La chappe de plomb du patronat
vendredi 11 juin 2010
Communiqué de presse de l’APSES du 30 mai 2010 :
Projet de programme de SES :
Une proposition inacceptable qui dénature l’enseignement de SES
L’APSES, dont le Président a démissionné lundi 24 mai du groupe d’experts chargé de l’élaboration du programme de sciences économiques et sociales en classe de
première, dénonce avec la plus grande force le projet mis en consultation le jeudi 27 mai par le Ministère de l’Education Nationale.
S’il devait entrer en application, il constituerait une véritable régression pour les futurs élèves de première ES, avec des défauts en nombre et en gravité si
importants que le présent communiqué de presse ne peut qu’en exposer les grandes lignes, renvoyant à l’analyse détaillée publiée sur le site de l’APSES l’explication précise et argumentée de tout
ce qui pose problème dans ce projet.
1. Un record : le plus encyclopédique des programmes jamais conçu en SES ! Alors qu’il existe dans la communauté éducative une unanimité pour dénoncer
l’encyclopédisme des programmes actuels de SES en première et terminale, le projet du groupe d’experts aboutit à une dérive sans précédent : avec un empilement de près de 170 notions (contre
environ cent dans le programme actuel), et pas moins de 38 chapitres, tous les records de démesure sont pulvérisés !
L’effet pervers de cet amoncellement de notions est de priver l’enseignant de toute liberté pédagogique et l’élève du temps nécessaire à l’apprentissage. Aucun
temps de réappropriation, aucun temps de reformulation, aucun temps de confrontation ni entre les élèves ni entre le cours et l’actualité économique et sociale ne seront possibles. Les élèves
auront-ils le temps de travailler sur documents, de s’essayer à la construction d’une enquête par questionnaire, à la constitution de dossiers ou de monographies face à une telle inflation de
notions ? Cette conception de l’enseignement comme simple transmission qui va de la parole savante à l’élève ne permet aucune prise en compte des expériences, questionnements et curiosités des
lycéens de 16 ans.
2. Les problématiques contemporaines reléguées à la marge : quel sens donner aux apprentissages des élèves ? Le projet du groupe d’experts marque un
incompréhensible recul sur l’étude de questions contemporaines qui suscitent l’intérêt des élèves et favorisent l’apprentissage. Faut-il mettre en œuvre des politiques de relance ou de rigueur ?
La banque centrale doit-elle avoir comme seul objectif la lutte contre l’inflation ? Comment réduire les inégalités ?
Les élèves n’en sauront jamais rien car ces questions « vives » ne leur sont pas posées. Il est symptomatique que dans la partie économique du programme (couvrant
la moitié de l’année), les indications complémentaires n’invitent qu’à deux reprises les élèves à « s’interroger » sur les causes ou conséquences de tel phénomène économique, et que les termes «
réflexion » et « réfléchir » , qui apparaissent 13 fois dans le programme actuel, soient totalement absents dans ce projet !
Par ailleurs, les parties économiques et sociologiques portent la marque d’un biais significatif qui occulte les débats internes à chaque science sociale. La
macroéconomie est ainsi réduite à la portion congrue (la microéconomie couvre les 4/5e du programme d’économie et plus de la moitié de l’année), un choix qui étonne au moment même où nos sociétés
(et les élèves) s’interrogent sur le chômage, la crise économique, l’avenir de la protection sociale ou les politiques d’austérité.
En sociologie, l’individu devient le point de départ de toute analyse, au point qu’après avoir tenté d’évacuer le chômage des programmes de seconde, on fait
maintenant disparaître les classes sociales et la culture ! Etrange conception transmissive et biaisée de l’enseignement, à rebours de la démarche scientifique et des débats qui produisent
la dynamique des savoirs, de la nécessité de répondre à la curiosité des élèves, et qui va à l’encontre d’un objectif essentiel des SES : concourir à la formation de citoyens.
Les SES deviendraient ainsi le seul enseignement secondaire à se départir de cette mission fondamentale de concourir à la culture générale au lycée, alors que
toutes les autres matières, de l’Histoire-géographie à la Physique-Chimie en passant par les mathématiques et l’EPS, ne cessent de renforcer cette dimension dans leurs programmes respectifs (voir
cette analyse des projets dans les autres disciplines).
3. A l’origine des défauts de ce projet : un strict cloisonnement disciplinaire. Le projet de programme est construit sur un cloisonnement disciplinaire sans
précédent en SES, avec une séparation stricte et minutée entre économie, sociologie et science politique.
Cela revient à démanteler une des raisons du succès des SES depuis 40 ans : la combinaison des apports parfois séparés, parfois conjoints, de différentes
sciences sociales mobilisées sur des problématiques contemporaines. Ce cloisonnement aboutit à de véritables non-sens autant qu’à des redondances. Pourquoi, par exemple, aborder d’une part les
niveaux de pouvoir dans la partie économique et d’autre part les notions d’État unitaire, décentralisé ou fédéral dans la partie consacrée à la science politique ?
Pourquoi aborder dans la partie économique les fonctions de l’Etat, dans la partie science politique l’émergence de l’Etat et des Etats-nations et dans les «
regards croisés » le rôle de l’Etat-providence ? Un unique chapitre sur l’Etat mobilisant successivement les outils de l’économiste et du politiste aurait été plus cohérent. Pourquoi aborder les
choix de production au sein de l’entreprise dans la partie consacrée à l’économie puis les relations sociales qui s’y nouent dans la partie « regards croisés » au lieu de la traiter dans un
chapitre unique convoquant des démarches économiques et sociologiques ?
4. Un projet qui doit être entièrement revu L’APSES appelle l’ensemble de la communauté éducative à exprimer son refus d’un projet qui, sous couvert de réécriture
des programmes, opère un véritable démantèlement d’une discipline pourtant plébiscitée par les élèves et leurs parents. Le projet de programme proposé comporte des défauts trop importants, liés
aux principes mêmes qui ont présidé à sa conception. L’amender ne ferait pas disparaître ces défauts, et il doit donc être abandonné.
L’APSES demande en conséquence un report d’un an de l’application du nouveau programme pour laisser le temps de concevoir un nouveau projet sur l’ensemble du cycle
terminal, intégrant la question de l’évaluation. Pour alimenter la réflexion, elle rendra public dans les jours à venir son propre projet de programme qui aura avant tout pour ambition de
répondre à l’intérêt et aux besoins des élèves. A défaut d’obtenir une réponse favorable à ces demandes, l’APSES appellera tous les enseignants de SES à ne pas appliquer ce projet de programme à
la rentrée de septembre 2011.
Contacts :
Président : Sylvain DAVID
sylvain.david3@free.fr / 06 75 81 40 37
Vice-présidente : Marjorie GALY
marjorie.galy@wanadoo.fr / 06 62 22 04 35
Secrétaires généraux :
Renaud CHARTOIRE - chartoire@aol.com /06 18 28 16 52
Rémi JEANNIN - jeannin.remi@gmail.com /06 73 74 99 35