Les grosses boîtes abusent-elles des intérimaires ? Méprisent-elles leurs instances syndicales ? Michel Francomme et David Pico, délégués CGT, espèrent en tout cas que l'affaire Cummins
posera le problème pour que cessent certaines pratiques.
Déjà reporté en février, le procès pénal devait se dérouler hier. Il a été une nouvelle fois reporté. C'est que l'affaire est délicate. Il y a un an, le comité d'entreprise et les syndicats CGT
et CFDT de Cummins filtration ont porté plainte contre la direction de cette usine spécialisée dans les filtres pour poids lourds, au Petit-Guelen, et se sont portés partie civile dans deux
affaires distinctes.
La première ? Ils reprochent à la direction quimpéroise du groupe américain de n'avoir pas respecté la consultation obligatoire du comité d'entreprise avant le plan social de 2009, au
terme duquel une quarantaine de personnes ont été licenciées et une soixantaine sont parties volontairement.
« En tout cas cette consultation nous a semblé sommaire », précise Michel Francomme, secrétaire de la CGT chez Cummins. Cela semble aussi l'avis du
parquet de Quimper, puisqu'il poursuit la direction pour « délit d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise et licenciement économique sans notification du projet à
l'administration ».
« La justice le dira »
Deuxième affaire, pour laquelle seuls les syndicats CFDT et CGT sont parties civiles : la question des intérimaires. Selon les syndicats, « en 2008, année record pour le
chiffre d'affaires », Cummins employait 20 % d'intérimaires sur un effectif total de 500 employés. Illégal ? « La justice le dira, répond Michel
Francomme. En tout cas, lorsqu'on tourne avec un effectif régulier d'intérimaires, on peut s'interroger sur la pertinence de les embaucher. »
Son collègue David Pico opine : « L'intérim peut palier du remplacement de maladie, de la surcharge de travail, des choses comme ça. En aucun cas les intérimaires peuvent
occuper des postes durables. »
La CGT pointe aussi le fait que « si ces intérimaires avaient été embauchés, ils auraient été intégrés dans le plan de sauvegarde de l'emploi. Au lieu de ça, 120 se sont retrouvés
remerciés sous couvert de crise. » Des arguments, là encore, que le parquet de Quimper semble avoir entendus puisqu'il poursuit la direction pour « usage abusif de
salariés temporaires pour un emploi durable et habituel ».
Un premier procès était prévu le 8 février. Il a été reporté. Le second aurait dû se tenir hier. Il a encore été reporté... en janvier 2012 ! Il a également été décidé que l'audience,
initialement présidée par un juge unique, sera finalement jugée en collégiale, c'est-à-dire avec trois magistrats. « On a dû toucher un point qui fait mal », commente
David Pico.
« Ce n'est pas l'usage de voir des problèmes de travail jugés au pénal, ajoute Michel Francomme. Et le parquet a dû se donner les moyens de rendre un jugement
objectif. » Ce report agace quand même les syndicats : « 50 intérimaires vont rester sans réponses pendant un an. »
Morceaux à recoller
Il n'empêche. Les délégués CGT, conscients qu'une condamnation de Cummins pourrait nuire « à l'image de marque de l'entreprise », sont attentifs à rester
« constructifs ». « D'autant qu'un collectif de cadres s'est monté contre la démarche du CE et qu'il y a eu une communication auprès des salariés pour
mettre le doute dans leur esprit sur le bien fondé de cette procédure judiciaire. »
Ils ont aussi à l'esprit de tourner la page après le dur conflit social de 2009. « Ce n'était pas la meilleure façon de faire. » Il y a beaucoup de
morceaux à recoller : « L'ancienne direction syndicale est partie. Aujourd'hui nous tenons à être mesurés. Nous n'attaquons pas la direction. C'est juste qu'il y a des lois et
que c'est notre rôle de représentants qu'elles soient respectées. »
Les délégués souhaitent que cette histoire serve d'exemple : « Si on arrive à prouver que l'usage des intérimaires était abusif, ça marquerait des points pour beaucoup
d'autres entreprises. »
Nous avons contacté la direction pour réagir. Elle n'a pas donné suite à notre demande.