La Fête de L'Humanité, dont la 75e édition s'est ouverte vendredi à La Courneuve (Seine Saint-Denis), souffle ses 80 bougies – durant cinq ans, pendant la guerre, ce grand rassemblement politique et musical avait été suspendu. En septembre 1930, la première édition s'était déroulée dans le parc Sacco et Vanzetti de Bezons (Val-d'Oise). En 1945, à la Libération, c'est à Vincennes que la "Fête de L'Huma" avait retrouvé un second souffle.
Contrairement à la courbe électorale du Parti communiste français (PCF), le succès populaire de ce rassemblement annuel ne se dément pas. Les organisateurs – la direction du PCF – attendent 600 000 visiteurs jusqu'à dimanche 12 septembre. A défaut de réaliser aujourd'hui les scores électoraux de la Libération – il était alors le premier parti de France –, le PCF est resté maître dans l'organisation d'activités festives ou de démonstrations de rue.
A l'occasion, l'IFOP a réalisé un sondage sur l'image du PCF auprès de 1 010 personnes pour La Lettre de l'opinion. Un constat s'impose : il est éprouvant, psychologiquement, d'être communiste en 2010. Pour 58 % des personnes interrogées, c'est "un parti condamné à disparaître". Pire encore, ils ne sont que 11 % à voir dans le PCF "un parti qui présente des solutions originales" contre 24 % en 1993.
Et si la moitié des personnes interrogées cette année-là le considéraient comme "un parti utile pour défendre les salariés", elles ne sont plus que 31 % en 2010. Enfin, les Français sont moins nombreux (23 %) à penser, aujourd'hui, que le PCF "s'est transformé" qu'ils ne l'étaient en 1993 (31 %).
A vrai dire, ces pourcentage ne sont pas très étonnants au regard de la dégringolade électorale que le PCF a enregistré depuis une trentaine d'années. Celle-ci s'est amorcée lors de la présidentielle de 1981 avec la candidature de Georges Marchais. Il est vrai que dans les années 70, le secrétaire général du parti avait jugé "globalement positif" le bilan politique de l'URSS et avait soutenu l'intervention militaire soviétique en Afghanistan.

Cette vision plutôt négative qu'ont les Français du PCF rejaillit sur l'opinion qu'ils portent sur les militants communistes. Alors qu'ils étaient 46 % à avoir une "bonne opinion" d'eux en 1993 (contre 42 % en 1986), ils ne sont plus que 27 % aujourd'hui. Si la proportion de ceux qui ont une "mauvaise opinion" des communistes n'a pas enflé considérablement (34 % en 2010 contre 27 % en 1993 et 30 % en 1986), c'est plutôt le taux d'indifférence qui pourrait inquiéter la direction du PCF. Si l'on additionne ceux qui ne connaissent pas de communistes et ceux qui ne se prononcent pas, on passe de 27 % en 1993 à 39 % en 2010.
A ce déclin dans l'opinion publique, le nouveau secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, doit ajouter la concurrence sérieuse opérée par le Parti de gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon. Même si à la veille de la "Fête de L'Huma", M. Laurent a assuré, dans Libération, qu'"il n'y aura pas de guerre des ego" au sein du Front de gauche – regroupement du PCF, du PG et de la Gauche unitaire (dissidents du NPA d'Olivier Besancenot) – à l'occasion de l'élection présidentielle de 2012. M. Mélenchon ne cache pas son ambition de se présenter à ce scrutin alors que les communistes ont potentiellement un candidat avec André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme.
Mais de cette rivalité, on ne parlera pas dans l'euphorie de la fête. Une euphorie que l'actuel ministre du travail, Eric Woerth (qui était alors ministre du budget) avait partagé, l'an dernier, lors de la fête où il avait été invité à un débat sur la crise. Cette participation n'avait pas été du goût de certains militants d'extrême gauche comme le montre cette vidéo. Qu'importe, M. Woerth avait assuré qu'il serait à nouveau présent en 2010 si les dirigeants du PCF l'invitaient encore... Entre le projet de réforme des retraites et l'affaire Bettencourt à laquelle son nom est associé, les organisateurs ont probablement considéré que le présence du ministre n'était pas nécessaire.