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Pierre Le Ménahès, à 52 ans, raconte ses luttes syndicales dans un livre intitulé « La France d'en bas face à Sarkozy ».
Pierre Le Ménahès, c'est ce syndicaliste qui avait tenutête à Nicolas Sarkozy surTF1 en janvier 2010. Aujourd'hui, le Morbihanais sort un livre, intitulé La France d'en bas face à Sarkozy. Un pamphlet pétri d'émotion. Le leader CGT de la Fonderie de Bretagne l'a écrit avec sa sueur. Il y raconte la lutte des ouvriers pour que l'usine située près de Lorient ne ferme pas.
La notoriété hexagonale de Pierre Le Ménahès, ce n'est pas à son combat pour la survie d'une usine qu'il la doit. Entré à la fonderie de Bretagne (ex-SBFM) à Caudan à l'âge de 23 ans, laboureur syndical inconnu au-delà des portes de Lorient, il est devenu en l'espace d'une journée, l'homme qui a fait face à Nicolas Sarkozy.
Quand TF1 le contacte pour participer à l'émission Paroles de Français, il n'y voit qu'un intérêt : « Inciter le Président à écouter les classes laborieuses. » Le 25 janvier 2010, devant 8 millions de téléspectateurs, il tient tête au président. Le dialogue avec le chef d'État vire à l'empoignade verbale. « Je n'ai pas pour habitude de manier la langue de bois » admet Pierre Le Ménahès. Devant le présentateur Jean-Pierre Pernaut médusé, Pierrot taxe l'analyse du président de « simpliste » lui signifie, dans le débat « que les gens d'en bas, qui se lèvent tôt, partagent surtout les petits salaires, les licenciements, les fermetures d'usines. » La passe d'armes sera courte, mais elle fait mouche.
Les autres invités se fondent dans le décor du plateau. À la sortie, Pierre Le Ménahès est content : « J'étais venu pour faire passer le message de la France d'en bas à la France d'en haut. J'ai réussi. » Radios, télés, internautes se ruent sur ce petit Breton qui n'a peur de rien. Il enchaîne les plateaux télé dont celui du Grand Journal de Canal +. Durant quelques jours, sa marionnette apparaît même aux Guignols.
Dans cette tempête qui se lève autour de lui, il garde la tête froide. Il rejoint ses copains à l'hôtel et très vite reprend le train pour Lorient, fuyant la capitale « et les salons feutrés des médias. Je préférais retrouver les copains, me ressourcer, partager avec eux, ces deux jours non-stop dans un autre monde. »
Malgré les sollicitations, Pierre Le Ménahès n'a pas voulu retourner devant les caméras. « Pour exclure toute forme de caricature, dit-il et pour éviter d'être instrumentalisé dans les pièges du strass et des paillettes. »
Avant l'été, Les éditions Favre l'ont convaincu que son combat syndical pour sauver la fonderie, entre 2008 et 2009, méritaient un récit. Son livre, La France d'en bas face à Sarkozy sort ce jeudi 27 octobre. La maison suisse fondée il y a vingt ans publie une collection composée de dossiers et de témoignages. Pierre Le Ménahès entre dans cette case-là.
« Tout ce qu'il fait, c'est pour les autres »
À 52 ans, il a pris la plume pour refaire le film d'une bonne grosse tranche de sa vie. Les manifs à répétition, les assemblées générales, les réunions chez le préfet. La persévérance des 537 salariés, lâchés par leurs actionnaires, et le soutien étatique à l'industrie automobile ont abouti à la reprise de l'usine par Renault, le 26 juin 2009. À tel point, confie le maire communiste d'Hennebont, Gérard Perron « que la mort de Michael Jackson intervenue le même jour, est passée presque inaperçue au pays de Lorient. »
Avec son bref mais très remarqué passage en « Sarkoland », les mois de lutte sociale composent l'essentiel de l'ouvrage que Pierre Le Ménahès a rédigé à la main. À ses heures, il écrit aussi des refrains, engagés évidemment, pour chanter dans les bistrots avec son groupe de rock.
Tous ses proches sont d'accord :« Pierre est un tribun, d'un charisme comme on en voit rarement. Mais tout ce qu'il fait, c'est pour les autres. Aucune décision prise ne l'a été sans l'avis des salariés de la fonderie. Même quand il a été sollicité pour rédiger un livre, il a demandé qu'on vote. »
Olivier Besancenot, le leader de NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) a été bluffé par le personnage. Il témoigne dans l'ouvrage : « Quand je suis allé soutenir les fondeurs en juin 2009, Pierre m'a dit qu'on viendrait me chercher à l'aéroport de Lorient. À l'atterrissage, le pilote est venu me prévenir que j'étais attendu. Ils étaient plus de 400 ouvriers dans le hall, avec tout l'attirail de la manif combative. J'en avais la chair de poule. Pierre, c'est le syndicaliste qu'on aimerait tous avoir dans sa boîte et avec qui on a aussi envie de s'accouder au comptoir pour boire le verre de l'amitié. »
Bernard Lavilliers, le 4 avril 2009, a accepté de chanter à Lorient au profit des ouvriers. Il a préfacé le livre en leur dédiant une de ses chansons Les mains d'or. Un hommage aux salariés de l'industrie. Avec fierté, Pierre Le Ménahès révèle que Lavilliers « a cédé les droits d'auteur de cette chanson au syndicat de la fonderie. » Tout aussi simplement, Pierrot confirme que de son bouquin, il ne veut pas toucher un sou. Les recettes iront à la CGT.