Samedi, sur la place du marché de la petite ville de Ripoll, située au pied des Pyrénées, un seul thème occupe les conversations: le "référendum" sur l’indépendance de la Catalogne. Il a lieu dimanche dans cette bourgade de 11 000 habitants, mais aussi dans 160 villes de la région, représentant un peu moins de 10% des 7,5 millions de Catalans. Ils devront dire s’ils sont "favorables à ce que la Catalogne soit un Etat souverain, social et démocratique, intégré dans l’Union européenne". Ce scrutin, organisé par des collectifs de villageois, est certes dépourvu de valeur juridique, mais il n’en prend pas moins une forte valeur symbolique dans une région farouchement attachée à ses particularismes.
"L’objectif du vote est de provoquer la classe politique pour qu’elle prenne en compte le sentiment de la population", assure la maire de Ripoll, Teresa Jorda, du parti indépendantiste Esquerra Republicana. Ici comme dans la grande majorité des villes organisatrices du référendum, le "oui" a de fortes chances de l’emporter. Pour les indépendantistes, le succès du référendum dépendra du taux de participation. Mais, à Ripoll, la plupart des habitants a bien l’intention d’aller voter. "Vous êtes ici dans le berceau de la Catalogne, alors les gens vont se mobiliser", lance la maire, en désignant le tombeau du supposé premier roi catalan, fondateur de la nation catalane.
Dans la petite ville, il n’est pas question d’être identifié au royaume d’Espagne. Et l’un des moyens les plus efficaces pour affirmer cette différence est l’usage de la langue catalane. Dans les rues de Ripoll, le castillan est quasiment inexistant: enseignes des boutiques, menus dans les restaurants, panneaux indicateurs, tout est en catalan. "Nous nous sommes battus durant des siècles pour maintenir notre culture et préserver notre langue. Durant la dictature, on devait pratiquer le catalan dans la clandestinité pour qu’il ne se perde pas", argumente la maire. Ces derniers mois, les Catalans ont l’impression d’être à nouveau menacés par le pouvoir central. Ils sont suspendus à la décision de la justice espagnole qui pourrait revenir sur des articles clés de leur statut d’autonomie, notamment celui concernant le caractère obligatoire de la langue catalane. Une perspective jugée ici "inacceptable".
"Le catalan est une langue en danger"
Au lycée Santa Maria de Ripoll, élèves et professeurs sont sur le pied de guerre pour défendre leur identité catalane. "Le catalan est une langue en danger, car il y a une forte influence du castillan dans la vie de tous les jours à travers les médias, mais aussi à cause d’une législation trop molle", commente le professeur de lettres catalanes, Maria Rose Fernandez. Et pourtant, l’espagnol n’est enseigné que deux heures par semaine, moins que l’anglais. Jordi, 18 ans, exprime dans un castillan hésitant son refus d’appartenir à l’Espagne: "Je suis né ici, ma langue c’est le catalan et je demande la liberté pour ma nation…"
Pour le politologue Josep Ramoneda, cette réaction de la société catalane était prévisible: "Les Catalans ont l’impression d’être la vache à lait de l’Espagne depuis trente ans sans jamais rien obtenir en échange." La question économique exacerbe en effet les relations entre Madrid et Barcelone. La Catalogne, prospère région d’Espagne, ne cesse de réclamer plus de compétences administratives au gouvernement central, alors qu’elle bénéficie déjà d’une ample autonomie (gouvernement, éducation, police). Avec la tenue du référendum, les partis politiques vont pouvoir évaluer l’ampleur du phénomène indépendantiste en prévision des élections régionales de l’automne prochain.
Enfin, pour montrer la puissance du sentiment national: