 millions d'euros en 2011, soit 10 % de réduction. Pour faire des économies, l'imagination ne manque pas du côté des décideurs, comme la dernière innovation qui consiste, sur les voies
rapides, à ne déneiger que la seule voie de droite dans un premier temps, et la voie de gauche huit heures après. On imagine les conséquences, alors que le déneigement de ces tronçons pose déjà
problème du fait de la congestion du trafic autour des agglomérations.
L'exemple de l'Isère : Pour le déneigement, c'est la fonte des effectifs
En matière de routes, la politique menée par les départements ne diffère pas de celle de l'État. Les transferts de compétences pèsent de plus en plus lourdement sur
les budgets des départements, qui doivent faire face aux conséquences de la crise. Mais les économies envisagées vont toujours dans le sens d'une réduction des emplois et des moyens du service
public, avec au passage quelques cadeaux aux entreprises privées par le biais de la sous-traitance.
En Isère, le Conseil général présidé par le député socialiste André Vallini a récupéré la gestion des routes nationales et d'environ 400 agents de l'ex-DDE, au
1er janvier 2007. Un an après le transfert, la direction du CG38 annonçait la suppression de 90 postes à l'entretien des routes. Toutes les tâches et les possibilités de les confier à
des entreprises privées étaient recensées.
La sous-traitance, déjà mise en œuvre par l'État, s'est accrue. Entre autres, plusieurs circuits de déneigement, les plus faciles donc les plus rentables, sont
assurés par des entreprises qui n'hésitent pas à majorer leurs tarifs, pour un service rendu plutôt mal que bien. Cet hiver des entreprises, faute d'équipements ou d'ouvriers formés, n'ont pu
assurer le déneigement. Les agents du Conseil général ont dû pallier cette défaillance au détriment de leur propre travail.
Mais le plus significatif dans la dégradation des conditions de déneigement est la baisse du nombre d'agents titulaires et de vacataires embauchés habituellement
pour la période hivernale, baisse accompagnée d'une réduction de 25 % du nombre d'engins. Par exemple, rien que sur le territoire autour de l'agglomération grenobloise, on est passé cette année
de 29 à 22 agents, de 16 à 9 vacataires et de 16 à 12 engins. Résultat : des parcours rallongés, donc des rotations moins fréquentes et des agents épuisés. Et pour les usagers, des
routes de plus en plus mal déneigées, des bouchons interminables et l'obligation de prendre un congé faute de routes praticables. Quant aux pouvoirs publics, ils ont pris l'habitude, en cas de
neige, de pondre des arrêtés pour interdire la circulation des camions ou des transports publics et scolaires.
Par ailleurs, dans plusieurs départements, les Conseils généraux ont décidé de passer la conduite des engins de deux agents à un seul à bord, sous prétexte de
modernisation des équipements. En Isère, la mesure devait être effective pour cet hiver mais, pour l'instant, elle se heurte au refus des agents et d'une partie de l'encadrement. Mais les
pressions sont grandes et une équipe a dû exercer son droit de retrait pour des raisons de sécurité évidentes. En effet, comment conduire seul un engin, avec peu de visibilité de nuit comme de
jour, tout en manipulant des manettes pour les lames, pour déclencher le salage... et répondre aussi à la radio ? De plus, il est fréquent que les agents descendent du camion pour aider les
automobilistes bloqués au milieu de la route ou enlever des branches cassées. Alors, à deux, on n'est pas de trop !
Correspondant LO
Le «plan grand froid» en Isère : Un service minimum aux dépens des sans-logis
Dans l'agglomération grenobloise, il a fallu attendre plusieurs jours après le début de la vague de froid et de neige mardi 30 novembre (Météo-France mettait
ce jour-là le département en « alerte orange ») pour que la préfecture passe le plan « grand froid » du niveau 1 au niveau 2. C'est seulement le jeudi soir, soit trois jours plus tard,
qu'elle a accepté d'ouvrir un peu plus les portes des centres d'hébergement.
Pendant ce temps, des dizaines de familles, des centaines de personnes ont dû se débrouiller pour trouver refuge à la gare, dans des halls d'immeubles, ou comme
elles ont pu.
Comme chaque année à l'approche de l'hiver, les services préfectoraux mettent en place des lieux d'hébergement, en faisant faire le travail par les associations
caritatives, ce qui coûte moins cher à l'État. Mais ces structures d'accueil déjà en place, il ne s'agissait surtout pas de les ouvrir en grand, sous peine de voir le dispositif saturé dès le
premier jour. Un aveu qui montre que le nombre de places (318 pour tout le département) est très insuffisant.
Au niveau 2 du « plan grand froid », chaque personne est censée être à l'abri. Ce qui n'est d'ailleurs pas vrai, car il n'y a pas de place pour tout le monde.
Mais même ceux qui ont un lit ne sont pas au chaud tout le temps. Certaines structures sont loin de Grenoble : l'une est dans un village de Chartreuse à environ 1 000 mètres d'altitude, à
12 km par une route de montagne, avec, pour les hommes, l'obligation de quitter les lieux en journée. Il faut retourner sur Grenoble chercher abri et nourriture. Une autre est à une
demi-heure à pied de l'arrêt de bus le plus proche...
La préfecture est revenue au niveau 1 dès lundi 6 décembre, les températures ayant temporairement augmenté, si bien que beaucoup de personnes sans abri n'ont
pas eu le temps de se rendre compte qu'avec le niveau 2 elles avaient, contrairement à d'habitude, une chance d'avoir une réponse positive quand elles téléphonent au 115.
Le préfet appelle hypocritement chacun à « veiller aux plus fragiles », ce qu'il se refuse à faire lui-même.
Correspondant LO