Par (22 mars 2013)
La réforme bancaire est toujours en discussion au Parlement. Et – surprise ! – elle pourrait contenir au moins une véritable avancée : l’obligation pour les banques de publier toutes leurs données concernant leurs activités dans les paradis fiscaux. De quoi faciliter la lutte contre l’évasion fiscale et les dissuader de trop recourir à d’obscures opérations financières, au risque de ruiner totalement leur réputation.
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Heureusement que certains députés et sénateurs sont plus offensifs que le gouvernement. Le Parlement est en train de durcir – un peu – le projet de réforme bancaire, en tout cas sur la question des paradis fiscaux. Les députés socialistes et écologistes ont, en février, voté l’obligation pour les banques de publier chaque année la liste de leurs filiales, avec effectifs et chiffres d’affaires, malgré les réticences du ministre de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici, et du Président de la Commission des finances, Gilles Carrez (UMP). « Mais pourquoi ne pas en profiter pour demander le montant des profits réalisés par chaque filiale ou celui des impôts payés ? », interrogions-nous alors (lire notre article). Cela aurait permis de mettre en lumière les filiales qui réalisent des profits, avec peu de salariés et sans payer d’impôts. Bref, de lutter vraiment contre l’évasion fiscale et les manipulations comptables.
C’est désormais chose faite : à l’initiative des groupes EELV et socialiste au Sénat, un amendement, voté le 21 mars, oblige les banques à publier leurs bénéfices, impôts et subventions dans toutes leurs filiales à l’étranger. Y compris celles présentes dans les territoires « à fiscalité réduite », des Îles Caïmans à Hong-Kong en passant par le Luxembourg. « Cette mesure permettra de détecter non seulement les territoires qui abritent d’éventuelles filiales fantômes, mais surtout les transferts artificiels des bénéfices depuis les pays à fiscalité normale vers les paradis fiscaux », explique le CCFD Terre Solidaire qui anime de longue date une campagne pour lutter contre l’évasion fiscale. Des détournements de fonds qui pénalisent les citoyens européens comme ceux des pays en développement.
Un effet très dissuasif
La victoire est double : cette obligation concerne toutes les filiales, et pas seulement les 18 territoires considérés par Bercy comme des paradis fiscaux. Exit donc les pressions politiques ou diplomatiques qui visent à toujours réduire la liste noire. Surtout, les informations seront rendues totalement publiques, dans le cadre des rapports financiers que les banques se doivent de publier chaque année. Toutes les parties prenantes de l’entreprise financière – salariés, syndicats, investisseurs, clients – y auront accès.
« Cela aura un effet dissuasif. Telle banque sera forcée d’expliquer pourquoi elle dispose de filiales aux Îles Caïmans. Cela nuira à leur image et à leur réputation. Elles seront contraintes de faire le ménage dans leurs activités les plus obscures », positive Mathilde Dupré, en charge de la campagne contre les paradis fiscaux au CCFD. Cette obligation de transparence aidera également les administrations fiscales, françaises et étrangères, à mener leurs contrôles.
Après les banques, les multinationales ?
On attend avec impatience les communicants de BNP-Paribas se démener devant leur clientèle pour justifier leurs 22 filiales aux Îles Caïmans, les 17 succursales que la banque compte sur l’île de Madère (Portugal), les 9 structures qu’elle a ouvertes sur les îles anglo-normandes (Jersey et Guernesey) ou les 61 qui quadrillent le Luxembourg ! Car la plus puissante banque française est aussi celle qui compte le plus de filiales dans des territoires à fiscalité réduite : 360 (25% de ses filiales) contre 104 pour le Crédit Agricole (20%) et 49 pour la Société Générale (18%).
L’amendement des sénateurs a finalement reçu un avis favorable du gouvernement, malgré l’intense lobbying de la Fédération bancaire française. Il devrait donc, en toute vraisemblance, être validé par les députés, d’autant qu’il précède une directive européenne imposant la transparence des banques pays par pays. S’il entre en vigueur comme prévu en 2015, il constituera l’une des très rares avancées de l’une des réformes les plus attendues du quinquennat hollandais, qui, sur les autres sujets, ne résout aucun des problèmes posés par les dérives du secteur (lire notre analyse).
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Cet amendement ouvre également un horizon intéressant : la possibilité d’étendre cette obligation de transparence à l’ensemble des grandes entreprises multinationales, et pas seulement au secteur financier. Cela permettrait de combattre, entre autres, les mises en faillite artificielle. Comme à Goodyear par exemple ?
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Ivan du Roy
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