20 octobre 2010 - Le Télégramme
La mobilisation ne faiblit pas à Carhaix. Quelque 2.200 personnes, selon nos estimations, ont défilé dans les rues hier matin. Mais
syndicats comme salariés s'interrogent sur la suite à donner au mouvement.
A quelques grappes humaines près, la mobilisation aurait été égale à samedi dernier. 2.200 personnes dans les rues de Carhaix, en
semaine, pour une énième manifestation? On n'a pas vu ça depuis mai 68, assurent les mémoires carhaisiennes. Mais visiblement, le grand soir n'est pas pour tout de suite. Alors, après ce
nouveau «succès», on fait quoi? Nouvelle manif, grève générale, radicalisation du mouvement? Du côté du collectif de défense du Kreiz-Breizh, «on ne veut pas lâcher, même si le gouvernement est
sourd et aveugle», lâchent de concert Henri Guillemot et Hélène Mangeney. «S'il faut aller vers la radicalisation, on accompagnera la population».
«La suite dépendra de la base»
Même tonalité à Sud. «Nous, on est pour la grève générale depuis le début. Il n'y a que ça à faire pour que ça bouge», milite Laurence de Bouard, de Sud, syndicat
qui a un pied dans le collectif, et l'autre dans l'intersyndicale. Chez les poids lourds de l'intersyndicale, le ton est plus mesuré. Et on marche sur du velours en attendant les mots d'ordre
nationaux. «La suite dépendra de ce que veut faire la base», indique François Régis Le Coulant (CGT). «C'est aux salariés, dans les entreprises, de s'emparer du mouvement». «D'ici jeudi,
localement, on va faire remonter ce qui se passe dans les boîtes, prolonge Pierre Moal (CFDT). Ici, c'est sûr que c'est compliqué. Les gens ont déjà fait grève deux, trois jours. C'est lourd
financièrement. En plus sur le secteur, il n'y a que des petites boîtes: je ne vois pas comment on peut aller vers des grèves reconductibles».
«Un trou dans le porte-monnaie»
Au milieu du cortège, trois cantinières donnent un bel écho au débat. Elles travaillent à Plounévézel ou Poullaouen, en sont à leur cinquième manifestation depuis
le début du mouvement. Les deux premières étaient en grève hier; la troisième a simplement débrayé une heure. «On a des petits salaires, ça commence à faire un trou dans le porte-monnaie».
Corinne quittera donc ses camarades à mi-parcours. Non sans s'abandonner à un certain défaitisme. «Ils n'écoutent pas les manifs, et on n'a pas les moyens de se lancer dans une grève
reconductible. Je ne vois pas comment on va en sortir...».
Qu'importe l'issue, nos trois cantinières n'ont pas encore baissé les bras. Car, répètent-elles, «on ne pourra pas porter des gamelles jusqu'à 67 ans». Alors on
les reverra encore battre le pavé, à Carhaix, si possible. Et «le samedi, ou en fin de journée», pour pouvoir continuer à faire entendre leur voix. Sans crier famine.