Le procès en appel du naufrage de l'Erika, qui avait causé, il y a dix ans, l'une des pires marées noires ayant souillé le littoral français, s'ouvre aujourd'hui, à Paris. Pendant un mois et demi, huit prévenus, 94 parties civiles et entre 30 et 50 experts et témoins vont se succéder à la barre.
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La cour de cassation
rend Total responsable
Jusqu'au 18novembre, Total et deux filiales, ainsi que la société de classification italienne Rina, le propriétaire du pétrolier, GiuseppeSavarese, et son gestionnaire Antonio Pollara, seront de
nouveau devant la justice. Ils feront face à plusieurs dizaines de parties civiles souhaitant obtenir des indemnités plus conséquentes, et la confirmation, voire l'amplification, de la notion de
«préjudice écologique» (*).
Trente-cinq témoins participeront au procès, à Paris, dans une chambre présidée par Joseph Valantin. En décembre1999, l'Erika, pétrolier vieux de 25 ans, avait pris la mer en pleine tempête pour
rejoindre l'Italie. Le 12décembre, il se cassait en deux et sombrait au large du Finistère. 20.000 tonnes de fioul avaient souillé 400km de côtes et mazouté plus de 150.000oiseaux.
192 M€ de dommages et intérêts aux parties civiles
À l'issue du premier procès, qui s'était tenu de février à juin2007, le tribunal correctionnel de Paris avait condamné Total SA, le Rina et MM.Savarese et Pollara aux amendes maximales: 375.000€
pour les personnes morales, 75.000€ pour les personnes physiques. Ils avaient également été condamnés à verser solidairement 192 M€ de dommages et intérêts aux parties civiles.
Tous les quatre avaient fait appel. Les membres des secours et le capitaine du pétrolier avaient, en revanche, étaient mis hors de cause, ainsi que les deux filiales de Total. Mais le parquet a
fait appel de la relaxe de ces deux dernières. Lors du procès en première instance, les parties civiles n'avaient obtenu qu'environ 20% des indemnités qu'elles réclamaient, et l'État, avec 154M€
sur 192M€, s'était taillé la part du lion. De nombreuses collectivités espèrent obtenir davantage.
Préjudice écologique: reconnaissance souhaitée
«Nous souhaitons que le préjudice écologique soit admis pour les régions», et pas seulement pour les départements, a expliqué MeJean-Pierre Mignard, qui représente huit collectivités solidaires,
dont les régions Bretagne, Pays-de-la-Loire et Poitou-Charentes. Total, qui avait dépensé 200M€ pour nettoyer les plages après le naufrage et pomper le fioul resté à bord de l'Erika, a d'ores et
déjà réglé «de façon définitive» 170M€ d'indemnités à 38 parties civiles, dont les 154M€ à l'État, a précisé l'avocat.
* Reconnue par le jugement du 16 janvier 2008, elle permet aux associations écologistes ou aux collectivités gérant des espaces naturels de demander réparation pour atteinte à
l'environnement. Pour la première fois, un tribunal avait ainsi octroyé des indemnisations au titre des oiseaux mazoutés.
Les précédents déboires judiciaires de Total
Pétrole irakienUne enquête est ouverte en 2002 à Nanterre sur le versement présumé de commissions illicites entre 1996 et 2002 pour favoriser Total en Irak.
Marché gazier en Iran
Une instruction a été ouverte en décembre 2006 à Nanterre et M. de Margerie a été mis en examen le 22 mars 2007 par le juge Courroye pour "corruption d'agents publics étrangers et abus de biens sociaux" dans le cadre d'un contrat concernant le champ d'exploitation iranien South Pars signé par Total en 1997.
Pétrole au Cameroun
Le parquet de Paris a ouvert en janvier 2007 une enquête préliminaire pour "corruption d'agent public étranger" à l'égard de Total dans l'exploitation et la commercialisation de pétrole au Cameroun en 2005-2006, suite à une dénonciation de Tracfin (cellule antiblanchiment du ministère de l'Economie).
Raffinerie de la Mède
En juin 2007, Total France a été condamné à 10.250 euros d'amende par le tribunal de police de Martigues (Bouches-du-Rhône) pour avoir laissé s'échapper le 7 août 2005 un nuage d'hydrocarbures de sa raffinerie de La Mède.
Corruption en Italie
La justice italienne a suspendu en février 2009 pour un an la concession d'exploitation de la filiale du pétrolier Total Italie sur le gisement "Tempa Rossa" en Basilicate (sud). Une enquête préliminaire avait révélé des faits de corruption pour environ 10 millions d'euros.
Pollution de la Loire
En mars 2009, Total a été mis en examen dans l'enquête sur la pollution de l'estuaire de la Loire après une fuite de fioul dans la raffinerie Total de Donges (Loire-Atlantique) le 16 mars 2008. La dépollution lui a coûté 50 millions d'euros.
AZF
A la suite de l'explosion de l'usine AZF le 21 septembre 2001 à Toulouse (31 morts, des milliers de blessés), Total a versé
avant le procès (clos en juin 2009) une indemnisation de 220 millions d'euros pour 20.000 dommages corporels (2 milliards avec les dommages matériels).