Traditionnellement, même historiquement, il y a une gauche réformiste et une gauche révolutionnaire.
Le Parti Socialiste incarne le mieux possible la première, même si certains de ses éléments sont tentés par la seconde. L’une croit à la rupture en cent jours,
l’autre sait que nos sociétés évoluent plus qu’elles se révolutionnent. La tentation gauchiste est donc toujours latente au risque de compromettre la victoire de la gauche toute entière.
Le gauchisme ou extrême gauche ou ultra gauche ou gauche radicale peut revêtir plusieurs visages mais la culture et les méthodes sont les mêmes. Il a le visage du
trotskisme quand il est partisan. Il peut se dissimuler sous la forme associative pour se donner un aspect généreux et désintéressé. Il apparaît sous la forme spontanéiste de "collectifs" quand
il prétend se vêtir du costume de résistant. Dans tous les cas, il cherche à obtenir par la violence verbale, l’intimidation et l’agressivité ce qu’il
n’arrive jamais à obtenir par les urnes. Le peuple ne souhaite pas voir ce courant de pensée gérer ses affaires, ses communes comme son pays. Cela suscite des frustrations qui alimentent
l’agressivité.
Les courants gauchistes en arrivent alors à ne pas reconnaître la légitimité des élus du peuple. La démocratie représentative devient suspecte. Elle n’exprimerait
pas les "vraies" attentes et demandes de la population. Par définition, l’élu devient un adversaire qu’il soit de droite, de gauche ou du centre. Il faut donc le contourner : la démocratie
participative peut alors être utilisée à cette fin. Il suffit d’en noyauter les structures et de l’instrumentaliser. Les modalités légales de participation des citoyens sont mêmes regardées avec
méfiance. De la même façon, la démocratie référendaire est régulièrement appelée au secours. Puisque les représentants du peuple sont à bannir, tentons de les contourner par l’appel permanent à
la base ou via le référendum. Quel qu’en soit le sujet et peu importe si c’est légal ou pas !
Enfin, quand le responsable de l’exécutif est socialiste, qui plus est de tendance social-
démocrate, il devient le diable en personne. S’il le revendique fièrement, il devient l’homme à abattre, et même à discréditer par l’injure, l’insulte et la
calomnie. Sur ce terrain, les deux extrêmes ont quelques points communs.
Cette forme de gauchisme demande d’ailleurs au socialisme démocratique de bien vouloir relayer ses propres propositions, au nom de ce qu’il appelle la "vraie
gauche". comme s’il y en avait une fausse. J’ai entendu François Mitterrand répondre à quelqu’un sur ce thème : "Nul n’est juge du socialisme, sauf le peuple". Il n’a pas besoin d’un corps
d’inspection
générale ou d’un pape infaillible !
La gestion des services publics sert souvent de champ de bataille à l’extrême gauche
pour tenter de culpabiliser les réformistes. La question de l’eau, de sa production, de sa distribution et de son épuration en fournit un exemple. Et pourtant, le
Parti Socialiste français a précisément une doctrine sur ce sujet. Il n’interdit pas de faire usage d’une loi du 20 janvier 1993 qui organise la délégation de service public. Elle a été
promulguée par François Mitterrand, proposée par Pierre Bérégovoy, présentée à l’Assemblée Nationale par Michel Sapin. Les Députés socialistes (dont moi-même) et radicaux de gauche l’ont votée.
Les Députés communistes se sont abstenus pour ne pas gêner leurs élus locaux qui s’apprêtaient à l’appliquer.
Pour l’élection présidentielle de 2007, le projet socialiste laissait "aux élus locaux la possibilité de choisir entre la gestion publique et la gestion
privée".
L’année suivante, dans le numéro d’octobre 2008 de la revue Economie Politique, le Premier Secrétaire du PS, François Hollande, écrivait ceci : "Une mission peut
être exécutée par la délégation de service public". En juin 2008, par un vote de très large majorité, les adhérents du PS ont adopté une nouvelle Déclaration de principes, la cinquième de leur
histoire. Ils ont abandonné l’objectif de la propriété publique de tous les moyens de production et d’échanges. Ils ont décidé que le cadre de leurs propositions se situait dans une "économie
sociale et écologique de marché". Pour un gauchiste, c’est l’horreur. Mais les Français sont les seuls juges.
Le dernier livre qui évoque cette question est celui de Jean-Louis Bianco "Si j’étais Président", paru chez Albin Michel en ce mois de septembre 2010. Page 184, il
lui est demandé de se définir comme socialiste. L’ancien Secrétaire Général de François Mitterrand à l’Elysée pendant 10 ans répond ceci : "à la fois idéaliste et pragmatique". Il illustre son
positionnement de la façon suivante : "Je ne suis pas choqué par une délégation de service public exercée
par une entreprise privée. Je ne fais pas partie de ceux qui estiment que la régie représente toujours le bien incarné et que la délégation de service public serait
mauvaise par principe".
Que l’on gère une ville, un département, une région, un pays, le plus simple est de rester fidèle à ce que l’on est, sans se laisser impressionner par l’agitation
ambiante dès lors qu’elle s’accompagne d’agressivité injurieuse et calomnieuse.
A propos. n°11. Novembre 2010. p 2

Note:
Ce qui différencie la gauche comme-ci de la gauche comme-çà, c'est qu'à force d'être élu par les souris à siéger dans le fromage, certains ne défendent plus les
intérêts des souris, mais ceux du fromage.
Il est étonnant de constater qu'au moment même où le capitalisme le plus prédateur, le plus assoiffé de bénéfices record (du 15% mini pas comme le livret bleu et
pour le CAC40: "Au premier semestre 2010, elles ont ainsi réalisé 41,5 milliards d'euros de bénéfices, en hausse de 87 % sur un an" ) décide d'annexer les parts de marché qui lui échappent
encore: éducation, hôpitaux, retraites et gestion de l'eau, voici que "la gauche" découvre les bienfaits de la gestion privée et "abandonne l’objectif de la
propriété publique de tous les moyens de production et d’échanges. Ils ont décidé que le cadre de leurs propositions se situait dans une "économie sociale et écologique de marché".
Il y a des synchronisations choquantes.
Nous disons que oui, il y a bien eu une gauche réformiste, une gauche qui faisait les réformes qu'elle était bien obligée de faire sous la pression des "masses". Cà
fait bien longtemps.
Il y a eu aussi une gauche sans réformes, qui vendait du vent, comme la société du "care" de Martine Aubry.
Mais quand la gauche devient celle de la contre réforme, de l'adaptation au marché, au profit, au libéralisme, qu'elle devient "social-libérale", alors oui, nous la
combattons et nous sommes prêts " à aller jusqu'à employer des moyens légaux", comme le dit Jean Jacques Goldman!
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Paul Linossier est un défenseur acharné de la Régie et réside à Lyon, il a notamment obtenu des remboursements
conséquents aux usagers sur le grand Lyon et nous aide régulièrement par ses conseils éclairés à poursuivre le combat.
Voici la réponse de Paul Linossier à la lettre de B Poignant:
Une ode au libéralisme, caractérisée par une charge brutale contre les défenseurs du service public, qui se caractérise par
les absurdités qu'elle contient. Elle mérite une réponse, au moins pour mettre en évidence la stupidité qui consiste à défendre un modèle caractérisé encore aujourd'hui par son opacité
financière.
Comment un maire peut-il défendre un modèle de gestion qui lui interdit formellement de connaitre le compte d'exploitation réel et incontestable de ses services d'eau et donc de connaitre
l'usage qui est fait des redevances payées par les usagers qui sont aussi ses administrés?
Je préfère croire qu'il n'est même pas conscient de son ignorance, car dans le cas contraire on pourrait imaginer d'autres motivations.
On peut penser qu'il est plus facile pour un socialo- réformiste en mal d'arguments d'assimiler les défenseurs des services publics et de leurs usagers à des gauchistes, plutôt que de
démontrer les avantages de la délégation au privé.
Il doit croire que cette posture simpliste lui évitera
un débat sincère et véritable sur le choix du mode de gestion.
Croit-il que parce qu'il a fait délibérer ses collègues sur un choix injustifié, le débat est définitivement
clos?
Si c'est le cas, l'avenir risque fort de lui donner tort.
P. Linossier
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Parti Socialiste Convention égalité réelle
Texte adopté par le Conseil national – Mardi 9 novembre 2010 L’eau et l’énergie, nouveaux biens publics Favoriser la maîtrise citoyenne du service public de
l’eau
C. L’eau et l’énergie, nouveaux biens publics
1. Favoriser la maîtrise citoyenne du service public de l’eau
Loin de la « concurrence libre et non faussée », le paysage de la distribution de l’eau est aujourd'hui marqué par une situation de très grande concentration, voire d’oligopole entre trois grands groupes privés qui se partagent 80% des marchés, tandis que les municipalités délégantes
n’ont souvent pas les compétences pour contrôler efficacement la qualité et la juste tarification de la prestation fournie. Cette situation a entraîné des prix élevés, l’opacité de la
rémunération de l’entreprise privée délégataire (qui facture souvent des frais de siège incontrôlables), des disparités énormes d’une région ou d’une ville à l’autre, une qualité de l’eau bien
souvent insatisfaisante au regard des pollutions et de l’insuffisance des investissements dans l’assainissement, sans parler des risques de corruption.
Face à cette gabegie, nous voulons faire voter une grande loi cadre sur le
service public de l’eau, qui fixe les grands principes en terme de tarifs, d’accès, de service minimum et de qualité de l’eau et qui donne aux collectivités locales la totale maîtrise de
l’ensemble de la chaîne, de la protection des champs captants, à la distribution en passant par la
production. Les collectivités doivent avoir vraiment le choix entre la régie et la délégation de service public, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Cette loi soutiendra les collectivités qui
s’engagent dans la voie du retour en régie publique. Des exemples réussis de remunicipalisation existent comme à Paris, mais cette solution est parfois difficile à pratiquer en l’absence d’une
masse critique suffisante, nécessaire pour se doter des compétences qu'implique la gestion d’un tel service et pour réduire les coûts. La solution de la régie intercommunale ou départementale
doit être rendue possible et encouragée pour remédier à cette difficulté. La fourniture par les services déconcentrés de l’Etat d’une assistance technique aux collectivités (notamment pour la
dénonciation de contrats de délégation léonins) doit faciliter la réappropriation par les collectivités publiques qui le veulent du bien vital entre tous qu’est l’eau, et permettre la
modernisation nos méthodes de travail en développant l’expertise de la puissance publique. Elle sera ainsi mieux à même de contrôler l’action des entreprises dans les cas de délégations de
service public.
L’eau est un bien vital dont nul de doit être privé pour des raisons
financières et dont
l’utilisation doit être économe : l’instauration d'un prix très bas pour
cinquante litres par jour par
personne et de tarifs progressifs, en fonction de la
consommation, permettra à la fois un accès de tous à la consommation minimale nécessaire à tout être humain et une dissuasion des consommations déraisonnables.
Enfin, l’Etat – via les agences de l’eau – doit également accroître son
soutien financier à l’effort
des collectivités locales en matière d’assainissement, afin de se mettre en
conformité avec la
réglementation européenne, la France étant aujourd'hui menacée de pénalités financières par Bruxelles. Il est de la responsabilité de la puissance publique de mobiliser toutes les ressources pour permettre un bon état écologique
des eaux et des rivières. Il est également de la responsabilité de la puissance publique d'édicter un cadre juridique permettant une réappropriation de la gestion par les citoyens et les usagers
dont les intérêts sont divers.
Convention égalité réelle – Texte adopté par le Conseil national – Mardi 9 novembre 2010 – Page 43
http://www.parti-socialiste.fr/static/9040/convention-egalite-reelle-le-texte-soumis-aux-militants-par-le-conseil-national-64873.pdf